Ca a commencé ! ça a commencé ! Partout dans les campagnes surchauffées par le soleil de juillet, une indescriptible rumeur plane, «sur la colline de la potence, ça a commencé !»
«Moi je les ai vues, près du vieux chêne» «et moi dans la portion du marcel» ça a commencé !
De toute part, dans ses moindres recoins la pleine vrombi du bruit des tracteurs charriant des remorques pleines à craquer, ça a commencé !
Au passage d’immenses machines batteuses les champs d’or jaune se couchent pour remplir les trémies de trésors odorants en abondance, faisant le bonheur de paysan surexcité, ça a commencé !
Les grains salutaires coulent a flot, les fourgons remplis à ras bord, déversant une partie de leurs cargaisons dans les moindres ronds-points au délice des oiseaux de passage, ça a commencé !
La petite forêt et ses habitants d’ordinaire si paisible sentent le froment à plein nez, eux aussi devinent que l’année sera bonne et joyeuse, ça a commencé !
Ca a commencé, en tous lieux du canton la moisson a débuté, les orges pour la bière, les blés bienfaiteurs pour le pain, que peut-il arrivé de malheureux, les dieux ont encensé la région.
Les hommes du bourg enfiévré, agriculteurs, maçons, bouchers, tous savent que la saison sera la meilleure du siècle débutant, que ce millésime apportera de la nourriture au prochain hiver froid comme une pierre de l’âge du bronze.
Aujourd’hui les habitants du village sont heureux, et ils le savent, le bon temps quand il est la, il faut l attraper avant qu’il ne s’évanouisse, parce qu’après il y a l’inconnue qui fait peur.
Même le boulanger acariâtre esquisse un large sourire, derrière son comptoir famélique, il lance des bonjours à la manière d’un tribun les yeux en amande.
La farine sera bonne et bienfaitrice, sans se parler, chacun sait que tous les matins de froidures les enfants ramèneront le pain à profusion, ils grandiront bien plus vite cet hiver.
Ce matin la parole est bien plus appuyée que d’ordinaire « vous avez vu, madame Janine, la moisson a commencé » ; « oui ma bonne Babette, en ouvrant mes volets a mâtine, ça sentait bon les blés coupés»
La moisson a débuté, pour les agriculteurs, la satisfaction du travail accompli fait plaisir à voir, les traites pourront êtres remboursées, la ferme continuera a apporté ses bienfaits, une fierté bien méritée plane au dessus des ballots de paille ficelée avec amour.
Ce soir il y aura bal sur la grande place, ça a commencé et les hommes oublieront leurs malheurs pendant un temps !!!