Rentrée des classes : dix conseils aux nouveaux collégiens

Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Vous le savez certainement, c’est demain la rentrée des classes, le jour que tous les enfants et adolescents honnêtes reconnaîtront considérer comme le jour le plus cafardeux de l’année. Pour certains, le cafard se double de l’angoisse de l’inconnu, notamment pour ceux qui font le grand saut CM2–6ème. Pour ma part, lorsque mon tour fut venu d’effectuer ce bond, j’étais loin de me douter qu’allaient débuter les années les plus cauchemardesques de ma jeunesse (relativement heureuse comparée à d’autres, il est vrai)… Aussi, afin que la rentrée ne soit qu’un mauvais moment à passer pour ceux qui entrent au collège et que ces derniers se sentent vite dans leur élément, j’ai décidé de leur donner un certain nombre de conseils que personne ne m’avait donné à l’époque mais qui m’auraient évité bien des ennuis.

1. Ne contredisez jamais le mâle dominant.

Vous le repérerez assez facilement : croyant tout savoir mieux que le prof en matière de discipline et de pédagogie (pour la matière enseignée elle-même, en revanche, on ne l’entend jamais), il est toujours le premier à le contredire et à jouer les tribuns populistes contre lui, c’est généralement lui qui orchestre les chahuts, il joue les machos à tout bout de champ, il entre en cours les mains dans les poches en souriant jusqu’aux oreilles, et quand le prof lui met une très mauvaise note ou le sanctionne, il se contente de le toiser du regard. Il peut être moche, malingre et débile, mais il n’a aucun complexe ni aucune vergogne, il se croit déjà adulte, et si vous le contredisez, toute la classe se retournera contre vous.

2. Considérez tous les adultes comme des vieux cons.  

Vous aimez vos parents ? Vous respectez vos professeurs ? Terminé ! Dorénavant, si vous ne voulez pas passer pour le fayot de service, il vous faudra être insolent et tapageur envers eux : si vous êtes surpris en train de converser avec un enseignant, vous serez immédiatement catalogué « chouchou » ou « lèche-bottes ». Si vous êtes surpris en train d’embrasser votre mère, vos camarades vous verront comme un petit bébé. Désormais, ne dites plus « mes parents » mais dites « mes vieux » avec une grimace de dégout et ne parlez d’eux que vous en plaindre sur le mode « d’façons, y comprennent rien ». De même, ne parlez plus d’un enseignant en disant « monsieur » ou « madame », désignez-le directement par son nom de famille en le prononçant comme un glaviot et reprochez-lui systématiquement de faire son métier. De façon générale, ayez l’air de désobéir systématiquement à vos ainés (vous n’êtes pas obligé de toujours le faire pour de vrai), sous peine d’être traité par vos camarades comme le dernier des derniers.

3. N’affichez qu’indifférence et mépris pour les obligations scolaires.   

Enfoncez-vous bien ça dans le crâne : le bon élève, au collège, n’inspire pas le respect à ses camarades qui le voient, au mieux, comme une anomalie monstrueusement exotique, au pire, comme un traitre à la solde des profs. Si un élève vous retarde sur la route qui mène à un cours pour une raison x ou y, suivez-le et ne protestez pas qu’il vous met en retard, ou alors il vous rétorquera « mais tu t’en bats les couilles ! », et il va de soi qu’il sait mieux que vous ce que vous pensez. Si un de vos camarades vous demande si vous avez révisé en vue d’un devoir, même si vous l’avez fait, répondez-lui que non, il rigolera avec vous ; en revanche, si vous lui répondez oui, il vous lancera un regard mauvais et une moue boudeuse avant de vous tourner la tête, et si, pire encore, vous lui répondez « évidemment », il vous traitera de tous les noms d’oiseaux que l’on sert habituellement aux « intellos » et aux « bûcheurs ». Et surtout, bien sûr, ne participez jamais activement au cours, ne répondez jamais aux questions du professeur, ne faites jamais de remarques que vous jugez susceptibles d’enrichir le cours, ne laissez rien paraître de votre intérêt, c’est très, très mal vu !

