Galerie de portraits (13) : Sophia Aram.

09-10-Sophia Aram

Devezh mat, Metz, mont a ra ? Une sémillante quadragénaire aux cheveux de jais et au charme délicat des filles du Maghreb : c’est elle. Vous l’avez probablement écoutée à plusieurs reprises sur France Inter, vous allez avoir l’occasion de la voir sur France 2.

Je ne lui aurais pas donné quarante ans, elle a gardé une allure de jeune fille malicieuse qui fait tourner en bourrique son fiancé : elle pourrait jouer Suzanne dans Le mariage de Figaro (ça, c’est pour le plaisir de vous forcer à relire vos classiques, bande d’incultes !). Affirmer que Sophia Aram est une subversive serait exagéré ; disons simplement que c’est une humoriste de talent qui n’a pas sa langue dans sa poche, a le courage de ses convictions et sait les exprimer en faisant preuve de finesse d’esprit, autant de qualités qu’on ne peut qu’apprécier à une époque où les attiédis sont la majorité et où le lourdingue semble être devenu le dénominateur commun de « l’humour » à la télévision. À titre personnel, j’ai adoré l’entendre dire que le discours dominant du type « Je ne vote pas Front National mais… » ressemblait plus qu’étrangement au tristement célèbre « Je ne suis pas raciste mais… » ; la dérision chez elle est souvent féroce mais n’est jamais gratuite, elle a une éthique, une culture, des références et sait s’en servir à bon escient, comme elle l’a montré en ressortant, au moment où les frères musulmans arrivaient au pouvoir en Égypte, cet enregistrement où Nasser, le père de la nation égyptienne, riait au nez de ceux qui proposaient d’imposer le port du voile aux femmes : une façon comme une autre de rappeler que les arabes ne sont pas irrémédiablement voués à tomber dans l’escarcelle des islamistes radicaux. J’imagine bien l’exquise Sophia donner un grand coup de pied dans les burnes d’un barbu, avec le sourire radieux, féroce et énergique d’une fille dessinée par Reiser…

Quand on a su qu’elle animerait la tranche de l’avant-vingt heures sur la deux, de nombreux bon cons à l’air intelligent n’ont pas manqué d’affirmer, avec la belle assurance des imbéciles qui croient avoir fait la trouvaille du siècle, que la chaîne prenait un risque démesuré, que cette aimable personne était trop « clivante » pour ce genre d’exercice de style ; en somme, engager une personnalité qui a de l’audace reviendrait à courir à l’échec… Il est aisé de répondre à ces oiseaux de malheur : premièrement, depuis des années, la télé publique, à l’instar de la quasi-totalité des autres chaînes, n’a rien su proposer d’autre pour ouvrir la soirée, que des niaiseries consensuelles et l’audience n’a fait que dégringoler ; rien que pour ça, étant donné le succès qu’obtiennent les attiédis sur cette antenne, ça vaut le coup de donner sa chance à une fille qui n’a pas froid aux yeux. Au moins, la Deux fait preuve d’un peu d’imagination, contrairement à Canal qui a préféré rappeler une gloire du passé (que je respecte)… De plus, le grand défaut des chaînes dites « généralistes » est qu’elles veulent plaire à tout le monde, objectif impossible à atteindre qui ne conduit qu’à produire de la médiocrité et de la soupe tiède, ce qui est d’autant plus imbécile que, comme le disait Coluche, on n’est vedette qu’avec un minimum du public : la réussite pour un programme n’est pas forcément d’avoir le taux d’audience le plus élevée et peut très bien se résumer au fait de trouver « son » public ; avoir le public le plus nombreux n’est pas une fin en soi, il suffit d’avoir un public relativement nombreux et, surtout fidèle. Or, il est à peu près certain qu’il y a toute une frange du public potentiel, en France, qui en a marre des niaiseries consensuelles et des pitreries dans le style d’Hanouna dont la télé nous abreuve : si Sophia Aram parvient à conquérir ce public potentiel que les chaînes méprisent d’ordinaire, ne pourra-t-on pas dire que c’est un succès ?

Bon, je ne m’avancerai pas jusqu’à dire qu’elle va sûrement réussir son coup, c’est l’avenir qui nous le dire, mais il est tout aussi imbécile de dire qu’elle va sûrement se planter. Il reste, pour une fois qu’une personnalité sympathique arrive à la télé, à lui souhaiter bonne chance. Si ça marche, ce sera tant mieux, et si ça foire, ce ne sera pas dramatique car il ne fait nul doute qu’elle saura rebondir très vite, elle a assez de talent et de pugnacité pour ça, et on n’en aura que d’autant plus de plaisir à la retrouver sur scène ou à la radio. Sophia, mes vœux vous accompagnent ! Kenavo les aminches !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *