Modèle allemand : Renan Apreski fait le point.

RENAN APRESKI : Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Il est beaucoup question, actuellement, du modèle allemand, mais qu’est-ce que les Allemands ont vraiment de plus que nous ? Pour le savoir, rien de mieux que de le demander aux Allemands eux-mêmes, et nous avons décidé de commencer avec vous, Daniel Cohn-Bendit.

DANIEL COHN-BENDIT : Ach ! Tu veux savoir pourquoi l’Allemagne, c’est mieux que la France ? Ben je vais te le dire : d’abord, l’Allemagne, c’est une démocratie !

R. A. : Ben ? La France aussi !

D. C.-B. : Ah non, j’m’excuse, mais vous, vous êtes encore une monarchie ! Le roi a beau être élu par le peuple, vous ne jurez que pour les monarques, chez vous ! Nous, en Allemagne, la dernière fois qu’on a eu un roi, il s’appelait Hitler ! Ça nous a bien dégoûtés de la monarchie ! Mais vous, c’est à croire que vous essayez de vous faire pardonner, alors que personne ne vous demande rien, d’avoir exécuté le gros Louis XVI ! Résultat, au lieu de vous sortir les doigts du arsch pour vous donner un avenir meilleur, vous passez votre temps à vous plaindre en attendant l’arrivée de l’homme providentiel ! Quand vous devez élire votre président, vous ne choisissez jamais le programme le plus intéressant pour vous mais toujours le type le plus « charismatique » ! Et dès que quelqu’un a le malheur de dire qu’il ne pense pas comme la majorité, tout de suite, c’est la chienlit ! Si j’avais su, en 68, je me serais pas amuse à balancer des pavés, il suffisait de dire un truc comme « De Gaulle est un vilain » pour foutre un bordel monstre ! Parce qu’en plus, en 68, avec les copains, on a bien essayé de vous aider à tuer le père, mais vous avez refusé de faire votre Œdipe ! ‘Faut devenir adultes, les Français, quoi !

R. A. : Dany, revenons à l’Allemagne, si vous le voulez bien…

D. C.-B. : D’accord, d’accord… Bon, donc, en Allemagne, avec les Verts Allemands, comme on a un vrai régime parlementaire, on peut exister politiquement ! C’est comme ça qu’on a obtenu l’abandon du nucléaire ! C’est les idées qui comptent, chez nous, pas le charisme ! Si elle s’était installée en Allemagne plutôt qu’en France, Eva Joly ferait aujourd’hui partie des Grünen et elle ferait 12 % !

R. A. : Ah là, oui, je mesure mieux l’abîme qui sépare nos deux pays !

D. C.-B. : Oh, tu peux être ironique ! Honnêtement, je reconnais aussi qu’en Allemagne, les Verts sont autre chose qu’un panier de crabes où on pense plus à l’avenir politique qu’à l’avenir de la planète…

R. A. : On s’en doute, Dany, merci ! Karl Lagerfeld, vous avez vous aussi un pied des deux côtés du Rhin, qu’est-ce qui sépare la France de l’Allemagne, selon vous ?

KARL LAGERFELD : Je dirais que c’est d’abord une affaire de mentalité : pour prendre exemple sur moi, j’ose croire être la preuve vivante que nous, Allemands, savons faire preuve de rigueur et de discipline ; c’est le génie germanique, l’aptitude des Allemands à rester calmes et posés en toute circonstance, à faire preuve de la maîtrise de soi qui fait parfois défaut aux Latins dont vous faites partie…

R. A. : Ouaf, c’est un vieil argument…

K. L. : Was ? Qu’est-ce que t’as ? Tu me crois pas ? Tu te prends pour qui, pour me contredire, toi, pauvre petite schreibe ! Tu sais à qui tu causes, là ? Quand on est sapé comme un roumain, on fait pas la leçon au pape de la classe ! Je te dis que nous, les Allemands, on est toujours calmes et posés ! On s’énerve pas pour un ya ou pour un nein, nous ! On prend pas la fliege pour drei fois rien ! On ne se prend pas pour le trou du arsch du monde ! Et surtout, on ne jamais de grossièretés en public, blöde sau ! ET JE T’EMMERDE ! T’AS D’AUTRES QUESTIONS À LA CON, ARSCHLOCH ?

