RENAN APRESKI : Devezh mat, Metz, mont a ra ? Je reçois Christine Boutin.
CHRISTINE BOUTIN : Bonsoir, monsieur Apreski. Frigide Barjot ne devait pas être avec moi ?
R.A. : Non, après mûre réflexion, j’ai préféré faire appel à ma sœur pour l’interviewer.
C.B. : Votre sœur ? La psychiatre ? Depuis quand elle a sa carte de presse ?
R.A. : Elle a son diplôme de docteur en psychiatrie et c’est ce qu’il faut pour interviewer Frigide Barjot ! Enfin, quoi qu’il en soit, madame Boutin, à la veille d’une nouvelle manifestation contre le mariage pour tous…
C.B. : On dit « contre le mariage GAY », monsieur Apreski !
R.A. : Bah c’est pareil, non ?
C.B. : Non ! L’appellation « mariage pour tous » a été forgée par tous ces bobos bien-pensants des « gender studies » ! La vraie appellation, celle dans laquelle le peuple se reconnaît, c’est « mariage gay », point ! C’est quand même moins hypocrite !
R.A. : Qu’est-ce qu’il y a d’hypocrite à parler de « mariage pour tous » ?
C.B. : « Mariage pour tous », voyez-vous, ça laisse accroire que la mesure de la négresse… pardon, que la loi Taubira serait l’extension légitime d’un droit dont jouissent déjà les gens norm… les hétérosexuels à des péd… à des personnes de sensibilité différente qui seraient donc reconnues comme des citoyens de plein droit ; or, « mariage gay », ça sonne comme « cancer gay », le nom qu’on donnait au Sida quand le virus a commencé à faire des ravages : en clair, « mariage gay », ça sonne comme ce que c’est, une maladie ! Entre nous, je n’ai qu’un regret concernant le Sida, c’est qu’il se soit étendu aux couples hétérosexuels : la punition divine s’est muée en œuvre de Satan !
R.A. : Hum ! Bon, madame Boutin, à la veille d’une nouvelle manifestation contre le mariage gay (puisque ça vous plait qu’on l’appelle ainsi), on a l’impression que le mouvement tend à se radicaliser, vous ne trouvez pas cette dérive dangereuse ?
C.B. : Je ne vois pas de quoi vous voulez parler ?
R.A. : Enfin, ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes, les propos de vos coreligionnaires sont de plus en plus menaçants et des militants radicaux et violents se sentent autorisés à des actions dangereuses ! Un bar homo a été attaqué à Lille, des élus battent un collaborateur de madame Taubira, les manifestants appellent les CRS à s’en prendre (je cite) aux « décadents » plutôt qu’à eux… Enfin, c’est grave, tout ça !
C.B. : Ah, d’accord ! Je vois où vous voulez en venir et je comprends votre inquiétude ! Les actions courageu… scandaleuses auxquelles vous faites allusions sont le fait d’éléments incontrôlés ! Elles pourraient laisser accroire au grand public que nous pensons que l’homosexualité n’a pas sa place sur terre, qu’elle est l’œuvre de Satan, que les invertis ne méritent que le bûcher avant d’aller griller de plus belle en Enfer, que leur vice doit être réprimé par tous les moyens, dussions-nous pour cela parquer dans des camps tous ses cochons puants vêtus de cuir ! N’importe quoi ! Non, ces actions qui pourraient laisser croire ça sont bien évidemment inadmissibles et au nom de notre mouvement, je les condamne sévèrement !
R.A. : Mouais ! Et qu’est-ce que vous comptez faire contre ces « éléments incontrôlés » ?
C.B. : Et bien nous allons porter plainte contre le gouvernement pour mise en danger de la vie d’autrui !
R.A. : Hein ? Pourquoi contre le gouvernement ?
C.B. : Enfin, c’est évident : si le gouvernement n’avait pas provoqué tous ces bons chrétiens avec ce projet de loi qui incite à la débauche, toutes ces tendre brebis ne se seraient pas mises en colère et n’auraient pas éprouvé le besoin de passer leurs nerfs sur des invertis ! C’est logique, non ?
R.A. : Sur la forme, oui, mais ça ressemble quand même beaucoup à un prétexte pour attaquer le gouvernement social-démocrate !
C.B. : Qu’insinuez-vous ? Que j’ai une haine farouche pour ce gouvernement à la solde des rouges et guidé par Satan, que je pense que le mot « socialiste » devrait être banni du dictionnaire, que François Hollande est l’antéchrist en personne et Christiane Taubira la nouvelle Jézabel ? N’importe quoi ! Je suis seulement soucieuse de la vie d’autrui, monsieur ! J’avais aussi porté plainte contre Charlie Hebdo pour mise en danger de la vie d’autrui quand ils avaient provoqué les islamistes !
R.A. : Oui, je m’en souviens, mais là encore, ça ressemblait beaucoup à un prétexte pour vous en prendre à la presse libre !
C.B. : Qu’insinuez-vous ? Que je rêve de condamner à la peine capitale toute personne osant tenir une opinion contraire aux volontés de notre saint père le Pape, d’interdire tous les journaux qui offensent notre sainte mère l’Église, d’organiser des autodafés avec les œuvres sataniques des adorateurs de cet envoyé de Satan qu’est Cavanna ? N’importe quoi ! Il faudrait que vous arrêtiez de me voir comme une vielle réac boursouflée d’idées reçues !
R.A. : Oui, vous êtes aussi et surtout une fieffée crapule ! Kenavo, les aminches !
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