POULET DE PRESSE n°27

Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Cette phrase d’introduction commence à me fatiguer, vivement le 1er janvier que j’en change ! Je sais déjà ce que je mettrai à la place, mais en attendant, place à la revue de presse.

Le Télégramme de Brest, n°20.588 (10/09/2011) : Pratiquement tous les journaux ont fait leurs choux gras du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre ; le télégramme de Brest n’a pas fait bande à part, ce qui lui a donné l’occasion de braquer les projecteurs sur quelqu’un de sympathique, à savoir madame Molly Chatalic (et non Chatelic, comme l’a écrit le journaliste), maître de conférence en anglais à la faculté Victor Segalen, que j’avais moi-même interrogée l’année dernière pour le blog de l’U.B.O. Je peux vous assurer que c’est une femme très affable, très accueillante et disponible, mais si je savais qu’elle était native de Washington, j’ignorais que son père était un « diplomate de confession musulmane » et qu’elle avait grandi « en Iran entre 1965 et 1968, puis à Karachi, au Pakistan (…) entre 1971 et 1973 ». La notion de multiculturalisme n’est donc pas un vain mot pour elle, d’autant qu’elle a passé « sa scolarité dans les écoles américaines, avec des retours réguliers dans son pays d’origine » ; elle peut difficilement être concernée, en revanche, par la notion, nettement plus absconse, de « choc des civilisations », d’autant qu’elle est de confession bouddhiste (ça, je l’ignorais aussi, il faut dire que ce n’est pas écrit sur son front, comme quoi, les clichés, hein…) : hors de question pour elle, vous l’aurez compris, de choisir son camp entre les deux cultures qui seraient entrées en guerre malgré elles le 11 septembre 2001. Aussi, sa réaction ce jour-là fut celle de la quasi-totalité des habitants de notre satanée planète, du moins ceux qui n’avaient pas l’esprit tordu par le machiavélisme ou par un quelconque intégrisme médiéval (un pléonasme, excusez-moi) : « elle reste « comme paralysée par cet électrochoc », pleurant longuement dans sa voiture, et pensant à toutes ces victimes et s’imaginant à leur place. » Je vous laisse apprécier par vous-même le commentaire qu’elle fait des dommages collatéraux de ce jour tragique ; elle considère en effet que « ceux qui ont perpétré ces crimes seront ceux qui en souffriront le plus à long terme. Je pense surtout à toutes ces pertes de vies inutiles, et à ces jeunes terroristes, qui ne représentent qu’une toute petite grange de la population musulmane et qui se fourvoient. (…) [J’espère que] les États-Unis comprendront un jour qu’ils cultivent eux-mêmes la haine des pays musulmans à leur égard. De tels dangers pèseront toujours sur mon pays tant qu’il continuera à envoyer des armes plutôt que des diplomates ayant une réelle connaissance du monde arabe. (…) Ces attentats sont la résultante malheureusement inévitable d’un manque d’éducation à l’humanité ». Ces paroles ont été prononcées par une personne qui a dû être considérée par certains américains comme une musulmane et par certains iraniens comme une représentante du « grand Satan »… Comme l’a dit Pierre Perret, « Mélangez-vous, mélangez-vous ♫ Quand tout’s les peaux ♫ Finiront par se ressembler ♫ Mélangez-vous, mélangez-vous ♫ Un jour les homm’s sauront ♫ Même plus sur qui taper »

