Les terroristes sont parmi nous

 

Il faut reconnaître tout être humain, sans chercher à savoir s’il est blanc, noir, basané, ou rouge; lorsque l’on envisage l’humanité comme une seule famille, il ne peut être question d’intégration ni de mariage inter-racial

Malcolm X

 

J’ai quelque honte à l’avouer, mais ça y est,  j’ai peur. Les terroristes sont parmi nous, ils occupent la moindre parcelle de notre beau pays, et ils chassent sans retenue la moindre étincelle de liberté qui pourrait scintiller avant même qu’elle n’en ait eu l’idée.

Au début, il ne m’en challait que dalle, parce que je suis très nonchalant mais que je suis quand même pour la réhabilitation des verbes inusités. Ils ouvraient leurs églises au tout venant, ils clamaient qu’ensemble tout devient possible, ils prétendaient avoir changé et avoir chassé les vieux démons qui ont tenté même Saint Antoine dans le désert, mais peut-on croire un intégriste quand il parle d’intégration? Avouons-le, sûr de mon athéisme tranquille et gonflé de confiance en les institutions laïques, j’ai pêché par naïveté.

Et ils ont commencé leur oeuvre de terreur et de destruction. Leur première cible fut justement la laïcité, entre une visite au pape et une insulte aux instituteurs chargés d’éveiller la conscience républicaine et le respect d’autrui. Comme tous les fondamentalistes, ils se sont attaqué aux libertés individuelles en nous empêchant de fumer, en affichant leur mépris pour les différentes orientations sexuelles, en essayant de repérer les déviants à peine sevrés de lait maternel, en fichant à qui mieux mieux comme de grossiers témoins de Jéhovah, et en posant le principe qui veut que qui n’est pas avec eux est contre eux. Ils ont bouclé le clapet public en s’arrogeant la quasi-totalité des institutions et de la représentativité médiatique, et en distillant la bonne parole du CAC 40 heure par heure sur les chaînes d’information, encore plus souvent que les bulletins météo ou que l’appel du muezzin.

Par la suite, à l’instar des talibans afghans qui ont détruit les bouddhas millénaires, ils se sont attaqué aux anciennes idoles comme la retraite, la sécurité sociale, le marché du travail. Pour justifier leur mythologie paranoïaque, ils ont essayé d’effacer toute trace des vieilles croyances païennes, à tel point qu’ils pensaient que personne ne voyait les grèves juste parce qu’ils n’y étaient pas. Puis ils se sont érigés contre les capitalistes modérés du Parti Socialiste, les accusant d’être des hérétiques mous de la foi, proches du grand Satan gauchiste. Le schisme n’est pas encore évident, mais croyez-moi, la guerre couve si les brebis dédaignent se rassembler.

Et l’évangelisation est allé croissant: de plus en plus, les croyants arpentaient les rues vêtus de la cravate, du costume trois-pièces, et de l’attaché-case caractéristiques des disciples, et les femmes restaient cantonnées au foyer par la grâce de Saint-Chômage, le patron des assistés qui est bien utile pour comprimer les coûts qui empêchent la divine entreprise de réaliser les bénéfices sacrés. Le Mollah Wauquiez, doré 18 carats soit son nom, n’a d’ailleurs cessé de jeter l’anathème sur tous les profiteurs du système qui en passant de vie à trépas iront brûler pour l’éternité dans un kolkhoze, fouettés par des soviets turgescents qui leur rappelleront indéfiniment les objectifs du Secrétariat au Plan pour l’année 1959 dans la ville de Verkhoïansk.

Le financement de la secte officielle ne différait pas de celui des autres officines de la terreur cultuelle: plutôt que de faire appel à la charité comme tous ceux qui prônent la modestie pour les autres sans jamais se l’appliquer à eux-même, les gardiens du Temple ont quémandé le denier du culte chez de riches donatrices légèrement séniles, chez de généreux mécènes ayant migré pour échapper au fisc, chez des experts en terrorisme vivant de l’autre coté de la Méditerranée et même en se servant sur des commissions de vente d’armes, le tout au nez et à la barbe (le comble pour des terroristes) de la communauté internationale.

Mais ce n’étaient encore que de modestes galops d’essai avant les choses sérieuses. Quand les archanges du marché ont tenté de provoquer un déluge sur l’Europe, le dieu Fric, courroucé de voir les Etats protéger les citoyens, décida de sacrifier la Grèce et le reste de la piétaille continentale au profit des Eglises bancaires. La parole de la divinité n’étant pas discutable, les prophètes franco-germains se mirent en quatre pour favoriser les plans sociaux, dépénaliser le droit des affaires, démanteler les services publics, et sauver l’euro qui est l’alpha et l’oméga de la vie depuis les siècles des siècles, et sans lequel jamais la lumière n’eut été.

La dernière phase de l’offensive intégriste se déroule en ce moment, sous nos yeux. Les ayatollahs capitalistes défendent leur siège à la Présidence de la République, en s’attaquant à tout contradicteur potentiel. Le prophète Sarkozy, doré 24 carats et serti de diamants soient son nom et son auguste Rolex, s’érige en rempart contre les envahisseurs « musulmans d’apparence » qui viennent grossir les rangs des mécrants qui s’adonnent à la luxure et à l’assistanat au lieu de vénérer le divin commandement de la valeur-travail, contre ceux qui consultent des sites terroristes au lieu de trembler d’effroi devant Saint Pôle Emploi, où qui persistent à pèleriner à genoux à Schengen alors que ce lieu où reposent les reliques du traité de libre-échange fut déclarée impie lors du Concile de Villepinte où l’apôtre Depardieu a changé le vin en pisse (on a les miracles qu’on peut).

Mes bien chers frères, mes biens chères soeurs, faisons fi de l’apostasie et de l’irreligion qui nous caractérisait jusqu’alors, et rallions-nous au prophète Sarkozy, enfermé à Fort Knox soit son béni patronyme. Pour la première fois, je fouette, je claque du fessier, je tremble d’effroi, je fais deux litres d’huile avec une demi-olive dans le Saint-Siège, alors que j’ai toujours opposé la joie de vivre et la dérision aux fondamentalistes de toutes les chapelles. Mais lui il me fait vraiment peur, autrement plus que les poseurs de bombes et les tueurs d’enfants.

Le Fric est le seul dieu, et Sarkozy est son prophète. Amen.

 

 

 

 

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