Galerie de portraits (23) : Manuel Valls

Pas très grand, le front bas, légèrement prognathe, le poil très noir : il n’aurait pas fait tâche dans un petit village écrasé de soleil dans sa Catalogne natale.

12-27-Mikaël-Manuel Valls

De toute évidence, notre ministre de l’intérieur ne paie pas de mine, de prime abord. Pour se faire connaître au-delà des limites de la commune d’Évry dont il fut maire pendant onze ans, il fallait donc bien qu’il marque un grand coup, ce qu’il fit sans trop de difficultés en reprenant à son compte la vulgate anti-immigrés dont le sarkozisme alors triomphant avait fait son ordinaire ; il allait même si loin dans ce domaine, allant même jusqu’à appeler les militants socialistes à ne pas sombrer dans l’anti-sarkozisme primaire, qu’on peut s’étonner que Sarkozy ne l’ait pas recruté pour son « gouvernement d’ouverture » dont on nous rabattait les oreilles en ce temps-là. En fait, Sarkozy ne voyait sûrement pas d’intérêt politique particulier à débaucher ce jeune loup insignifiant et peu charismatique, que les électeurs connaissaient mal et qui était trop caricaturalement sarko-compatible, au point de pousser Martine Aubry à essayer de le faire taire ; de plus, Valls lui-même était probablement assez malin pour savoir que l’ère Sarkozy ne durerait pas indéfiniment, que Nicoléon sciait la branche sur laquelle il était assis et que l’heure de gloire viendrait, tôt ou tard, pour ceux qui étaient restés fidèles au PS.

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Bien lui en a pris : une fois élu, Hollande, probablement désireux de contenter tous les courants du parti socialiste et surtout dans l’incapacité d’ignorer cet allié remuant qui avait eu largement le temps de faire parler de lui, le nomme ministre de l’intérieur. Depuis, il marche sur une corde raide idéologique que les électeurs, qui ont avalé des couleuvres bien plus grosses, semblent ne pas avoir de mal à digérer : il persiste à se présenter comme un homme de gauche alors même que sa politique n’a rien à envier à celle de ses prédécesseurs sarkoziens… Du moins, en apparence. En effet, s’il est connu pour ses charges anti-Roms n’ayant rien à envier aux attaques de campements indiens par les tuniques bleues, il est aussi l’homme de la hausse du nombre de régularisations de sans-papiers. Sans aller jusqu’à affirmer qu’il serait de gauche au travail et de droite à l’antenne, il n’empêche que Valls n’est pas tout à fait le chien de berger que son plan com’ essaie d’offrir aux Français : son obstination à chasser les Roms ne s’explique pas par un choix idéologique et encore moins par un réel danger que les Tziganes représenteraient pour la sécurité de la population mais simplement par la volonté de satisfaire cette large frange de l’électorat qui ne supporte pas la différence. L’apparente incohérence de la politique migratoire de Valls, souple par-derrière et rigide par-devant, devient logique quand on la rapporte à son ambition politique. Valls est un concentré vivant d’ambition, qui use de tous les moyens à sa disposition pour compenser le peu de magnétisme qui se dégage de sa personne.

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Cela explique aussi son obstination démesurée à faire taire Dieudonné : après ses propos sur les Roms qui n’auraient pas vocation à s’intégrer, il n’était pas très crédible dans ce rôle de défenseur de la dignité humaine et des valeurs républicaines… Là encore, c’était purement politique : sa fonction seule ne lui donnait aucune raison précise pour se surajouter aux décisions de justice qui avaient déjà condamné le prédicateur, mais après ses propos sur les Tziganes, il avait besoin de redorer son blason auprès de la frange radicalement antiraciste de la gauche, c’est pourquoi il voulait lui offrir la « tête » de Dieudonné. Bien entendu, ça n’a pas marché, sa démarche n’a abouti qu’à offrir une promotion inespérée à un spectacle qui ne le méritait pas et à donner à l’ennemi l’argument dont il rêvait, c’est-à-dire de pouvoir se présenter comme une victime d’un État censeur qui harcèle les artistes qui le gênent. Si Dieudonné était Fantômas, Valls serait le commissaire Juve, c’est-à-dire le flic qui fait une fixation sur la traque du méchant au point de devenir sa tête de turc. À l’instar de Sarkozy, Valls essaie de ratisser large, de plaire à tout le monde ou presque, d’être omniprésent dans les médias et d’occuper le devant de la scène au quotidien mais, de toute évidence, il est moins habile à ce jeu-là que l’a été le mari de Carla Bruni… Enfin, les anti-Valls primaires, ne criez pas victoire trop tôt : rien ne dit que malgré des débuts peu prometteurs, sa stratégie ne peut pas finir par être payante ! Après tout, je vous aurais dit en 2009 que Hollande battrait Sarkozy, vous m’auriez cru ?

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