François Fillon, paponiste social

 

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas entendu le mot: la repentance. On ne peut pas dire que le débat sur cette fameuse « repentance » m’ait particulièrement manqué, mais grâce à François Fillon, le nosferatu à mèche de l’UMP, il ne va pas tarder à revenir à la mode. Et du coup, j’ai compris plein de choses. Je m’explique.

 François Hollande, au sommet de la Francophonie, affirme que c’en est fini de la « Françafrique ». Louable intention, même si la Chine et le Qatar se sont déjà chargés d’élargir leur sphère d’influence sur le continent noir et de prendre la place des anciens colons. Jean-François Copé, l’expert en criminalité pâtissière (dont j’attends avec impatience l’entartage par un gloupier de passage) et son pote Ziad Takkiedine doivent faire la gueule. Puis hier, le Président reconnaît enfin la responsabilité de la France dans le massacre des militants algériens du 17 octobre 1961.

Aussi sec, le toupet de François Fillon ne fait qu’un bond: l’ex-ministre à la triste figure en a assez « que tous les quinze jours la France se découvre une nouvelle responsabilité, mette en avant sa culpabilité permanente. On est déjà dans un pays en dépression nerveuse quasi permanente, on n’a pas besoin de ça!». Et c’est bien connu, la bonhommie et le sourire permanent de Fillon sont un des anti-dépresseurs les plus efficaces qui soit.

Or, pendant les cinq ans de règne du tout petit père des peuples (et de son jovial collaborateur), je me suis toujours demandé comment la droite sarkozyste pouvait se revendiquer du vieux De Gaulle tout en piétinant allègrement les symboles de la Résistance, si tant est qu’on puisse souscrire à la paternité gaulliste du Conseil National de la Résistance. François Fillon, en protestant contre la reconnaissance des crimes du 17 octobre, vient de m’apporter la réponse. Le vrai modèle de la droite décomplexée, ce n’était pas De Gaulle, c’est Maurice Papon!

Tout s’explique alors sous un jour nouveau. La répression à l’endroit des Roms et des immigrés, les appels à la délation, le ministère de l’Intérieur annexé par l’Élysée et l’obsession pour la matraque, le fichage et la vidéo-surveillance, c’est la continuité de l’œuvre de Papon, qui était préfet de police de la Seine lors de la sombre journée que certains historiens considèrent comme la plus violente répression orchestrée par un État occidental depuis la deuxième guerre mondiale.

Fillon est triste, et son cœur bleu-blanc-rouge saigne à l’idée que le Président ose salir la mémoire du Général et l’Histoire de France. Il se lance dans un parallèle osé avec le gouvernement de Vichy qui « n’était pas la France », faisant montre d’un révisionnisme que ne renierait pas Faurisson. Néanmoins, les autorités publiques, qu’elles aient ou non approuvé les évènements, ne se sont pas gênées pour les faire disparaître de l’Histoire officielle. Et certains que je ne citerai pas pour ne pas faire de peine à Fillon sont allés encore plus loin dans l’hypocrisie en accordant un rôle positif à la colonisation. Parce que la France est belle, elle a le teint frais et les mains douces, et l’esclavage, les essais nucléaires (en Algérie ou à Mururoa), les mensonges officiels qu’en langage diplomatique on appelle le secret-défense, la vente d’armes, tout ça ce n’est pas vraiment la France.

La repentance, donc. Fillon veut qu’on ouvre les archives et qu’on laisse les Historiens faire leur travail, les politiques n’étant pas compétents dans ce domaine. C’est sans doute pour cela que son ex-patron voulait envoyer les mânes de Camus au Panthéon (un grand partisan de l’Algérie française, comme chacun sait), qu’il voulait faire parrainer des enfants victimes de la barbarie nazie par nos marmots actuels, et qu’il a refaçonné les cours d’Histoire qui laissaient un peu trop de place à la Révolution, à l’étude des empires africains, et d’autres conneries du même tonneau qui ne sont pas vraiment la France.

Fillon ne voit pas pourquoi le Président de la République s’excuserait au nom de son pays alors que les Algériens n’ont pas reconnu que le FLN avait été méchant avec l’occupant. C’est pourtant très simple, François: la France, aux dernières nouvelles, est encore une démocratie capable de se pencher sur son passé et de reconnaître quand elle a fait une connerie. Ça prend  souvent beaucoup de temps, et encore par rapport au Vatican on se débrouille bien.

Il y a même des tribunaux pour ça, aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’échelon international. En Algérie, on est pour l’instant un peu moins à l’aise pour s’y mettre, Bouteflika et ses sbires armés n’étant pas portés sur la discussion (encore que Bouteflika ait reconnu le massacre des Kabyles). Il ne s’agit pas de battre sa coulpe et de se flageller ou de revenir tous les six mois en disant « j’ai changé ». Ce que la droite paponiste appelle « repentance », c’est un processus démocratique, souvent lent comme tous les processus démocratiques, qui loin de diviser les Français, peut contribuer à créer une Histoire commune qui ne se limite pas à affirmer que depuis deux mille ans, c’est toujours la France qui a raison.

D’ailleurs, le « gaullisme social » dont se réclame Fillon, dans le genre manipulation de l’Histoire par la politique, ça se vend toujours bien.

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