Vivement le printemps français!

Mais qu’est-ce, mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu, chantait le poète urbain dans une ode à Néron que les jeunesses arabes ont parfaitement repris à leur compte depuis le début de l’année, comme le souligne mon estimé collègue Bléquin. Peut-on encore caresser l’espoir de voir Sarkozy et ses sbires, qui ont l’intervention humanitaire à géométrie variable, fuir vers le même camping que Kadhafi? Il est encore trop tôt pour l’affirmer, mais commençons à aiguiser nos piques en nous réjouissant de voir qu’en ce moment la droite n’est plus étanche et commence même  à montrer de sérieux signes d’incontinence.

Résumons les faits: alors que la Tunisie virait Ben Ali et le savoir-faire français, les premiers feux de la révolte couvaient en Libye. Les rebelles du CNT, joli acronyme qui n’a malheureusement rien à voir avec la centrale syndicale du même nom, grapillaient pièce par pièce des bouts de territoire et de liberté, en attendant que l’OTAN étudie la validité du statut de partenaire commercial de Kadhafi. Notre vaillant Président et chef des armées, qui est le garant de la démocratie partout sauf à l’intérieur de ses frontières, se décida finalement avec quelques copains à armer sans le dire les insurgés, sachant que Total, autre parangon des droits de l’Homme, trouverait toujours à y gagner. Pendant ce temps en Syrie, la jeunesse non moins courroucée se faisait et se fait toujours allègrement massacrer. L’opposition de la Russie et de la Chine à une intervention militaire, ainsi que la proximité de l’Iran belliqueux, fit qu’on n’entendit que de molles protestations des hauts dignitaires internationaux, un peu comme quand le père absorbé par un match de football morigène sans trop y croire son enfant qui tente de lisser les poils du chat au fer à repasser. Et la jeunesse syrienne de commencer à partager le désespoir de son voisin iranien dont la révoluton verte a été réprimée dans le sang, et la douleur du peuple palestinien , pas de bras pas de chocolat pas de pétrole pas d’intervention. C’est évidemment très schématique, car les voies de la géopolitique sont impénétrables, surtout quand elles sont saturées d’intérêts commerciaux et d’enjeux plus nationaux.

Justement, au même moment en France, débute officieusement la campagne électorale. Sarkozy n’a rigoureusement rien à défendre dans son bilan économique, et la gauche a pris les devants sur son thème préféré, l’insécurité. Et voilà que d’odieux médisants, sans doute à la solde de Téhéran, l’accusent d’avoir perçu de l’argent liquide de Liliane Bettencourt et d’avoir fait espionner des journalistes du Monde. Après que son sang a fait deux tours, car il a moins de chemin à parcourir que chez un homme de taille ordinaire et parce que notre héros pense déjà beaucoup aux élections, Nicolas le petit Tsar se dit que la dernière parade qui lui permettra de se représidentialiser en vue de 2012, c’est une bonne petite guerre. Pour paraphraser Patrick Devedjian, le kaki va revenir à la mode, et quel meilleur ciment que la Patrie en danger pour redevenir l’homme providentiel? Comme le ministre de la Défense, Gérard Longuet est un ancien d’Occident (mais non monsieur Copé, pas de fachos à l’UMP, on sait), il a déjà une petite expérience en ratonnades, donc pourquoi ne pas menacer l’Iran de frappes préventives s’il continue à tripoter des atomes pour faire de vilaines bombes? Et pourquoi ne pas inciter Bachar el-Assad à respecter un peu plus l’expression populaire à coups de frappes chirurgicales? Effets garantis aussi en termes de publicité electorale, car MM. Dassault et Lagardère se feront sans doute une joie de consacrer quelques pages à notre conducator, en échange du renouvellement de l’équipement de l’armée française qui est la risée de tous les militaires de la planète, et qui laisse soupçonner que cette virile pulsion pusillanime de l’Elysée ne serait qu’un coup d’esbrouffe teinté d’électoralisme.

La vahiné de l’atoll de Mururoa, qui sous son collier de fleurs exotiques cache pudiquement une thyroïde aussi grosse que l’égo de notre Président, vous dira qu’elle partage tout à fait l’inquiétude de M. Sarkozy sur la prolifération des armes nucléaires. Et les Roms, à qui la RATP prête si gentiment ses tramways pour aller vers d’autres horizons sous l’égide des statistiques de M. Guéant vous diront que c’est vrai, Bachar el-Assad exagère, quand même. Vivement le printemps français!

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