Bougeons Queer

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Je voulais déjà vous parler de Let’s Dyke! à l’occasion de l’exposition « Bad Girls ». Des filles qui causent culture, contre-culture, genre et identité, ça ne pouvait que m’intéresser. Coup de chance, je suis allé à la soirée « Contre-Nature » organisée par l’association, et j’ai pu interviewer Léonor, responsable de la programmation artistique, de la communication et des relations presses du groupe. Comme j’avais déjà pas mal de mojitos dans le cornet et comme je suis un garçon timide, ce fut une interview par mail. Je remercie donc tout de suite Let’s Dyke! pour l’organisation de cette excellente soirée et Léonor pour ses réponses. De toute façon, quelqu’un qui cite Le Tigre ne peut être qu’une personne de goût. Et je comprends encore mieux pourquoi Emma Goldman disait qu’elle ne voulait pas d’une révolution où on ne pourrait pas danser.

Le GD: Peux-tu nous présenter Let’s Dyke? Combien de membres revendiquez-vous?

Léonor: Notre collectif se compose de huit femmes âgées de 22 à 30 ans.

Malgré nos horizons différents nous avons rapidement trouvé un intérêt commun, et le manque de lieux et d’événements réservés à la scène Queer en Lorraine nous a poussé à agir !

Let’s Dyke ! est né en 2012 grâce à une première Ladyfest improvisée dans les alentours de Metz. Cet événement privé avait alors réuni celles qui deviendraient par la suite les dykes fondatrices ainsi que les premiers membres.

Chloé, Amandine, Violaine, Elodie, Léonor , Aude, Cécile et Caroline sont ces huit dykes qui n’ont pas froid aux yeux, et qui sont bien décidées à faire bouger la scène Queer dans leur région .

Avez-vous bénéficié de soutiens dans le réseau associatif messin/lorrain, êtes-vous proches d’autres associations ou institutions?

Il semblait évident de dialoguer avec Couleurs Gaies, qui est là depuis de nombreuses années et qui milite pour les droits des LGBT. D’ailleurs nous avons été heureuses de militer à leur côtés lors de la marche des Fiertés 2013. Rapidement, nous avons également été sollicitées par d’autres associations comme La Galerie Octave Cowbell, Le collectif GIRI, le FRAC Lorraine, les Trinitaires, qui nous soutiennent et nous font confiance pour travailler ensemble. Aussi, nous avons la chance d’avoir pu bénéficier du soutien financier de la Mairie de Metz et du projet jeune  »Envie d’Agir ».

Pourquoi avoir fait le choix du militantisme culturel plutôt que politique?

Notre idée est de compléter les actions politiques, comme celles menées par des associations militantes, en abordant le problème des inégalités mais surtout en mettant en avant l’importance des questions d’identité et de genre, qui ont beaucoup à dire sur le monde qui nous entoure et nos façons de vivre.

La plupart d’entre nous sommes issues de la culture dans nos métiers, il était donc évident pour nous toutes de prendre cet angle d’approche pour notre collectif, pour une visibilité différente.

Peux-tu me citer quelques références culturelles et/ou politiques qui ont inspiré les membres de l’association?

Dans l’organisation de nos évènements, ce qui nous a influencé et donné envie ce sont des festivals comme les Lady Fest, des soirées comme la Ladyshave (Luxembourg) qui a pour but de promouvoir la scène électro féminine, dans le même sens le festival Les Femmes s’en mêlent, des collectifs parisiens comme Barbi’turix ou Gouines Comme un camion ou encore le Portland QUEER Music Festival.

Sinon, sans vouloir jouer la carte du “girl power”, dans le désordre quelque exemples de ce qui nous parle : Judith Butler, les Guerrilla Girls, Virginie Despentes, Amanda Palmer, Ann Scott, Beatriz Preciado, Peaches, Le Tigre et tant d’autres !!!

J’ai entendu parler de l’association pour la première fois à l’exposition « Bad Girls » au FRAC, à l’occasion de votre première manifestation qui a eu lieu au Royal. Comment s’est passé cette manif? Quelles sont les prochaines actions prévues?

En avril, nous avons lancé Let’s Dyke! #1 GenderFuck : notre première soirée officielle. L’idée dans ces soirées est de mêler performance, DJ set, expositions d’artistes contemporains sur un thème choisi, toujours en relation avec les questions de genres et d’identités. A cette occasion, nous avions reçu King’s Queer pour une performance musicale live, duo incontournable de la scène Queer engagée en France, ainsi que Dj Hella et #27 en Dj set, pour mettre en avant la scène électro locale et féminine de la grande région. Vanessa Steiner ( Metz ) a produit une installation in situ à cette occasion, Aude Schmittheisler ( Metz ) a présenté un travail de dessin et de typographie autour de l’idée de sapphisme et nous avons eu la chance de pouvoir montrer une réalisation vidéo du duo d’artistes Gilivanka Kedzior&Barbara Freidman (Toulouse) qui travaille beaucoup autour des carcans sociaux et l’idée de code et de norme. Tout ça se faisant échos et participant à des regards multiples sur cette idée de “transgression” du genre (“genderfuck”).

