Tout le monde dehors!

 

 

« Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent »

José Artur

 

Pendant que le Parti Socialiste et EELV s’écharpent sur le nucléaire et les investitures aux législatives (et qu’Areva s’en bat ostensiblement les atomes), les trains encore plus remplis de déchets chimiques et radioactifs plus nocifs que le peloton du Tour de France continuent de silloner le pays. Pendant que la calotte financière fond et perd des bouts de services publics gros comme la Corse, les politiques de droite comme de gauche persistent à se demander comment sauver les banques. On gagnerait à méditer l’exemple islandais et à laisser les banques mourir de leur belle mort pendant que nous contemplerons les forêts millénaires qui deviennent aussi rares en Europe qu’un premier ministre qui n’a jamais travaillé chez Goldman&Sachs, et que nous danserons la sarabande avec les écureuils (ceux qui vivent dans les arbres, pas ceux qui rémunèrent le livret A avec des noisettes).

En dépit de son image de cimetière minier, la Lorraine est la première région forestière de France (585000 hectares, soit 35% du territoire), essentiellement grâce au massif vosgien, mais que les aficionados de l’autoroute se rassurent, ça ne va pas durer. Un peu plus bas dans ce massif, dans la Haute-Saône, le Conseil Général se démène pour bétonner un bout de forêt à proximité d’une zone Natura 2000 pour accueillir le Tour de France. Le tout avec une discrétion de violette, gendarmerie et préfecture se renvoyant le bulldozer pour ne pas assumer le flicage des opposants et l’absence de déclaration de travaux. La seringue ou la verdure, le maire socialiste a choisi son camp, sans prendre le risque de s’embrouiller avec les écolos.  Dans le même temps, les fonctionnaires de l’Office National des Forêts se sont mobilisés hier à Saint-Avold pour protester contre le contrat d’objectifs et de performances Etat-ONF-communes, qui prévoit la suppression de 700 postes de fonctionnaires à l’échelon national et 77 en Lorraine. Les effectifs de l’ONF ont déjà subi des coupes claires, pour rester dans le vocabulaire sylvestre, depuis 10 ans puisqu’un quart des forestiers n’ont pas été reconduits. Les agents de l’ONF ne sont déjà plus que 800, ingénieurs et bûcherons confondus, pour gérer la sauvegarde des espaces boisés, et l’approvisionnement en bois. Outre son importance patrimoniale, la forêt est aussi un espace de vie, et le loup qui est toujours le bienvenu dans ces lignes aime à gambader parmi les sapins et les épicéas vosgiens, au grand dam des bergers honnis. Le contrat d’objectif en cause vise donc scandaleusement à « rentabiliser » la forêt, la considérant comme une ressource financière, et ses fonctionnaires sont priés d’aller reboiser Pôle Emploi, sauf Hervé Gaymard qui quoique se reproduisant comme un lapin, n’a pas l’air très sensible au sort de ses collègues et des habitants des caducifoliées qui ne se verront sans doute pas allouer un duplex de 600 m² quand leur cabane finira en étagère Ikéa. Plus d’informations sur le site du syndicat (http://www.snupfen1.org/) ou sur le blog de SOS Forêts (http://sosforets.wordpress.com/about/).

Mais les problèmes de logement et d’emploi ne touchent pas que les malheureux animaux et plantes. En dépit des efforts des centrales nucléaires pour rapprocher le climat de la Terre de celui de Mercure, le réchauffement de la planète tarde à arriver jusqu’à Metz, mais je m’engage à changer tout ça quand je serai Président de la République messine. On n’a pas attendu la crise hispano-greco-italo-luso-irlando-française pour que des hommes et des femmes soient obligés de dormir dehors, et la beauté de nos ponts (qui risquent de réactualiser l’épithète de Ponts des Morts qui avait cours au Moyen-Age) ne console guère quand on a le ventre creux et que même le mercure préfère rentrer chez lui plutôt que de que de traîner dehors. Ainsi, le 115 mosellan sonne déjà l’alarme alors que l’hiver n’a pas commencé. Outre les sans-abri de souche pour rester dans le champ lexical agreste, les centres d’appel sont aussi surchargés de demandes émanant de personnes seules ou en famille qui ont été déboutés du droit d’asile. La préfecture de Moselle, qui quand il s’agit de gonfler les statistiques de Claude Guéant n’est jamais en retard d’un coup fourré, avait déjà demandé avant l’été que ne soient plus reçus les déboutés dans les hôtels ou les centres d’accueil, provoquant l’ire des associations qui avaient déjà eu du mal à digérer l’expulsion d’un enfant kosovar polyhandicapé. Vous ne voyez pas le rapport entre les forêts et les sans-abri? Le trait d’union a le même muffle hideux que Marine le Pen qui tiendra un meeting à Metz prochainement: quand l’avarice des banquiers aura coupé le dernier arbre et consacré le dernier euro de notre indigente nation à l’achat d’uranium parce qu’Areva, c’est au moins un A du triple du même nom, on expulsera des gens pour des raisons climatiques. Et on commence à se demander si Hortefeux n’est pas un visionnaire: l’Auvergnat ne peut ignorer que ses concitoyens bougnats ont vendu du bois de chauffage aux Parisiens pendant des lustres, et il a dû en garder une rancoeur tenace contre les épicéas-killers. Et Nicolas Fouquet (fouquet=écureuil en patois), l’intendant des Finances de Louis XIV  avait pour devise: « Jusqu’où ne montera t-il pas? ». Et moi je me demande jusqu’où on descendra.

Dans un prochain épisode, nous expliquerons pourquoi « Walden ou la vie dans les bois » d’Henri-David Thoreau est sans nul doute le plus grand ouvrage de politique des temps modernes, à moins que ce ne soit « Le cauchemar climatisé » d’Henri Miller. J’en discuterai avec mes copains de la forêt en ramassant des pommes de pin.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *