« Eloignez-vous à un jet de pierre sur la droite ou sur la gauche de cette route bien entretenue sur laquelle nous marchons , et aussitôt l ‘univers prends un air farouche, étrange... » R.Kipling
Nous sommes partout et nulle part à la fois. L’organisation moderne de l’espace social broie les possibilités de nouveaux horizons, pour mieux satisfaire l’unité (l’unité étant le mouvement qui tend à supprimer les différences). Il n’est pas rare d’être surpris juste en levant les yeux, car l’habitude nous rend aveugle vis-à-vis de ce qui nous entoure. Nous parcourons quotidiennement, sans même nous en apercevoir, des chemins balisés, qui orientent notre perception et annihilent toutes nuances. Hors il existe ce que j’appel des « contres espaces », qui ne se définissent pas par opposition à des espaces préexistant mais qui sont l’affirmation de la volonté de différence dans la perception. D’aucuns objecteront que malgré l’unité, l’unicité de chaque individu suffit à établir des degrés de perception. Certes mais il ne s’agit pas ici de la compréhension du monde mais bien d’une vision purement géographique.
C’est la possibilité de changement de son espace vitale et non de son espace personnel. Cependant la modification de premier entraine de facto des changements dans le second. Là où il y a espace il y a « contre espace ».
Aujourd’hui les moyens de transports modernes s’affranchissent de la notion du temps. La possibilité de se déplacer de plus en plus vite réduit l’écart entre deux points et transforme notre relation au monde. Selon que l’on fait Paris –Marseille en TGV ou en TER, si l’espace reste le même, l’idée que l’on s’en fait diffère. De même si le trajet est accompli en voiture. Le temps influe sur notre sensibilité à l’environnement.
Hors, au temps s’ajoute un paramètre déterminant dans la représentation du monde. Que ce soit en train, en voiture, en avion, ou encore à pied, le transport obéit à une logique urbaniste de développement territorial, qui elle-même obéit à des critères économiques et sociaux. Les transports sont à l’origine de l’organisation, et donc de la représentation, géographiques de notre espace.
Nous prenons donc les routes, les chemins de fer… dans le sens et à l’endroit ou il a été établis qu’il y aurait un gain de temps par le prisme d’une gestion optimale de l’urbanisation, nous privant du même coup de la possibilité d’autres horizons. Une logique organisatrice conditionne notre représentation. A quoi ressemblerait l’horizon si la route que vous empruntez chaque jour avait été construite d’est en ouest plutôt que du nord au sud ? Le changement d’horizon modifie forcément notre perception de l’espace. Il faut lever les yeux et marcher hors des sentiers battus, pour avoir un regard nouveaux sur les choses, et participer à l’intelligibilité du monde.
J’allais le dire !