Nous avons été agréablement surprises par l’éclectisme et le grand nombre des personnes présentes. Et c’est bien là notre but, créer un dialogue entre les gens de différents horizons. Le Queer n’est pas exclusivement homosexuel, il est plus large que cela et se veut avant tout une relecture de la norme.

Les prochaines actions incluent notamment une nouvelle soirée  »Let’s Dyke! » pour souffler notre première bougie, mais aussi une collaboration avec le FRAC Lorraine et Metz en scène dans le cadre d’un cycle de plusieurs jours consacré aux réflexions sur le genre, DRESS CODE ; ce sera la soirée (UN)DRESS CODE, le 1 février 2014 aux Trinitaires, avec la présence de Rikslyd, artiste électro norvégienne et les jumelles My Bad Sister de Londres ainsi que Dj Hella du Luxembourg.

Une soirée qui s’annonce comme mythique !!! Nous sommes très fières de pouvoir accueillir ces artistes à Metz.

Quelques mots pour annoncer la couleur :

Extravagance, grotesque, moche, trash, fluo, résille, poil, bling bling, mystique, recyclé, en toc, contrefaçon, hot, chic, cuir ou queer, bric-à-brac, low, animal, pop, extra-ordinaire, cyber, glam, rien, too-much… voilà la liste non-exhaustive des (anti-) règles d’un Dress Code anarchique proposé par Let’s Dyke!

Dis-moi si je raconte des bêtises, mais à l’occasion des « Manifs pour tous », on a beaucoup abordé l’homosexualité et le droit de choisir sa sexualité, mais assez peu (voire pas du tout) la culture queer de façon globale. Penses-tu qu’il soit constructif de séparer la revendication des droits et la culture?

Cela ne me semble pas constructif de les séparer, mais lors des débats pour le mariage, il s’agissait d’un débat de loi. Donc les cultures LGBT et Queer n’avait pas à entrer dans les dialogues de l’Hémicycle.

Cependant, il est vrai qu’en ayant écouté les insanités de certaines personnes qui étaient contre, je me dis qu’il aurait peut être fallu leur montrer un peu plus des cultures LGBTQ pour qu’ils/elles comprennent mieux ….. mais cela aurait-il changé leurs avis sur la question? J’en doute.

Les mouvements réacs sont-ils aussi plus visibles dans votre pratique associative? On vous a déjà empêché de vous exprimer ou de monter un évènement?

Nous n’avons jamais (directement) été empêché de nous exprimer. On va croiser les doigts que cela n’arrive pas.

De même, j’ai l’impression que l’homosexualité masculine est plus exposée médiatiquement et politiquement que l’homosexualité féminine ou les autres mouvements LGBT. C’est une fausse impression?

C‘est vrai. Depuis les premiers mouvements, les hommes ont été plus exposés que les femmes. Il y a eu plusieurs étapes. Dans les siècles précédents, je dirai que les femmes étaient plus discrètes. Au 20e siècle, cela date notamment de la période où le sida a été découvert. Les lesbiennes à l’époque n’ont pas pu, pas su prendre leur place face à cette situation qui ne les concernaient alors que partiellement. Depuis beaucoup de chemin a été fait, et les lesbiennes ont su montrer leur appui, leur soutien, et leur implication dans cette bataille.

Du coup, puisque les hommes ont été outé dans la génération précédente, c’est aujourd’hui l’heure des lesbiennes d’avoir une visibilité. A Metz, on peut voir de nombreuses filles ensembles. C’est chouette que les jeunes puissent être si libres.

Cela nous prouve bien que les générations évoluent dans le bon sens (même si il y a encore du chemin à faire pour être vraiment tous égaux).

Enfin, j’ai lu votre flyer sur le safe sex (qui est à la fois drôle et pédagogique). Je savais que « dyke » signifiait « gouine », mais j’ai aussi appris qu’on pouvait le traduire par « digue », comme le préservatif. C’est fait exprès ou c’est un hasard?

En anglais, Dyke est un des mots les plus vulgaires et péjoratifs pour parler d’une personne homosexuelle. C’est un hasard pour le synonyme de  » digue  ».

Pour en revenir au flyer, nous avons voulu montrer aux filles qu’il faut qu’elles se protègent. Que le fait d’être lesbienne ne les épargne pas forcément des IST…. il a encore beaucoup à faire de ce côté là ! Le mythe de la lesbienne immunisée est dangereux ! Beaucoup de lesbiennes n’ont pas le réflexe d’aller chez la gynécologue… pourtant on a un vagin et il faut en prendre soin!

La prévention est aussi un des aspects qui nous semblent importants d’aborder. On espère que cette plaquette pourra aider, tout en adoptant un ton léger pour montrer que le safe sex doit être quelque chose de simple et d’évident !

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