L’Humanité, n°20.750 (16/09/2011) : L’année dernière, dans mon tout premier « poulet de presse », je vous avais chroniqué le numéro de L’Humanité que l’équipe de Fluide Glacial avait investi à l’occasion de la Fête de l’Huma ; un an plus tard, même bazar, mais cette fois, avec les dessinateurs de Charlie hebdo. Étrange retour des choses, soit dit en passant ! Vous vous en souvenez peut-être, c’était, je crois, en 1977 : cette année, Wolinski avait accepté de devenir le dessinateur de L’Humanité, choix qui fut respecté mais désapprouvé par tous ces camarades de Charlie qui voyaient d’un très mauvais œil cette récupération par le parti communiste d’un des leurs : de fait, on pouvait légitimement craindre, à l’époque, que l’humour bête et méchant ne soit soluble dans cette grosse machine qu’était encore le P.C. pendant les années 1970. Ce numéro un peu spécial de L’humanité trahit donc deux évolutions, premièrement celle de Charlie ; Charb justifie cette initiative en affirmant qu’ « il n’y a plus que deux quotidiens engagés, (…) l’Humanité et le Figaro et on ne se voyait pas dessiner pour le Figaro ». Ces propos n’auraient pas été tenus par un dessinateur du Charlie historique qui avait été fondé par des utopistes non-rattachables à une idéologie quelconque (Gébé, Cabu) voire par des voyous qui ne croyaient pas au lendemain qui chantent (Reiser, Choron) et se moquaient de tout, y compris des engagements politiques ; jamais le Charlie hebdo des seventies n’aurait pris au sérieux son rôle au sein d’un combat quelconque, en tout cas pas au point de lancer des pétitions comme le Charlie hebdo moderne, ravagé par ce Serge July dévalué qu’est Philippe Val, l’a fait à plusieurs reprises : si le fait qu’un quotidien soit politiquement engagé devient pour Charlie un critère pour travailler avec lui, cela démontre le problème que l’équipe actuelle, même débarrassée de Philippe Val, traîne encore, à savoir une tendance fâcheuse à prendre son rôle politique au sérieux. Mais le journal L’humanité, à la décharge de Charb, a changé lui aussi, comme le dessinateur le sous-entend en révélant le point commun entre le quotidien et l’hebdomadaire satirique : « Nous non plus on n’a pas de milliardaires qui viennent renflouer les caisses, on a besoin de lecteurs militants ». Personne n’aurait pu dire ça de L’Huma dans les années 1970, quand le quotidien était encore l’organe d’un parti politique qui comptait parmi les plus importants de France et qui assumait son rôle de ramification de la superpuissance soviétique ; ce journal a perdu beaucoup de lecteurs et beaucoup d’argent au cours des deux dernières décennies et le parti communiste français, laminé par ses échecs électoraux répétés et devenu soluble dans le front de gauche, n’est plus en mesure de le financer grassement. En clair, les dessinateurs actuels de Charlie, en dépit de leur indéniable talent, seraient plus aisément solubles dans le communisme que ne l’étaient leurs prédécesseurs, mais le communisme n’est plus en mesure de dissoudre quoi que ce soit : Charlie et L’Huma ne sont donc plus incompatibles, fait regrettable concernant le premier mais profitable concernant le second ; la preuve ? C’est que je n’ai trouvé dans ce journal aucun article susceptible de susciter en moi une quelconque indignation : tous les articles défendent des idées justes et généreuses, à des lieues de la démagogie et du fanatisme que l’on pouvait reprocher aux grands pontes du communisme français il y a quarante ans. Je ne vais pas vous les commenter, avec moi, aujourd’hui, L’huma prêche un converti. De toute façon, j’avoue je n’aurais pas acheté le quotidien s’il n’y avait pas eu les dessins de l’équipe de Charlie ; finalement, même phénomène qu’à la Fête de l’Huma, à l’occasion de laquelle ce numéro un peu spécial est sorti : on est globalement d’accord avec toutes les idées défendues au cours des débats, mais on n’irait pas si Joan Baez ne venait pas chanter… Du coup, vous voulez savoir quel dessin m’a le plus marqué ? C’est celui de Luz ou Troy Davis (il n’avait pas encore été exécuté le jour de la sortie du journal) dit au maton : « Mes dernières volontés ? Avoir un président noir (…), mais un qui serve à quelque chose… »       

