Lettre à la présidente du MEDEF

 

Chère Laurence Parisot,

comme vous le savez, je vais en toute probabilité être le nouveau président de l’UMP à l’automne, et à ce titre vous et moi devrions être amenés à nous voir souvent. Aussi ai-je estimé qu’il était temps que nous prenions langue pour réfléchir ensemble, entre forces vives de la Nation, à l’avenir de la droite, du capitalisme, et au sort des forces amorphes qui encombrent les couloirs de Pôle Emploi.

En effet, l’UMP et le Medef, c’est comme Roméo et Juliette, comme Tristan et Yseult, comme Héloïse et Abelard, comme Claude Guéant et Marine Le Pen: on a envie de s’étreindre, de se fourrer la langue dans le gosier et de tomber en pâmoison dans un mutuel soupir extatique sur une peau d’ouvrier tanné par Standard’s and Poor, mais l’opinion publique qui est jalouse ne croit plus en la pureté de la passion et ne saurait s’empêcher d’y voir un conflit d’intérêt. Cochons de pauvres qui salissent même les plus hauts sentiments.

Et depuis que Nicolas Sarkozy a rendu son tablier, il faut bien avouer que nous autres, peuple de droite, sommes pris du même désespoir que celui du bédouin qui voit le désert avancer plus vite que son chameau tandis que les maigres sources d’eau se tarissent encore plus vite que si l’on avait confié une régie municipale sahélienne à Véolia. Les socialo-communistes toujours nostalgiques de Moscou nous précipitent dans l’abîme et nos fiers entrepreneurs se voient pris à la gorge par le fisc. Ah, que n’ai-je tant vécu pour subir ce funeste jour de mai où la France s’est reniée à la face du monde! (c’est un pur élan lyrique, à l’époque j’étais encore de gauche et je m’en tambourinais les abattis). A moi Turgot, à moi Condorcet, à moi Adam Smith!

Vous-même, Laurence, regardez-vous: vous n’êtes plus que l’ombre de la brillante chef du seul syndicat qui défend la valeur-travail, vous errez comme une âme en peine au pied des sommets sociaux en tendant votre sébille, quémendant misérablement une petite baisse de charge, ou un dernier petit plan social pour rester digne. Mais reprenez-vous, que diantre!

Cet après-midi, alors que j’écoutais le toujours merveilleux Jean-Marc Sylvestre se gausser de la dispendieuse politique économique des bolcheviques qui nous gouvernent, j’ai eu écho de vos propositions concernant la conférence sociale de demain. « Pacifier les plans sociaux », pour éviter que les gueux ne séquestrent les génies créatifs de la France, à la rigueur, je peux le concevoir, si ce n’est que dans cette hypothèse, je ne vois pas pourquoi on persisterait à payer des CRS dont c’est le métier de mater les histrions qui s’adonnent à ces viles pratiques. Mais le reste, grands dieux, le reste, j’ai cru que vous aviez tourné casaque et que vous vous étiez ralliée aux beatniks qui se sont accaparés tous les pouvoirs.

Discuter du financement de la protection sociale (autrement dit baisser les charges et répercuter leur coût sur la TVA), indexer les politiques sur les critères de compétitivité (soit baisser les charges pour se mettre au niveau des pays émergents), plafonner les indemnités perçues par les salariés aux prud’hommes (en omettant de demander de plafonner les rares sanctions prononcées en droit des affaires, comme le délit d’initié ou l’attribution frauduleuse de marchés publics), et accorder une valeur normative égale à celle de la loi aux accords entre les syndicats et le patronat (entendez esquiver le Parlement qui n’y entrave rien), mais vous délirez ma grande! Et la cerise sur le gâteau: inscrire la liberté d’entreprendre dans la Constitution! Et pourquoi pas organiser des élections patronales au scrutin uninominal à deux tours? Vous voulez faire passer toutes les grandes entreprises à gauche et perpétrer la malédiction qui frappe nos institutions depuis cinq ans?