4. Ne protestez jamais contre les tapageurs.

Vous n’échapperez de toute façon pas à la pagaille dans la classe, à moins d’avoir comme professeur un tyran abusif dont les agissements vous révolteront vous-mêmes : si le prof est jovial et sympathique, les potaches croiront pouvoir tout se permettre, et s’il est sévère mais juste, ils le prendront comme un défi. Si vous n’arrivez pas à suivre le cours à cause des chahuteurs, ne protestez pas : non seulement ça ne servira à rien et cela renforcera votre image de fayot, mais en plus, les bavards ne manqueront pas de vous rendre la politesse et de vous reprocher de faire plus de bruit qu’eux. Si le professeur reçoit des bouts de gommes et menace de mettre toute la classe en retenue, donc y compris vous qui n’y êtes pour rien, n’allez pas vous en plaindre auprès des lanceurs de gommes (en général, on sait très vite de qui il s’agit) : les plus malins se vengeront en bourrant votre sac de bouts de gommes et en vous accusant…

5. Ne faites jamais montre de culture, de bon sens ou de talent.  

Vos camarades sont à un âge critique où l’on est assez âgé pour se croire adulte mais pas assez pour l’être vraiment ; c’est pourquoi chacun croit tout savoir mieux que les autres. Si vous montrez que vous en savez plus qu’eux, ils ne vous le pardonneront pas ! N’employez jamais de mots un peu trop compliqués pour eux, comme « chafouin » (si, si !) ou « indéfectible », ils vous accuseront de les avoir inventés ou de ne pas savoir vous-même ce qu’ils signifient – pour peu que vous ayez l’habitude d’employer ces mots, vous ne serez même plus capable de les définir exactement, ce qui donnera de l’eau au moulin de leurs critiques. Si un élève allume une radio en plein cours pour suivre un match de football, ne vous plaignez pas que cela perturbe le cours, l’idée suivant laquelle le cours est plus important que le match ne sera évidente que pour vous. Enfin, un don pour le dessin ou pour la musique vous vaudra peu d’éloges car le collégien moyen apprécie peu les arts plastiques et l’éducation musicale en tant que matières et a une culture nourrie sport et télé qui l’empêche de trouver intéressante votre activité créatrice.

6. Ne vous asseyez jamais par terre.   

Celui qui s’assoit par terre, que ce soit dans la cour ou dans les couloirs, est immédiatement objet de mépris ; ne vous imaginez surtout pas que vos camarades vous laisseront profiter d’un moment creux pour goûter à un peu de calme et rêvasser tranquillement, le collégien moyen ne conçoit absolument pas que l’on puisse rester seul à ne rien faire sans s’ennuyer. Vous risquez fort de récolter toutes les moqueries des passants, voire des coups de pied (si, si !) et on vous jettera sûrement des pièces, assimilant votre position à celle d’un clochard. Sans compter que les surveillants viendront vous demander sans arrêt si ça va, pensant que seul un dépressif peut s’assoir par terre dans la cour de récré. Patience : vous prendrez votre revanche au lycée où il est courant que les élèves s’asseyent en rond, par terre, dans la cour, sans que personne ne vienne les déranger.

7. N’ayez plus aucun goût personnel.   

Si vous n’aimez pas ce qu’aime la majorité et le faites savoir, vous passerez automatiquement pour un rabat-joie, sans compter que le teenager de base part du principe que le fait de ne pas aimer tel ou tel rebelle de supermarché qui fait un carton dans le domaine de la chanson débile ou du comique à deux balles va de pair avec le statut de fayot. Mais il ne faudra même pas vous contenter de taire vos goûts réels, il vous faudra aussi adopter ceux de la masse : au collège, celui qui se distingue de la majorité passe immédiatement pour un crétin. Ce sera un effort à faire sur vous-même, mais vous serez voué à l’ostracisme si vous ne savez rien sur les récents rebondissements de l’émission de téléréalité à la mode. Et ne commettez pas la faute de goût d’aimer lire, ce serait un signe de ralliement au clan des « intellos ».