Fluide Glacial, n°424 (octobre 2011) : Ah tiens, puisqu’on parle du loup ! Vous me connaissez, je suis d’habitude plutôt dithyrambique à propos du mensuel d’umour et bandessinées ; j’espère donc que l’équipe de Fluide me pardonnera si je dis ouvertement que j’ai trouvé leur dernier numéro plutôt mitigé : il y a du bon et du moins bon. Par exemple, Frémion a voulu consacrer son fameux « t’ar ta lacrèm » à la Commedia dell’arte et a eu l’honnêteté d’ouvrir son article en avouant qu’il n’est pas un « ultra-spécialiste » de ce genre collectif et anonyme qui a fait les beaux jours de la renaissance italienne : il parle « en général » faute de pouvoir « reconstituer les carrières et les bios, identifier tel ou telle », et son article pêche par une relative confusion. Notez, je dis ça, mais si ça se trouve, c’est moi qui ai mal lu. En revanche, je suis sûr d’avoir bien lu les planches de James et de Blonde, je persiste donc à dire qu’elles font un peu « pauvrettes » aussi bien graphiquement qu’humoristiquement, en comparaison de celles de Lindingre ou d’Isa par exemple. Mais ma plus grosse déception fut de trouver huit pages des Professionnels de Gimenez déjà parues dans le numéro 72 de mai 1982 ! Bon, je sais que Fluide s’emploie actuellement à rééditer l’œuvre autobiographique de ce grand dessinateur espagnol (ce qui lui a valu le prix du patrimoine à Angoulême il y a un ou deux ans), mais de là à remplir le journal avec du vieux matériel… Les auteurs accuseraient-ils du retard dans la livraison de leurs planches ? Enfin, passons, le nouveau rédacteur en chef, Christophe Goffette, nous gratifie de sa traduction d’une nouvelle de Terry Gilliam (rien que ça !) ; il lui sera donc beaucoup pardonné. Avant d’en finir, permettez-moi de vous citer ce que Thiriet, résidant à Nîmes, nous rapporte concernant un passage de notre demi-président dans cette riante citée : « La ville est bouclée. Des CRS partout. 10 h du matin : dans le centre, flics en civil. Tout le monde doit rentrer chez lui. C’est le couvre-feu ! Sauf pour ceux qui ont la carte UMP. Une copine infirmière ne peut même pas aller voir ses patients ! Les flics rentrent dans les bars : interdiction de sortir avant 13 h ! Coincés de 10 h à 13 h dans un bar… Ça encourage le commerce ! Sarko reste ¾ d’heure, fait son speech et se casse. La ville respire. » Et après ça, l’UMP se présente encore comme un parti républicain…     

 Bikini, n°3 (septembre-octobre 2011) : Ce bimestriel breton et gratuit consacré à la société et à la pop culture, je vous l’ai déjà présenté. Impossible de le rater à l’UBO, il est visible partout où les étudiants ont l’habitude de passer ; je ne sais pas si les étudiants le lisent, mais s’ils le font, il faut reconnaître que ce journal est bien agréable, malgré le ton un peu snob de certains articles. Alors, quelques infos intéressantes piochées dans cette troisième livraison : tout d’abord, si vous décidez de faire un barbecue chez vous, en général, vous pouvez y aller à l’aise, sauf avis contraire du règlement de copropriété (mais les évictions pour avoir enfreint l’interdiction sont rares) si celui-ci a été rédigé par des gros cons (des gens qui interdisent à leurs voisins de se faire ce plaisir, je les appelle comme ça, désolé) ; les arrêtés municipaux concernent surtout les forêts et espaces verts, et si votre voisin est vraiment super-grincheux, il peut vous attaquer en justice (ça arrive très rarement, heureusement) mais à ce jour, une seule personne a été condamnée pour avoir fait un barbecue, et encore, le tribunal a reconnu qu’il y avait eu volonté de nuire. Ensuite, si vous voulez vous marier à l’église (il en faut pour tous les goûts), gardez en tête que le curé ne vous laissera probablement pas diffuser dans l’enceinte du saint lieu de la musique du groupe Era, du hip-hop, du hard rock ou du zouk-love ; l’Église évolue, à ce qu’on prétend… Continuons : voler un panneau de signalisation pour décorer votre intérieur peut vous rapporter jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende ; ce n’est pas moi qui irait prendre un risque pareil, la vue d’un panneau me déprime… Mais le fait le plus marquant rapporté dans Bikini reste la prolongation de la vie du minitel : saviez-vous que cet appareil encombrant, lent et limité dont on nous annonce régulièrement la mort fait encore l’objet de 46 millions de connexions annuelles ? France Télécom a donc prolongé ce service « pour laisser plus de temps aux éditeurs pour migrer l’ensemble de leurs services sur Internet ». En attendant, certaines professions, dans l’agriculture par exemple, continuent à s’en servir et à le trouver pratique, d’autant qu’il a UN avantage indéniable qui tient justement à son pire inconvénient : comme il est beaucoup moins souple qu’Internet, il est absolument impossible de le pirater ! De là à penser qu’on veut le supprimer parce qu’il était le dernier rempart garantissant l’opacité pour les usagers, il n’y a qu’un pas… Ah, une dernière chose : Alice, l’héroïne de Lewis Carroll, fera l’objet, à partir du 25 octobre, d’une exposition aux Champs libres, à Rennes. Une première en France, puisque notre vieille République, toujours aussi réticente dès qu’il s’agit d’honorer les artistes de la pourtant pas si perfide Albion, n’avait encore jamais accueilli une exposition de cette ampleur sur le personnage, malgré son succès et la richesse de l’iconographie qui lui a été consacrée. Enfin, wait and see pour voir ce que ça vaut… Allez, kenavo !

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