Non je vous le dis, chère Laurence, je ne doute pas de vos bonnes intentions, mais vous êtes en train de paver l’enfer sur des kilomètres, alors qu’il serait moins fatigant de le faire faire par l’Etat et de racheter les concessions à vil prix quand ce dernier vendra les biens publics pour résorber le déficit, comme cela ne saurait tarder avec la bande de maoïstes furieux qui nous gouvernent. Comme toujours, vous pêchez par tiédeur, et c’est de cela que je voulais vous parler.

Tout d’abord, il faut placer la liberté d’entreprendre au-dessus de la Constitution. C’est déjà un peu la cas avec l’organisation actuelle de l’Union Européenne, et ça le sera pleinement avec le pacte de stabilité qui se profile. La Constitution, c’est sympa pour organiser les institutions publiques, trouver du boulot à nos amis politiques et tout ça, mais l’Etat c’est d’abord de la dépense, l’éducation, la santé, et toutes ces vétilles qui ne rapportent pas un rond et qui menacent quotidiennement notre triple A.

Ensuite, il faut prendre les gauchistes à leur propre jeu. Les syndicats nous chient dans les Louboutin depuis des lustres (encore qu’ils nous ont évité une catastrophe en 1968), et il serait temps de leur rappeler les bienfaits de la Loi Le Chapelier de 1791 qui proscrivait les organisations ouvrières. Ca se proclame révolutionnaire et ça en oublie même sa propre mythologie.

Enfin, il faut bien avouer que la seule chose qui nous importune plus qu’un syndicat, c’est un salarié (et surtout son salaire astronomique en regard du peu de peine qu’il se donne par rapport à l’entrepreneur riscophile). C’est pitié que de voir ces parvenus, ces vauriens, ces profiteurs oisifs se pavaner et se vautrer dans l’ostentation la plus vulgaire avec les deux points de SMIC supplémentaires que nous a extorqué le gouvernement. Certes, nous savons que ce n’est point la lourdeur des charges qui grève notre compétitivité, mais notre taux d’investissement ridiculement bas. Mais nul n’est besoin de compiler les finasseries juridiques et les entourloupes écrites en minuscule en bas de page dans les contrats de travail pour rétablir le bon droit.

Non, la seule vraie mesure qui permettra de fluidifier les rapports sociaux et de redonner à l’industrie française ses lettres de noblesse, c’est de rétablir le servage. Cette sympathique pratique dont les origines se perdent dans les tréfonds de la mémoire manageuriale, gagnerait à être remise au goût du jour, avec une réactualisation à l’aune de notre village global mondialisé, en tout cas pour les capitaux. Ainsi, le salarié ne serait plus attaché à un seigneur ou à une terre, mais à son entreprise, jusqu’à ce que, ayant réuni assez d’argent pour fonder sa propre affaire, on puisse l’affranchir. Si son entreprise délocalise en Corée ou au Lesotho, elle embarque le salarié qui lui appartient, et ce dernier sera reconnaissant d’avoir conservé son emploi et d’avoir en sus gagné un petit voyage. A la mort du salarié, l’ensemble de ses biens reviendrait à son employeur, ce qui fera toujours un peu de trésorerie.

Les gueux pourront continuer à vaquer à leurs dérisoires petites occupations, comme le mariage, l’élevage de leurs ignobles petits enfants obèses, le football et la télévision, et l’Etat y trouvera son compte puisque tout le monde aura un job.

Il va de soi qu’en public, il faudra enrober ce programme dans des mots choisis, comme sécurité de l’emploi ou flexisécurité, comme vous dites, il me plaît bien celui-là, mais vous observerez, chère Laurence, qu’avec un peu de l’esprit d’initiative qui est le propre de l’entrepreneur français, nous obtiendrons plus que les miettes que nous réservent les trotskistes enragés qui occupent indûment l’Elysée et le reste.

Pensez à me soutenir aux élections UMP. Bises.

 

One thought on “Lettre à la présidente du MEDEF

  1. excellent , je suis mort de rire devant cette déclaration d’amour vache
    je suggère que JM Sylvestre soit le témoin de votre prochain mariage

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