Jeux de mains, Jeux de Vilains

Que les esprits les plus lubriques se calment, je ne vous parlerai pas, dans cet article, de sexe ou de chamaillerie entre politiques, mais du second spectacle que je suis aller voir lors du festival Passages : il s’agit de HAND STORIES (Histoire de mains). Certains d’entre vous vont me diront qu’un spectacle de marionnettes est réservé à un public d’enfants mais à la vue du sujet, je vous répondrai bien le contraire ; en effet, ce spectacle serait plutôt réservé à un public d’adultes et aux enfants avertis.

Yeung Faï est décrit comme un magicien des mains. Il a été éduqué à l’art des marionnettes dès l’âge de 4 ans. Il est l’héritier de cinq générations de marionnettistes à gaine chinoise et le dernier de cette longue transmission directe de père en fils. Sa dextérité dans cet art est  stupéfiante. Dans ce spectacle, il nous fait le récit de sa vie, pas toujours rose, qui reflète, en partie, l’histoire de  Chine.

Pour concevoir son spectacle, Yeung Faï s’est entouré d’une équipe internationale : la taïwanaise Yilan Yeh pour la conception vidéo, l’australien Colin Offord pour la musique et le français Yoann Pencolé pour l’assister dans son art du maniement des marionnettes.

Après OBLUDARIUM, qui était un spectacle plutôt rythmé, voilà un spectacle plus calme et intimiste. Vous allez me demander pourquoi avoir choisi ces deux extrêmes, tout simplement parce que ces spectacles reflètent ma personnalité, mes intérêts artistiques et mes passions. Il va sans dire que je me passionne, me fascine et admire ces peuples d’Asie qui vivent entre tradition et modernité. N’ayant pas encore eu l’opportunité de vivre pleinement ma passion en me rendant sur place, je la vis à travers tout ce qui respire un peu de cette partie du monde, c’est pour cela que j’ai choisi d’aller voir HAND STORIES mais aussi pour en connaître davantage sur l’art des marionnettes qui est l’un des arts folkloriques traditionnels chinois les plus anciens datant de la dynastie des Han de l’Ouest (206 – 24 avant JC).

 

Nous sommes nombreux ce soir à attendre au pied du chapiteau de la Tour Vagabonde. Pourquoi ce nom, d’où vient-il ? Il s’agit de la réplique parfaite du Théâtre du Globe de William Shakespeare construit en 1599 au bord de la Tamise, où le dramaturge a créé et joué de nombreuses pièces. La Tour Vagabonde appartient à une fondation suisse de Fribourg. La Tour se dresse sur ses 3 étages de 13 mètres de haut, de 12 mètres de diamètre et d’une capacité maximum de 300 places. C’est une solide structure construite essentiellement en bois qui est inspirée des théâtres élisabéthains – du nom de la reine d’Angleterre Elisabeth 1ère qui a accordé sa protection aux comédiens et aux auteurs en 1574.

A écouter la foule parler dans la file d’attente, j’entends dire que les meilleures places se situent au 1er étage où je décide donc de m’installer. Il est vrai que la scène est haute, je pleins les spectateurs du rez-de-chaussée qui devront lever la tête pendant toute la durée du spectacle. Le chapiteau est noir de monde. L’obscurité tombe, seules quelques bougies éclairent la scène, de la musique traditionnelle nous fait plonger dans l’ambiance de la Chine d’antan.

Sur le coté droit de la scène, on peut voir, une photo ainsi que plusieurs marionnettes de couleur noire et blanche aux visages réalistes. On apprendra plus tard que la photo représente son grand père, que les trois marionnettes représentent son père, son frère aîné et la dernière Yeung Faï. Il apparaît alors sur la gauche de la scène. Il est assis en tailleur, habillé de noir, une écharpe rouge nouée à sa taille. Il porte le vêtement traditionnel du montreur de figures en Chine. S’ensuit alors un rituel de préparation mentale et physique avant qu’il ne démarre réellement le spectacle.

Le spectacle démarre par des pleurs de bébé. On aperçoit alors un minuscule berceau : on assiste à sa naissance. Yeung Faï enchaîne alors avec une saynète sans paroles, dans la plus pure tradition de l’Opéra de Pékin, utilisant des marionnettes colorées, pour jouer une scène cocasse et pleine d’humour entre une épouse et son concubin. La suite est beaucoup moins réjouissante.

Il raconte, à la fois dans sa langue maternelle et en anglais, l’histoire de son père, victime de la Révolution Culturelle qui a eu lieu dans les années 60. Le dragon, que l’on voit apparaître, représente Mao Zedong et son régime de terreur. Son père se retrouve condamné aux travaux forcés. Emprisonné, on le voit, alité, mourir à petits feux. On ressent de la gêne et une vive émotion face à cet épisode douloureux de la vie de Yeung Faï.

A la mort de son père, la famille vit cachée jusqu’à ce que le dragon meurt, jusqu’ la mort de Mao Zedong. Son frère aîné part pour les Amériques et Yeung Faï s’exile à Hong Kong. Il vit alors de pauvreté, loge dans un minuscule abri, et pratique son art dans rue. S’enchaîne alors un magnifique numéro emprunté au cirque chinois : un maître pratiquant le kung-fu et un jongleur d’assiette. Sur le dos de Yeung Faï, une affiche est collée où l’on voit apparaître le chiffre 5 pour indiquer qu’il est la 5ème génération de marionnettistes à gaine chinoise. Ce chiffre est, pour lui, à la fois, une fierté mais également un fardeau. Une nuit, alors que tout espoir est perdu, apparaît dans le ciel un ange, chantant du QUEEN. Cet ange lui insuffle à nouveau l’envie de faire de la scène.

On le retrouve, en pleine maîtrise de son art, lors d’une représentation mêlant guerriers, tigre joueur et moine érudit. Le tout est vu de derrière, comme si on était dans les coulisses, la scène étant projetée sur l’écran vidéo : Yeung Faï nous donne la possibilité de vivre la scène de deux façon différentes.

Après un peu plus d’une heure de spectacle, le chapiteau s’obscurcit à nouveau, on revit alors la même scène qu’au début du spectacle, mais cette fois-ci, c’est son assistant qui est agenouillé dans la pénombre. Yeung Faï, quand à lui, fait brûler de l’encens au sein d’un jardin zen, prend une bougie et s’approche petit à petit de son assistant. Il allume alors la bougie que son assistant lui tend : toute la symbolique du passage, de la transmission de cet art ancestral d’un maître à son assistant. Le spectacle se termine, une salve d’applaudissements retentit.

 

J’ai apprécié ce spectacle à la fois plein d’humour et d’émotions fortes. J’ai eu un peu plus de mal à apprécier ce spectacle, pour la bonne et simple raison, qu’au même horaire, ce jour là, se jouait OBLUDARIUM dans le chapiteau d’à coté : la musique d’OBLUDARIUM est si forte qu’elle en a dû déconcentré plus d’un. Un bémol dans ce spectacle qui ne m’a pas permis de profiter pleinement de certains épisodes du récit fantastique de la vie de Yeung Faï.

HAND STORIES

LA TOUR VAGABONDE  – Place de la République – Metz

10, 12 et 13 mai à 19h

11 mai à 15h

 

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