Canal+ et moi (3)

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Il y a donc 30 ans, Canal+ apparaissait sur nos petits écrans (je sais pertinemment que je suis ridicule quand j’emploie des clichés comme ça, pas la peine de me le dire) : c’est le moment ou jamais d’en finir avec cet abécédaire à rebours. On avait commencé la deuxième partie avec le « N » comme les Nuls, on commence la troisième et dernière partie par le « G » comme… Mais non, pas comme le point G ! Je sais que Canal la chaîne du porno, mais tout de même ! Non, G comme les…

GUIGNOLS DE L’INFO (Les) : Ils battent tous les recors de longévité à la télévision, il faut donc croire que le public leur reste fidèle malgré ceux qui disent que « c’était mieux avant » ; il faudrait d’ailleurs savoir de quel « avant » il s’agit car les Guignols ne se sont pas fait en un jour : avant de faire leur célèbre show quotidien en direct, les marionnettes ont été les vedettes d’une séquence pré-enregistrée intitulée Les Arènes de l’info dont les auteurs de l’époque eux-mêmes ne sont pas très fiers, leur principale erreur ayant été de réutiliser les recettes qui avaient fait leurs preuves avec les Nuls, ce qui ne pouvait pas marcher pour la bonne raison qu’une blague un peu lourde peut faire rire ou à la rigueur sourire pour peu qu’un(e) comédien(ne) prenne l’expression adéquate, ce qui est évidemment impossible avec une marionnette… Bref, ce furent deux années de tâtonnements avant que Benoît Delépine et Jean-François Halin (Bruno Gaccio est arrivé plus tard) imposent la formule qui a fait et fait encore le succès des Guignols, pour le meilleur et pour le pire : il est vrai que les auteurs actuels ont un peu trop tendance à exploiter les filons qu’ils trouvent jusqu’à épuisement total (comme les parodies de clips qu’on ne peut pas comprendre si on n’a pas la référence), mais qu’on ne s’y trompe pas : les Guignols dérangent encore, non seulement les hommes politiques comme Sarkozy qui ne supportent pas la critique, mais aussi les divas du sport comme Nadal ; pensez-en ce que vous voulez, il reste que les Guignols sont bel et bien aujourd’hui une institution de la satire au même tire que Le Canard enchaîné et restent un exemple pour les jeunes satiristes comme moi.

Guignols de l'info (Les)

GROLAND : D’aucuns jugent que les Grolandais ont tendance eux aussi à s’essouffler : ce n’est peut-être pas complètement faux, mais à leur décharge, il faut reconnaître que la réalité les a rattrapés et qu’il devient de plus en plus difficile de caricaturer une société qui ressemble de plus en plus à la caricature qu’on peut en faire ; aurait-on imaginé il y a 22 ans, à l’époque des débuts de l’émission de Moustic et sa bande, que la télé-réalité serait banalisée et que même les élus y participeraient, que le président de la République se ferait prendre par des paparazzi tandis qu’il roule en scooter pour rejoindre sa maîtresse, que les livres les plus vendus serait une basse vengeance de l’ex dudit président d’une part et un essai d’histoire révisionniste d’autre part, et que des petites vieilles grabataires se feraient expulser ? Le président Salengro passe pour un génie politique en comparaison des dirigeants européens, Francis Kuntz passe pour un grand humaniste par rapport aux chroniqueurs fachos qui s’expriment à l’antenne, Gustave De Kervern passe pour un grand poète si on le compare à Depardieu, Michael Kael et Moustic passent pour de grands professionnels si on les met à côté de Pujadas et Delahousse… Non, en fait, ce ne sont pas les Grolandais qui s’essoufflent : ce sont les vrais gens qui sont en pleine forme niveau connerie et ça, c’est pas rigolo du tout : le Groland passe pour une oasis de paix et de justice, comparé à la vraie France ! Groland, je mourirai pour toi !

Groland

GACCIO (Bruno) : Nous sommes le 21 avril 2002, il est presque vingt heures… Bon, je ne vous fais pas un dessin. Bruno Gaccio, fils d’immigré, est évidemment horrifié par la nouvelle et décide en commun avec Yves Lecoq, l’imitateur vedette des Guignols, de tenter un coup de poker : ils annonceront la mauvaise surprise avant l’heure légale, espérant ainsi faire annuler l’élection. Ils l’ont fait, PPD a dit à 19h45 que Le Pen était au second tour, mais comme l’émission était classée « émission de divertissement » et non « émission d’information », ça n’a pas pris. Aujourd’hui, à la télé, la porosité entre les genres est telle qu’une telle initiative aurait peut-être davantage de chances de réussir ; en attendant, espérons qu’on n’aura pas besoin de retenter le coup… Et surtout, merci de l’avoir tenté, Bruno ! Vous n’êtes pas qu’un grand humoriste, vous êtes aussi un grand humaniste.

