LA JOLY ET LA BETE

Voilà bien un débat comme on les aime en France : non, il ne s’agit pas de savoir comment sauver nos retraites, comment remettre de l’égalité là où la droite a mis du favoritisme, comment mettre de la fraternité là où le gouvernement a exacerbé la recherche du bouc émissaire et encore moins de savoir comment mettre de la liberté au pays d’Hadopi ou de Loppsi.

Non, le débat actuel est de savoir qui d’Eva Joly ou de François Fillon mérite le plus son diplôme de bon français.

En lançant son idée de voir le défilé du 14 juillet (un défilé à 4000000 d’euros quand même, le smic pour plus de 300 personnes pendant 1 an) remplacé par un défilé citoyen , elle a mis en branle les réflexes beaufo-patriote de la droite.

Entendons nous bien : je n’ai pas d’avis tranché sur la question tant dans le fond , elle me parait secondaire dans le climat de délitement actuel de notre démocratie. J’entends les arguments des uns et des autres, je les respecte pour la plupart mais je me pose quand même des questions quand j’entends un premier ministre faire un procès à Eva Joly qui ne serait pas assez française à son goût . Rappelez vous ces mêmes hommes de droite pousser des cris de vierge effarouchée quand Georges Frêche avait dit de Fabius qu’il avait une tête « pas très catholique ». On est bien dans le même délire ici. Eva Joly n’est pas assez française…être un bon français ça veut dire quoi ? Etre né au Maroc et être un traître arriviste comme Eric Besson ? Ou être née à Villeneuve le roi et fricoter avec Ben Ali comme Michèle Alliot-Marie ? Ou encore être né à Périgueux et être président de l’amitié France-Lybie comme Patrick Ollier (Monsieur MAM) ?

Posons aussi cette question très franchement : qui porte mieux les valeurs françaises entre Eva Joly , en France depuis 1961 et qui depuis s’est illustrée dans la fonction publique française de manière exemplaire (magistrate de haut rang , lauréate du prix de l’intégrité décerné par l’ONG Transparency International pour son travail dans l’affaire des frégates de Taiwan), et Nicolas Sarkozy, dont les conditions d’obtention de la nationalité française par son père reste entourée de mystères qui en disent longs, et qui pense plus à se servir lui-même (et à passer et repasser les plats pour ses riches amis ou son fils si méritant)  qu’à servir la France…

Pour sûr, si la France n’avait pas perdu des soldats en Afghanistan la veille du 14 juillet, l’affaire aurait fait moins de bruit. Mais si on peut surfer sur une vague d’émotion autre que la colère qui anime massivement la France en temps habituel, pourquoi se gêner ? Après tout, il est bien normal que la mort de soldats français fassent plus pleurer dans les chaumières que celles (trois fois plus nombreuses) de civils afghans, dont beaucoup ont été tués par suite de bévues des forces alliées. Et on ne parle pas des 20000 talibans bien entendu, dont certains exécutés sommairement par nos armées républicaines ou assassinés en masse comme ces talibans (entre 2 et 5000 selon les sources) qui s étaient rendus aux alliés à Koundouz  et que la belle armée américaine défenseur de nos valeurs occidentales contre la barbarie des « autres » a laissé crever dans des conteneurs, asphyxiés et morts de soif…

Alors bien sûr, il serait trop facile de se montrer bêtement et de façon manichéenne anti-militariste, l’armée c’est aussi des actions humanitaires essentielles, une présence capitale lors de grandes catastrophes. Mais ça n’enlève rien au droit de se demander si l’armée est d’un point de vue symbolique la meilleure représentante des valeurs héritées de la révolution française, ou la seule , car après tout, on pourrait envisager une solution intermédiaire. En cela, la démagogique suppression de la Garden Party est une occasion perdue de mettre à l’honneur la jeunesse et les forces vives de la nation.

Ce qui est gênant aussi dans la réaction de Fillon et de ses acolytes c’est l’expression de la colère ; oui, le placide Fillon « est en colère » ; diantre ! pour si peu ? parce qu’une femme politique a exprimé un sentiment différent du sien ? et pas un mot quand Sarko accueille Kadhafi ? Pas un mot quand sa ministre de l’intérieur d’alors propose d’envoyer le savoir faire français en matière de sécurité s’exporter dans la Tunisie en pleine révolution ? Y a pas à dire, la France d’après ,c’est un beau bordel idéologique…

One thought on “LA JOLY ET LA BETE

  1. Le seul commentaire que je fais est que j’adore votre article et que je le partage mot pour mot.
    J’ajoute seulement qu’il n’y a pratiquement plus de démocratie en France et que nous sommes « gouvernés » par des voyoux!

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