La droite (PS inclus) ne cessera jamais de me faire rire jaune, encore que la couleur soit mal choisie vu le sujet qui nous préoccupe. Depuis que Manuel Valls a décidé que les Roms se sentiraient sans doute mieux en Roumanie, depuis que la loi sur le mariage pour tous a été adoptée, et depuis qu’Hollande à prouvé qu’il était largement aussi libéral que Sarkozy en matière d’économie, les libéraux, les vrais, les assumés, ceux qui ont Adam Smith et Angela Merkel tatoués sur le cœur, ne savaient plus trop à quel saint se vouer. L’UMP a eu beau envoyer Morano et Estrosi braconner sur le terrain idéologique du Front National, rien à faire. A force de brasser des concepts éculés depuis le XIXè siècle comme la libre-concurrence, le sacro-saint marché, et le fric comme seul prescripteur du bien et du mal, ça devait bien finir par arriver.
Mais quoi que ces braves gens détestent l’écologie, ils parviennent toujours à recycler des vieilles ficelles élimées, et à vendre des prostates pour des lampadaires, car les vessies pour les lanternes, ce n’est pas un projet assez ambitieux pour la France. Alors, tandis qu’ Hollande venait vendre ses salades en Moselle et tenter vainement de faire passer une demi-molle pour l’œuvre de Rocco Siffredi, la droite s’est tapé sur le front et s’est écriée « bon sang mais c’est bien sûr! Si on cognait sur les syndicats, si on faisait semblant de s’intéresser aux prolos, et si on disait que le PS a inventé le chômage pour empêcher les petites gens de manger à leur faim ».
Encore un peu, ils reprenaient l’Internationale et faisaient de l’œil à Mélanchon. Mais finalement, la droite a préféré brailler contre ces salauds de syndicalistes qui empêchent les salariés de Séphora et de Castorama de bosser le dimanche, alors que tous les Français ne rêvent que de bricoler avec du Chrome d’Azzaro sur le groin le jour du Seigneur. Ce serait risible si l’idée ne faisait pas son chemin, et si des journaux nationaux ne faisaient pas des pages sur la nullité supposée des syndicats.
Pour être honnête, je ne suis pas hostile à l’idée d’ouvrir les échoppes le dimanche. Metz le dimanche, c’est un peu comme un brainstorming avec Estrosi et Morano: le désert, le vide, le rien, pas âme qui vive, le coma, l’hibernation générale et chacun sait comme l’hiver est long en Lorraine. Mais si des salariés se décident à sacrifier le weekend, ce n’est certainement pas pour la joie de vendre des fragrances semi-précieuses et des plaques de contreplaqué. C’est sans doute parce qu’on leur a fait miroiter une minable augmentation qu’ils y consentent, un peu comme on a fait accroire aux salariés allemands qu’il fallait revenir sur les accords concernant la baisse du temps de travail. La flexibilité fait peut-être baisser le taux de chômage (et encore, ça dépend comment tu le comptabilises), mais elle n’a jamais amélioré les conditions de travail.
Revenons aux syndicats. On a ici-même reproché pas mal de choses aux syndicats, mais pour être juste, il est assez malhonnête de les mettre tous dans le même panier. Quand la CNT, la CGT et parfois FO font preuve d’une combativité exemplaire pour défendre les salariés, la CFDT et bien d’autres n’ont jamais trop rechigné à signer des accords avec le MEDEF (un syndicat à qui pas grand-monde cherche des noises), des accords qui jetaient au panier des pages entières du Code du Travail. De même, les accords sur la représentativité des syndicats signés sous Sarkozy n’ont fait que réduire les prérogatives des salariés lors des négociations entre « partenaires sociaux ». La droite essaie de faire passer les syndicats pour un hydre contre-productif et surpuissant, alors que leurs facultés se réduisent un peu plus à chaque mandat, quel que soit le parti au pouvoir.
Le vrai problème du travail en France, c’est la précarité et le manque d’innovation. Les CDD et le recours à l’intérim a explosé ces dernières années. Même le CDI n’offre plus la moindre garantie. Les inspecteurs du travail et la Médecine du travail ne voient plus le jour tellement ils sont blindés de boulot avec des effectifs et des budgets toujours réduits. Sans la Sécurité Sociale, ce ne sont pas des paquets de travailleurs pauvres qu’on aurait, mais des légions de pauvres tout court. Qui d’après Valls auraient sans doute vocation à aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Impossible de se comparer au pseudo modèle allemand: nos voisins teutons font encore un peu illusion car ils ont une économie innovante (protégée par l’euro) et une main d’œuvre hautement qualifiée, mais ça ne durera pas éternellement non plus, pour les mêmes raisons qu’en France. Flexibiliser, précariser, et défiscaliser le travail n’apportera aucune solution au problème du chômage ni a la qualité du travail (qualité pour le salarié et pour le consommateur). Regarde le modèle britannique: une économie quasiment totalement financière, des services publics à l’abandon, des villes entières qui tombent en ruine ou presque.
Tout ça, la droite qui fait semblant de s’intéresser aux salariés le sait très bien (remember les accords de Sarkozy avec des entrepreneurs pour surseoir aux charrettes de licenciement jusqu’après la présidentielle). La droite n’en a rien à talquer des salariés, qu’on nomme éhontément des « ressources humaines » et qu’elle ne compte que comme des charges et des coûts pour l’entreprise. Et le rêve de la droite, c’est que le Code du Travail soit réduit à peau de chagrin, que le salarié soit malléable et corvéable, parce qu’en s’usant la santé sur une chaîne de production, derrière un bureau ou un comptoir, il ne prend pas autant de risques que l’employeur, ce corsaire des temps modernes qui mène son vaisseau entrepreneurial sur des océans de merde. (je ne vise personne; je traduis la pensée néo-capitaliste en termes clairs).
Tout ceci étant dit, ni Marx ni Smith n’avaient raison. L’avenir du travail ne situe ni dans la dictature du prolétariat ni dans la main invisible du marché. L’avenir, c’est la coopérative, l’économie solidaire, la société du savoir plutôt que celle du divertissement, la gratuité, le don et la paresse. Ce que quelques syndicalistes savaient déjà avant la naissance d’Alain Minc et de Jacques Attali.