Commençons par une belle lapalissade: le pouvoir nous prend pour des cons. Et il faut bien avouer qu’il aurait tort de se priver puisque les même sempiternelles faces de pet sont réélues avec une régularité qui force le respect. C’est d’ailleurs la seule fois où il sera question de respect dans cette chronique.
La preuve: François Hollande envoie son caniche des Affaires Étrangères exiger un cessez-le-feu à Gaza avec la même conviction (et sans doute les mêmes effets) que quand il affirme que la finance est son ennemie. Un autre canidé gouvernemental a même cru remarquer qu’il y aurait une bonne et une mauvaise finance, un peu comme le cholestérol dont le taux présidentiel progresse légèrement plus vite que la croissance et sensiblement moins vite que le chômage.
Parallèlement, Hollande prend la décision d’interdire la manifestation pro-palestinienne prévue aujourd’hui à Paris, au motif qu’elle risquerait d’occasionner des troubles à l’ordre public, et qu’il ne faut pas importer le conflit israélo-palestinien en France. Bon, on est peut-être assez bêtes pour continuer à voter pour ces pignoufs, mais on a quand même vu la grosse ficelle. Le président normal, la personne la moins engagée politiquement dans ce pays, envoie Fabius en représentation pour compenser le fait qu’il interdit à ses propres citoyens d’aller exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien.
Le droit français associe l’ordre public à la sûreté, la sécurité, la salubrité et la tranquillité, sans en donner une définition précise. Il relève du ministère de l’Intérieur et des pouvoirs de police des maires. La notion reste toutefois relativement subjective, et si tu consultes le Code Pénal, tu verras qu’elle concerne aussi bien le terrorisme que les cloches d’église, les horaires réglementaires pour tondre son gazon, le volume sonore de la musique ou des ébats avec son/sa conjoint(e) (ou avec qui vous voulez) et quantités d’autres domaines tout aussi passionnants. Finalement, c’est l’ordre public qui est trouble.
C’est aussi au nom de l’ordre public que l’on place sous étroite surveillance les sectes et les divers groupuscules d’extrême-droite qui pullulent dans le pays. Or parmi ces associations de petits fachos, certains sont mandatés par Israël et ont quasiment pignon sur rue. Si Hollande voulait être cohérent, il aurait donc mis ces baltringues hors d’état de nuire et aurait laissé les gens manifester.
Mais à cause d’imbéciles notoires comme Dieudonné, il devient de plus en plus difficile de critiquer la politique de l’Etat d’Israel sans encourir l’accusation d’antisémitisme, et Hollande flippe sa race de prendre une décision même pas très courageuse mais juste conforme à sa vision de l’ordre public. Comme un vulgaire Sarkozy, il se fait l’apôtre de l’adage qui voudrait que la sécurité soit la première des libertés et que le flic est l’avenir du genre humain.
Or si dans notre belle république où depuis une quinzaine d’années le président officiel crèche place Beauvau, on se donne tant de mal pour que l’ordre public ne soit pas troublé, c’est en théorie pour permettre à chacun d’exercer sa liberté individuelle (pléonasme). Tu y a cru? Tu es bien naïf. Manifester est aussi un droit garanti par la Constitution, mais ça c’était avant, comme disent les bovins apprivoisés par la pub. Désormais, tu ne seras libre que quand ton ADN et toutes tes données personnelles seront dans le fichier idoine, quand chaque rue aura sa batterie de dispositifs de vidéosurveillance, et tu iras manifester quand le président te donnera son aval. Par exemple, tu pourras envahir les Champs Elysées pour protester contre le mariage pour tous, tu pourras défiler comme un con si l’équipe de France de foot gagne un jour un trophée, tu pourras grossir les rangs des intermittents du spectacle qui se contentent de perturber des festivals au lieu de foutre le feu au ministère de la Culture, au Medef et à l’Unedic, mais la Palestine, tu laisses ça aux grandes personnes.
Mine de rien, Hollande vient de fournir une arme à l’extrême-droite. Il suffira désormais que les nazillons annoncent qu’ils prévoient de casser du gauchiste à la prochaine manif’ pour que le président décide d’interdire icelle.
En Palestine, l’ordre public, la sûreté, la sécurité, la salubrité et la tranquillité sont hélas de douces utopies. L’Etat d’Israel se targue d’avoir des services secrets parmi les plus compétents au monde, et des soldats armés jusqu’aux dents. Il lui serait donc facile de choper tous les membres du Hamas et de les faire disparaître tranquillement pour pacifier la Palestine. De même, il a les moyens de raser les Palestiniens de la carte en une semaine. Si ce conflit dure depuis tant d’années, c’est donc sans doute que quelqu’un y est intéressé. Les fanatiques religieux des deux côtés de la frontière, le pouvoir israélien qui s’en sert de subterfuge pour masquer une politique sociale qui ferait passer Hollande pour un avatar du Che Guevara, les promoteurs immobiliers qui se sont fait une petite fortune à Jérusalem-Est, si tu cherches tu trouves. L’erreur serait de placer le débat uniquement sur le terrain religieux, et de croire qu’il s’agit d’une guerre entre Juifs et Musulmans (ce que la LDJ et d’autres s’empressent de faire en France pour te taxer d’antisémitisme à la première occasion). Il s’agit bien un conflit géopolitique: reconnaissons à Israel le droit de se défendre des agressions comme n’importe quel Etat, mais la colonisation et le bombardement ne sont pas exactement des moyens de défense.
Et si l’Etat d’Israel se torche allègrement avec les traités internationaux, c’est aussi parce qu’il bénéficie de la bienveillante complicité de la communauté internationale qui se contentera de monter un tribunal international à La Haye, à Kigali ou à Montcuq quand le dernier Palestinien sera passé par les armes.
On en viendra peut-être un jour à regretter la politique pro-arabe de Chirac qui garantissait un relatif équilibre diplomatique, à l’inverse du virage pro-atlantiste de Sarko. On partagera peut-être les tourments d’Obama qui s’est souvent opposé à l’attitude bornée et stupide des chefs d’état d’Israel à Camp David.
Mais il serait de bon ton de mettre une sévère torgnole à l’ordre public pour montrer à François Hollande que ce n’est pas lui qui commande.
Courriel
Tout est dit, ou presque… Un très bon article donc.