Je veux des bas

Le barman vient me trouver, je suis tranquillement affalé sur un pouf ignoble. Ceux que l’on trouve dans les coins sombres de certains bars. Il me tend une coupe de champagne:  « de la part de la jeune fille au bar. » me dit il, en clignant de l’oeil.

Mes yeux, fatigués par les verres de 102 – ce soir le pastis se boit double – fatigués aussi par la fumée de mon cigare et le concert terminé il y a une heure à peine, trouvent tout de même la force de se diriger vers cette généreuse inconnue.

De part ma position, je reluque d’abord une paire d’escarpins. Le talon est assez fin, d’une longueur suffisante pour calmer les ardeurs de mâles trop entreprenants. Puis je commence à remonter le long d’une jambe interminable. La cheville semble si fine et délicate qu’on imagine avec difficulté qu’elle puisse supporter un si merveilleux cul. Mes yeux s’arrêtent un long moment sur les cuisses de la dame. Perchée sur son tabouret, elle porte une jupe fendue et son habile croisement de jambe me laisse entrevoir la promesse d’une dentelle de bas.

Tu sais quoi mon pôte ? Je vais t’avouer quelque chose qui va te trouer le cul. Je sais pas si c’est le pastis mais à ce moment là, sans en voir plus, je l’aime déjà. Pour combien de temps, je ne sais pas. Je vais donc rejoindre ma bienfaitrice d’un soir.

« J’aime beaucoup ce que vous faites » me glisse-t-elle en m’accueillant à ses cotés..

La belle à la voix assortie à ses guiboles, me dis-je. J’suis tombé sur un premier choix, c’est mon soir de chance on dirait. Depuis quelques semaines maintenant, tu commences à me connaître. Tu t’imagines bien qu’un occaz pareille, je ne vais pas la laisser passer sous mon blair. Crois moi, mais avant que tu aies eu le temps de finir cette histoire, j’aurai ses bas autour de mon coup. Un collier de soie, avec deux souliers en guise de boucle d’oreille. Je vais lui jouer ma symphonie en string majeur. L’oeuvre étant inachevée, on écrira la fin ensemble, un crescendo magnifique, un final éblouissant. Quand je pense à con de Beethoven qui composait seul, ça l’a d’ailleurs rendu sourd comme un pot.

Que veux tu, moi, les bas, ça me transporte, c’est plus fort que moi.

Alors, du coup j’en profite pour passer un message aux femmes: portez des bas, bannissez à jamais les odieux collants. Laissez cette ignoble tue désir aux frigides, aux feministes extremistes, aux mégères aséxuées, à celles qui n’acceptent de se faire lutiner que dans le noir.

Pour les autres, les vivantes, les bouffeuses de vie et d’homme, vive les bas.

C’est le moment de faire un saut chez Claude Nougaro, le petit taureau, qui, armé de sa plume flamboyante, a su magnifier ces quelques centimètres carrés qui font tourner les têtes …

 

« N’y a-t-il plus une seule femme ici bas Qui agrafe ses bas a son slip de dentelles Hélas, tous les collants se sont rués sur elle Oh non, tout mais pas ça Les bas, les bas, où sont passés les bas Les bas de femmes, les si beaux bas de soie

 

A bas, à bas tout ce qui n’est pas un bas On en a marre des hauts, on veut des bas»

 

Et tant qu’on y est, ben restons chez Nougaro afin de se flatter les portugaises au son rocailleux de son accent ensoleillé. Tout y est bon, ça swingue, les mots et la musique. Pour te dire, à chaque écoute, Toulouse me tire encore des larmes.

Boxe, boxe … depuis qu’il est tombé K.O, mis un point final à sa dernière chanson, nous sommes  sonnés, pas encore reveillés. Ferme les yeux:

« Oui, j’aurai ton sourire Point final de mes poings Même si dans les coins, boxe, boxe J’y vois encore luire Quatre boules de cuir »

 

Salut Claude

 

Voilà pis c’est tout.

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