R. A. Heu…non, merci ! Bruno Ganz, vous êtes d’accord avec ce que vient de dire Karl Lagerfeld ?

BRUNO GANZ : Ach ! En tant qu’acteur, je ne partage pas l’enthousiasme de votre président pour le modèle que notre pays est censé constituer ! Vous, les Français, vous bénéficiez d’un avantage que nous avons perdu depuis longtemps, l’exception culturelle : le cinéma allemand est aujourd’hui aussi sinistré que le cinéma italien ! Au pays de Fritz Lang, c’est quand même malheureux ! Moi aussi, j’aimerais bien jouer, comme mes collègues français, dans des films subventionnés, prétentieux et chiants à mourir qui ont de bonnes critiques sur Arte et qui me donneraient l’air intelligent ! Franchement, si on bénéficiait de tels avantages chez nous, vous croyez que j’aurais accepté de jouer Hitler ?

R. A. : Heu… Peut-être pas, non… Et vous, Jan Ullrich, quell regard portez-vous sur votre patrie ?

JAN ULLRICH : Oh, vous savez, elle est très surfaite, la réputation du modèle allemand ! Surtout concernant notre système de santé, il est moins bon qu’en Italie !

R. A. : Vous croyez ?

J. U. : J’en suis sûr ! Si on avait un système de santé aussi performant que les Italiens, en 1998, j’aurais pu me procurer les produits qu’il fallait, et j’aurais gagné le tour de France à la place de cette wurst de Marco Pantani ! Enfin, je suis peut-être injuste, c’est peut-être notre industrie pharmaceutique qui est cause, mais si tel est le cas, ce n’est pas meilleur signe pour notre pays ! D’ailleurs, une preuve qu’il y a quelque chose de pourri au royaume d’Allemagne : Pantani est mort à 34 ans, et moi, qui en ai déjà 38, je suis toujours vivant ! Pour un sportif de haut niveau, c’est pas normal !

R. A. : Pas faux… Bill Kaulitz, vous êtes le leader du groupe Tokio Hotel

BILL KAULITZ : C’est gentil, de m’inviter ! Aujourd’hui, y en a plus que pour Justin Bieber ! La mode est tellement cruelle…

R. A. : Eeeet oui ! Bill, le point de vue des jeunes allemands ?

B. K. : Vous savez, j’ai eu des fans français qui m’écrivaient pour me dire qu’ils trouvaient leur profs « peau de vache » comme vous dites chez vous, mais je peux vous dire que ce qu’ils connaissaient, ce n’est rien en comparaison de ce qui se passe dans les écoles allemandes ! On est vachement plus exigeants avec les jeunes : pour vous donner une idée, à la fac, y a pas de sessions de rattrapage !

R. A. : Ah oui, ça doit être dur…

B. K. : Nein ! Au contraire ! Quand on est exigeant avec quelqu’un, ça veut dire qu’on croit en lui ! Au moins, chez nous, nos parents, ils croient en nous et à l’avenir ! C’est pas comme chez vous où vous avez l’air de croire que tous les jeunes c’est des voyous ! Enfin, y a pas que des trucs bien chez nous : on n’arrête pas de nous culpabiliser parce que nos grands-parents ont été méchants avec les Juifs… Ça va, quoi, on y est pour rien !

R. A. : Mais Bill, c’est normal, c’est le devoir de mémoire…

B. K. : Il a bon dos, le devoir de mémoire ! Vous, vos grands-parents ont été méchants avec les Algériens, et on ne vous emmerde pas avec ça !

R. A. : Heu… Ça n’a rien à voir, ce n’est pas un génocide…

B. K. : D’accord, mais c’est quand même des milliers de morts, des tortures, des humiliations, tout ça pour en arriver à ne même pas pouvoir continuer à saigner aux quatre veines un pays et traiter ses habitants comme des moins que rien ! C’est facile, après, de donner des leçons aux autres quand on n’est pas le dernier pour la barbarie !

R. A. : Et dire que je l’avais invité pour apporter une note de légèreté au débat… Frank Ribéry, vous jouez à Munich, le mot de la fin ?

FRANK RIBÉRY : Heu… Zyprier !

R. A. : Pardon ?

F. R. : Zyprier ! Ça veut dire « Chypriote » ! C’est le mot de la fin du dictionnaire allemand !

R. A. : Ah, il fait des progrès, notre Ribéry national ! L’Allemagne lui profite… Allez, kenavo !

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