Interview (presque) imaginaire : Philippe Poutou

RENAN APRESKI : Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Nous continuons notre tour des candidats avec, aujourd’hui, le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste, Philippe Poutou ! Tiens, il n’est pas là ? Ah, il a du retard ? Oh, il ne devrait plus tarder… Ah, le voilà ! Bonjour, monsieur Poutou !

PHILIPPE POUTOU : Bonjour, monsieur ! Excusez-moi, le bus était en retard…

R.A. : Le bus ? Vous n’êtes pas venu en voiture ?

P.P. : En voiture ? Non mais vous rigolez ou quoi ? Vous croyez que j’ai les moyens d’en avoir une ? Vous avez vu à quel prix ces infâmes exploiteurs osent vendre les automobiles qu’ils nous font fabriquer pour un salaire de misère ? Et vous avez vu le prix de l’essence à la pompe ? Comment voulez-vous que je me permette d’avoir une automobile ? Tous les matins, moi, c’est à vélo que je vais à l’usine ! Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige !

R.A. : Vivivivi ! Revenons à la campagne, si vous le voulez bien : il ne reste plus que quelques jours avant le premier tour, et vous êtes toujours très bas dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon vous fait sérieusement de l’ombre : vous ne pensez qu’il aurait été plus raisonnable pour le NPA de se rallier au Front de Gauche ?

P.P. : Jamais de la vie ! Mélenchon, c’est le loup dans la bergerie ! Ce n’est qu’un démagogue, un infâme bourgeois, un ancien aparatchik du PS ! Son premier geste après le premier tour sera de se rallier à Hollande ! Seul le NPA est digne de représenter les travailleurs ! Je suis un ouvrier, je vous le rappelle ! Je suis fils de SDF !

R.A. : Ben ? Votre père était postier !

P.P. : Et oui, c’est vous dire à quel point les Français souffrent, même les fonctionnaires sont dans la misère ! Vivant dans une misère noire mais digne, dans des conditions d’hygiène déplorables, j’ai attrapé la polio alors que je n’avais que cinq ans…

R.A. : La polio ? Mais ça fait cinquante ans que ça n’existe plus en France !

P.P. : Ça, c’est ce que les médias tenus par les ministres et les marchands d’armes arrivent à vous faire croire ! Ils vous racontent que nous vivons dans un joli monde tout blanc, tout propre, tout beau où les maladies les plus graves ont toutes été éradiquées, mais c’est du pipeau ! Nous, les prolétaires, nous n’avons même pas de quoi nous payer des vaccins ! Et malgré la douleur qui me tenaillait jour et nuit, j’ai tout de même dû quitter l’école à quinze ans pour aider mes parents à joindre les deux bouts et c’est ainsi que j’ai dû aller descendre dans la mine de charbon…

R.A. : La mine de charbon ? Dans les années 80 ? En région parisienne ?

P.P. : Vous vous imaginiez probablement que le nucléaire, cette énergie si bienfaisante, si inépuisable et si propre qui fait le bonheur des habitants de Tchernobyl et de Fukushima avait libéré les travailleurs de la mine, hein ? Pauvre naïf, sachez que rien ne m’a été épargné dans ce calvaire quotidien : douze heures par jour de travail harassant, le coup de grisou, l’effondrement de l’échafaudage, les coups de fouet des contremaîtres si le wagon n’était pas assez bien rempli…

R.A. : Hum ! Enfin, vous êtes surtout connu comme ouvrier chez Ford !

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P.P. : J’ai effectivement réussi à me faire embaucher à l’usine après la fermeture définitive de la mine, mais croyez-vous que mon sort se soit amélioré pour autant ? La voilà, ma vie de travailleur à la chaîne : toute la journée à effectuer toujours la même tâche ingrate à un rythme infernal, serrer les boulons de la pièce que le tapis roulant fait passer devant moi, sous le contrôle d’un patron tyrannique qui vous surveille avec ses écrans de contrôle placés dans tous les coins, même dans les toilettes ! J’ai un jour eu la malencontreuse idée d’aller me griller une cigarette dans les cabinets : après avoir pointé (car il faut pointer même pour aller aux W.C. !) et avoir allumé ma clope, j’ai aussitôt été repris par le directeur qui, apparaissant à l’écran, m’a commandé de retourner au travail après avoir levé les yeux du « Tarzan » qu’il lisait pendant que nous suions comme des bêtes de somme ! Je suis donc retourné à la chaîne où j’ai repris le travail en route ; mais les pièces défilaient si vite que j’ai été entraîné par le tapis roulant et je me suis retrouvé emporté dans les engrenages de la machine et…

R.A. : Hé ? C’est « Les temps modernes » de Chaplin, ce que vous nous racontez !

P.P. : Je ne vous le fais pas dire, la fiction dépasse la réalité ! Chaplin en a cauchemardé, ils l’ont fait ! Ce n’est pas l’ancien ministre Mélenchon qui pourrait se vanter d’avoir vécu ça !

R.A. : Hum ! Monsieur Poutou, vous ne croyez pas que vous ne faites un peu trop ?

P.P. : Bon, d’accord…Si, j’en ai conscience, croyez-le bien, mais que voulez-vous ! Au point où j’en suis, de toute façon, j’ai intérêt à mettre le paquet ! Et je ne suis pas comme Méluche, je n’ai pas les moyens de me payer les services d’une agence de com’ !

R.A. : Ah, là, on vous croit sur parole ! Allez, kenav…

P.P. : Attendez ! Monsieur Apreski, au nom de mon parti et en mon nom propre, laissez-moi vous offrir ce magnifique t-shirt NPA !

R.A. : Heu… C’est gentil, mais pourquoi ?

P.P. : Parce que pendant toute l’interview, vous vous êtes abstenu de tout jeu de mot vaseux avec mon nom ! Je vous félicite donc de ne pas avoir cédé à la tentation !

R.A. : C’est vrai que la tentation était forte ! Allez, kenavo !

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