8. Soyez dépensier.   

Les collégiens ne savent pas ce que ça représente de devoir gagner sa vie et font faire des dépenses inconsidérées à leurs parents ; si vous vous montrez avec le même cartable d’une année sur l’autre, vos condisciples ne comprendront pas pourquoi vous n’en changez pas à chaque rentrée : ne leur répondez pas que votre cartable remplit encore parfaitement sa fonction de contenant pour vos affaires et que c’est tout ce qui vous importe, vous ne vous attirerez que mépris. De plus, si vous n’avez pas sur vous pour 300 euros de matériel « high-tech », vous passerez pour un clochard, et si vous dites que vous n’en avez pas besoin, vous passerez pour (injure suprême) un ringard. Si vous parents ne vous ont pas donné l’habitude de voir tous vos désirs exaucés par eux, il faudra bien que vous les contraignez à le faire. De toute façon, vos géniteurs vous pardonneront, prenant ça pour une crise d’adolescence.

9. Faites de votre apparence extérieure une question capitale.   

Vous vous contrefichez de votre look et vous laissez votre mère choisir vos vêtements afin de vous alléger la corvée d’aller dans les magasins de fringues ? Aller chez le coiffeur est pour vous une perte de temps que vous n’alourdissez pas en manifestant des exigences particulières ? Oh, malheureux ! Vos camarades, eux, ne considèrent pas ces passages obligés comme des corvées, passent des heures à comparer entre eux les oripeaux que leur proposent les marchands de soupe et harcèlent littéralement leurs parents pour qu’ils les laissent arborer la coiffure qui leur plait. Donc, si vous arborez un pull ne portant aucune marque et êtes coiffé très simplement, ils considéreront que c’est parce que vous aimez ça, ce qu’ils ne vous pardonneront pas. Et si vous aimez vraiment ça ? Alors là, ce sera encore pire !

10. N’ayez jamais d’acné précoce ni de lunettes.     

Comment ça, vous n’y pouvez rien ? Ce ne sera pas l’avis de vos camarades ! L’acné, c’est comme la maturité : si vous l’avez plus tôt que les autres, ces derniers vous le feront payer cher. Partant du constat qu’ils n’ont pas d’acné alors qu’ils ont le même âge que vous, ils assigneront comme cause à vos boutons non pas votre âge mais une mauvaise hygiène. Sachez donc suivre leur conseils avisés, du style « hé, passe-toi la gueule au karcher ! » – tiens, ça me rappelle quelque chose ? Quant au port des lunettes, il fera de vous la tête de turc rêvée ; vous pouvez vérifier, l’enfant à lunettes ne suscite JAMAIS la sympathie, il est FORCÉMENT enlaidi par ses lunettes, il est NÉCESSAIREMENT assimilé à un fayot, à un schtroumpf à lunettes, à Agnan dans le petit Nicolas.

Pour résumer : ne soyez pas bon élève, ne soyez pas original, ne soyez pas imaginatif, ne soyez pas respectueux, ne soyez pas curieux, ne soyez pas aimable ; soyez négligeant, soyez superficiel, soyez « bling-bling », soyez insolent, soyez tapageur, soyez paresseux, soyez moutonnier, bref, SOYEZ CON et vos camarades de collège vous ficheront la paix. En plus, vous obtiendrez le profil que la société capitaliste attend des consommateurs… Allez, salut les poteaux !

2 comments on “Rentrée des classes : dix conseils aux nouveaux collégiens

  1. Rââââ malheureux! Le problème, c’est que les petits rebelles qui peuplent désormais nos salles de classe ne voient JAMAIS l’ironie… donc, ils vont tout prendre au pied de la lettre (enfin… ceux qui savent lire…), et ils vont être encore plus insupportables que d’habitude! Merci bien, hein 🙂

    1. Ne soyez pas inquiète, Ernestine, je ne crois pas que les « petits rebelles » comme vous les appelez lisent ce webzine qui doit être « trop pas-fun pas-cool, trop intello-prise de tête » à leurs yeux. En tout cas, ils ne font pas partie de notre « coeur de cible » comme on dit…

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