APRES LA MINUTE DE SILENCE FAISONS DU BRUIT !

« On résiste à l’invasion des armées, on ne résiste pas à l’invasion des idées. »

Victor Hugo 

Ce matin, dans toutes les écoles de France, les enfants ont été invité à respecter une minute de silence à la mémoire des victimes de la tuerie de Toulouse. Bien sûr , on ne peut que compatir à la douleur de ceux qui ont perdu un des leurs dans ce drame , mais aussi dans ceux ayant touché les militaires de Montauban et déjà de Toulouse.

Mais passée la sidération qui a prévalu une grande partie de la journée d’hier devant la barbarie des évènements, il ne faut pas se cacher derrière la seule folie de ce meurtrier pour disculper notre classe politique mais aussi les français de toutes charges.

Oui, ces drames étaient prévisibles ; oui depuis plusieurs années le racisme se radicalise en France ; les attaques contre les mosquées, contre les synagogues, mais aussi contre les cimetières musulmans ou israélites se multiplient ; on a encore en mémoire la profanation du carré musulman de Notre dame de Lorette près d’Arras ou en Lorraine la profanation du monument aux morts juifs de Verdun . On se souvient aussi de ces cimetières juifs ou musulmans profanés en Alsace toute proche. Oui, il faut se rendre compte aujourd’hui à quel point les tueries de Toulouse et de Montauban sont tout sauf une véritable surprise.

Depuis l’irruption d’une nouvelle droite , prenant la place de feu RPR, le parti chiraquien, la droite s’est décomplexée. Chirac, malgré sa malheureuse déclaration sur le bruit et l’odeur , a toujours eu un comportement assez clair avec le Front National , notamment en 1988 où il aurait rencontré Le pen entre les deux tours , mais n’aurait rien lâché au patriarche borgne, lui demandant de ne pas appeler ses électeurs à voter pour lui. Pour autant, la fin des années 80 reste une période confuse où la droite a eu du mal à se positionner face à l’extrême droite (Jean Kiffer en étant un parfait exemple) , avec de nombreuses alliances locales rarement sanctionnées . Il faut attendre le début des années 90 pour que la droite refuse formellement toute alliance avec le Front. Ainsi , en 1995,  le RPR prononce l’exclusion de ses membres ayant incorporés des frontistes sur leur liste aux municipales, à quelques exceptions notables , comme celle d’un proche d’Alain Juppé , Jean Valleix.

Mais en 1998, la droite, qui règne sur les la grande majorité des régions (20), est derrière la gauche dans 12 régions sur 22 . Mais la gauche n’a pas de majorité  sauf en Limousin, terre de gauche s’il en est. Le Front National, fort de ses 275 élus dans les conseils régionaux français se retrouvent en position d’arbitre. Malgré l’appel de Chirac à ses troupes, certains membres de la droite préfèrent la compromission avec le Front plutôt que de perdre leur région . C’est ainsi que l’ancien ministre Charles Millon conserve Rhône-Alpes , mais on se souviendra aussi des élections de Charles Baur, Jean-Pierre Soissons (toujours à la pointe en matière d’opportunisme) ou Jacques Blanc qui sera ensuite accueilli par Démocratie Libérale , le parti de Madelin qui a fait sécession avec l’UDF de Bayrou , intransigeant sur la question des alliances avec le FN.)

Après cette journée d’élections des présidents de région, connu sous le nom de « Vendredi noir », la droite paie le prix de son rapprochement le dimanche suivant lors du deuxième tour des cantonales où elle perd 11 départements .

Le débat sur le PACS fait se retrouver l’extrême droite et la droite traditionnelle , à quelques exceptions près (Roselyne Bachelot notamment , dont le beau-frère François a lui fait parti du FN ).

Et puis arrive Nicolas Sarkozy ; ou plutôt , sort-il du bois. Sa tactique est simple : puisque le FN fait souvent le jeu de la gauche , comme en 1997 , par le biais des triangulaires, il va l’affaiblir et pour cela, plutôt que de le combattre , il va en épouser certains thèmes.

