Engagez-vous, qu’ils disaient

 

Sale temps pour la droite. Copé et Fillon se disputent les ruines de l’UMP comme en d’autres temps on s’arrachait les autographes de Liliane Bettencourt au bas d’un chèque. Comme le disent les amateurs de jeux de mots plus versés dans les calembours de Laurent Ruquier que dans les traits d’esprit de Pierre Dac, l’UMP prend l’eau, Borloo trinque, et Marine Le Pen met du champagne au frais pour 2017. Il faut dire que les militants du parti pour une « majorité populaire » (ce dernier adjectif est à prendre au sens de populaire circonscrit au XVIème et à Neuilly sur Seine) ne savent pas ce qu’ils veulent. Fillon ou Copé, Copé ou Fillon, les belligérants ont passé toute leur campagne à dire à quel point ‘ils étaient d’accord sur tout et surtout sur la continuation de l’œuvre sarkozyenne. Donc il s’agit bien d’un scrutin sur la gueule du tenancier, attendu qu’ils n’ont aucune divergence politique. Or, entre Fillon, l’ex-premier ministre à la triste figure qui a passé cinq ans à se faire marcher dessus par son patron, et Copé, le fringant expert en criminalité pâtissière pendant les fêtes religieuses, qui ressemble le plus à Sarkozy, dont tous réclament le retour à cœur et à cri? Qui fait le plus écho à la campagne populiste du tout petit père des peuples inspirée par le très jovial Patrick Buisson? Qui a élevé l’arrivisme et le « décomplexé » au rang d’art, pendant que Fillon, avec son charisme d’expert-comptable, se faisait traiter de collaborateur? Et surtout, qui va avoir la garde de Faudel, Enrico Macias, Doc Gyneco, Didier Barbelivien, des mille colombes et de tous ces impérissables artistes sans lesquels l’identité nationale serait un concept aussi absurde que l’académie des sciences sans Nadine Morano?

Vraiment, le peuple de droite est une notion volatile, et je ne dis pas ça que pour Valérie Rosso-Debord. Loin de moi l’idée de plaindre ces braves gens. Tous ceux qui pensent qu’on a besoin d’une opposition sérieuse au PS semblent oublier que le parti au pouvoir a aussi une opposition à sa droite extrême, à sa gauche et même en son sein, car la rue de Solférino est pleine de courants. Pour autant, même si l’UMP nous fait bien rigoler, il n’y a pas de quoi se réjouir. Le PS pourrait profiter de la déconfiture de son ex-principal opposant pour nous la jouer gauche décomplexée, au lieu de quoi Ayrault et consorts envoient les CRS à Notre Dame des Landes pour attendrir le cuir des paysans qui ne comprennent rien au progrès, et persistent à signer des traités qui entérinent l’état pas très reluisant des choses. C’est la magie du vote utile: on encourage les feignasses et les sceptiques et ceux qui seraient tentés d’avoir le début du commencement de l’ombre d’une idée subversive à mettre un bulletin Hollande dans l’urne, sinon la démocratie pourrait ne pas s’en relever. Résultat: les feignasses et les sceptiques qui sont restés chez eux auraient eu tort de se priver d’une grasse matinée pour le résultat que l’on sait, les autres sont cocus.

D’ailleurs, l’Assemblée Nationale a bien tenté d’entendre les doléances des abstentionnistes en inscrivant à l’ordre du jour la reconnaissance du vote blanc. On a même appris qu’il y avait un Parti du Vote Blanc, comme quoi il y a vraiment des gens qui ont de puissantes convictions et des revendications impérieuses dans ce pays (ou alors qui n’ont vraiment rien d’autre à foutre). Ainsi, nous dit le législateur, on pourra distinguer le citoyen mécontent qui glisse un bulletin immaculé dans l’urne pour marquer sa déception à l’endroit de tous les partis, et le mauvais Français qui ferait bien de la fermer puisqu’il n’a même pas voté, hou le vilain, on devrait te déchoir de la nationalité et t’envoyer à l’île au Diable, son of a bitch. On peut aussi penser que ceux qui sont mécontents de la politique de leur poulain devraient faire profil bas et féliciter le non-votant pour sa lucidité, mais les ayatollahs du civisme sont encore un peu chatouilleux sur le sujet. Quoiqu’il en soit, avant de comptabiliser le vote blanc (ce que je trouve aussi insensé que compter les cheveux d’Alain Juppé), il serait intéressant de se demander combien des défenseurs du vide cosmique fait opinion se déplacent pour manifester quand ils en ont l’occasion.

Et alors, me direz-vous? Jean-Luc Mélanchon, Eva Joly ou Nicolas Dupont-Aignan auraient-ils fait mieux, auraient-ils eu la virtuosité nécessaire pour faire entendre notre violon dans le concert des nations? Sans doute pas. On peut s’engager avec toute la ferveur possible dans un parti, il y toujours trop loin de la base au sommet pour que ce soit efficace. Le vrai problème dans la démocratie, ce n’est ni la casaque du chef des Français, ni le peuple qui est censé détenir le pouvoir (il suffit de l’aider à s’en persuader). Le problème, on ne le répètera jamais assez, c’est le pouvoir.

Alors laissez tomber le vote blanc. Prenez plutôt le drapeau noir.

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