De Dakar à Grenoble, bien en selle sur son Karcher quand il n’était encore que le plus remuant des ministres de Chirac, Sarkozy a contribué grandement à libérer la parole raciste. A grands coups de stigmatisations , souvent en avance d’un coup sur Marine Le Pen ou la suivant à la culotte comme dans la pseudo-affaire de la viande hallal , le président français a volontairement déplacé la droite vers son extrême, jouant et exacerbant les peurs irrationnelles de français volontiers enclin à  chercher des boucs émissaires .

Autour de lui, on pensait avoir vu le pire avec Hortefeux , et on a trouvé plus odieux avec Guéant , obnubilé par ces musulmans trop nombreux à son goût. On pensait que les infâmes slogans contre le PACS ne pouvaient qu’être l’oeuvre des extrémistes , et on a eu Vanneste , longtemps protégé par l’UMP. Et les passerelles entre le FN et l’UMP sont bien là , et les anciens frontistes repentis ont trouvé à l’UMP un cadre plus propice à leurs ambitions personnelles ; ainsi Guillaume Peltier ou Patrick Buisson se sont fait une place au soleil auprès du président (et accessoirement dans le groupe TF1 pour le dernier nommé , puisqu’il dirige la chaîne Histoire qui appartient au groupe de la chaîne dont on se dit qu’heureusement il n’y en a qu’une).

A l’étranger, la droitisation de Nicolas Sarkozy ne fait pas de doute ; le Wall Street Journal a appelé notre président « Nicolas Le Pen » dans un éditorial acerbe. Si le journal n’est pas tendre non plus avec Hollande il s’en prend plus durement encore à Sarkozy :évoquant sa déclaration sur Schengen , le journal américain dénonce  « une pensée laide, pas seulement en raison de la laideur des sentiments sur lesquels elle joue mais également un cas d’école d’illetrisme économique. » Au parlement européen , Guy Verhofstadt , ancien premier ministre belge se demande  « Qui est le candidat de l’extrême droite en France, Le Pen ou Sarkozy » ? une interrogation bien légitime.

Et que dire d’Arno Klarsfeld, petit soldat du sarkozysme de bas-étage ? l’avocat , fils de Serge (d’origine roumaine ) et Beate , candidate à la présidentielle pour le parti de gauche Die Linke en 2012 en Allemagne ce qui bizarrement ne l’empêchera pas d’annoncer soutenir Sarkozy comme son fils, a tenu des propos affligeants sur les roms : « Ils vivent avec huit enfants dans une pièce, lorsqu’on n’a qu’une pièce, on ne fait pas huit enfants !Ils doivent savoir que leurs enfants vont être pris par les mafias, mis sur le trottoir. C’est inconscient. Ils sont de longue date les Misérables avec un grand M, chassés, pourchassés, mais ils sont aussi victimes d’eux-mêmes, responsables de ne pas avoir su susciter une véritable élite qui ne soit pas cette ploutocratie qui vit de trafics et n’a pas intérêt à sortir son peuple de l’horreur.  »  Il milite aussi pour la création d’un mur entre la Grèce et la Turquie…

Tout cela pour dire qu’avoir la larme à l’oeil devant les caméras quand on est le premier responsable du délitement actuel de la communauté nationale , qu’on a dissout les liens républicains entre les différentes communautés du pays ( comment interpréter autrement les sifflets des juifs à la vue des candidats de gauche hier soir que par le fait que la gauche est considérée comme un soutien de la communauté musulmane contrairement à la droite plus critique ? ) , créant du communautarisme alors qu’on dit vouloir le combattre, c’est de l’indécence. De l’hypocrisie . Mais après tout, il en va de la politique comme de la vie de tous les jours : avoir un peu d’honneur n’est pas donné à tout le monde.

Je ne parlerai même pas de Marine Le Pen et de son père ; leur travail de sape (et notamment celui du père) a préparé le terrain à la droitisation des esprits ; au point qu’à part Mélenchon, personne n’a été gêné de voir Jean-Marie citer Brazillac tristement célèbre pour cette phrase qui résonne tout particulièrement aujourd’hui   « il faut se séparer des juifs en bloc et ne pas garder les petits » qu’il prononça au lendemain de l’indignation de l’archevêque de Toulouse provoquée par la raffle du Vélodrome d’Hiver.

Le tout est de savoir maintenant si les français prendront conscience que dans notre pays règne une atmosphère nauséabonde et qu’ils sauront réagir . En espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard.

 

 

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