Gaccio (Bruno)

FOOTBALL : Vous me connaissez, je ne porte pas le football spécialement dans mon cœur ; vous pensez peut-être que Canal, qui a réinventé la manière de le filmer et de le commenter, aurait éventuellement pu me réconcilier avec ce sport ? Ben vous en êtes pour vos frais : quand j’étais petit, le football était un ennemi personnel qui me privait régulièrement des Guignols ou de Ça Cartoon ! J’avais déjà des raisons de ne pas aimer le foot, ça me donnait des raisons de le détester carrément.

Football

EMPLOI (LE JOURNAL DE L’) : Il fallait que la situation de l’emploi fût déjà bien critique en France dans les années 1990 pour que Canal éprouvât le besoin d’y consacrer carrément une émission quotidienne : il serait tentant de dire qu’on aurait plus que jamais besoin de programmes de ce type aujourd’hui, mais la situation est telle qu’elle aurait probablement découragé son animatrice, Martine Mauléon. On ne le saura malheureusement jamais puis que cette jolie brune a été emportée par le cancer avant que l’épuisement ne s’en charge.

Emploi (Le journal de l')

ELLIPSE : Ah, la mythique ellipse de Canal+, qui reste encore aujourd’hui le symbole de la chaîne ! Au-delà du fait qu’elle symbolisait à merveille la spécificité de cette nouvelle télé (le mouvement circulaire suggérait que la chaîne tournait 24h/24 et proposait des multidiffusions tandis que le fond noir signalait qu’elle était réservé à des privilégiés), cet habillage qui reste encore aujourd’hui moderne, original et efficace avait su rendre les programme de Canal homogènes et immédiatement reconnaissables : cette conception de l’habillage, développée par le génial Étienne Robial, a fait école et a servi d’exemple à toutes les autres chaînes. Cette mythique ellipse a été mise au rencart en 1995 après onze ans de présence à l’antenne, un record inégalé à la télévision : étant donnée les réactions, plutôt négatives, suscitées alors par le nouvel habillage d’inspiration mondrianesque (même Les Guignols avaient écrit à l’antenne « Robial démission » et, encore aujourd’hui, beaucoup de gens ont la nostalgie de l’ellipse), il est permis de penser qu’il était encore trop tôt pour changer…ou, plutôt, déjà trop tard : onze ans, c’était plus qu’il n’en fallait pour que le public adopte un habillage et noue une vraie relation de connivence avec lui, tant et si bien que toute tentative de remplacer cette identité graphique historique dans le cœur des téléspectateurs ne pouvait être que vouée à l’échec ; maintenant, de là à prétendre que l’abandon de l’ellipse soit une cause du déclin de la chaîne dans la seconde moitié des années 1990, il y a quand même une marge : disons que c’était peut-être un facteur parmi d’autres et, de toute façon, Robial, « l’emmerdeur de génie » comme on l’appelait, n’était en rien responsable de la baisse de forme des individus qui apparaissaient à l’antenne…

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DRUCKER (MICHEL) : Drucker un animateur à bonnes surprises : un soir il a invité les Nuls sur le plateau de Champs-Élysées pour venir y présenter une édition spéciale du JTN : il y eut de la part du public habituel de Drucker des réactions du tonnerre, surtout quand Alain Chabat a montré ses jambes vêtues de bas féminins… Tout cela importait manifestement peu à Drucker qui ne voulait que mettre en avant le talent des amuseurs de Canal+, leur prédisant un grand avenir – il a dû se dire, en voyant le succès de Mission Cléopâtre, qu’il ne s’était pas trompé. Les Nuls, reconnaissants, ont fait de Drucker l’invité-surprise d’un numéro de Les Nuls l’émission, le conviant à revenir dans « son » pavillon Gabriel rendu méconnaissable par le trio infernal pour y jouer son propre rôle en remettant un prix d’interprétation ficitf à Zabou Breitman : ce fut la seule fois, à ma connaissance, où Drucker fit l’animateur sur Canal+.

Drucker (Michel)

DIMANCHE EN BANDE DESSINEE : Je ne suis pas près d’oublier cette émission très spéciale que Canal+ nous avait proposée en 1996 à l’occasion du centenaire de la bande dessinée : une pure tranche de bonheur pour le passionné que je suis !

Dimanche en bande dessinée

DEPARDIEU (GÉRARD) : « Il est partout, c’est un peu le PPDA du cinéma », disaient ironiquement les Guignols en 1990. De fait, Depardieu a vraiment été partout, y compris sur le canapé bleu, à côté de Denisot et des fondateurs de Canal+, le jour de l’ouverture de l’antenne de la chaîne ; curieusement, depuis quelques temps, Canal préfère ne pas trop insister sur le fait que l’acteur a été son parrain…

Depardieu (Gérard)

DENISOT (MICHEL) : Je n’ai jamais eu de sympathie particulière pour ce personnage mollasson, à la tête triste et au regard de chien battu, sans charisme ni talent particulier si ce n’est celui de manger à tous les râteliers pour se remplir toujours un peu plus les fouilles… Quand on sait qu’il a été le biographe de Sarkozy, on a tout compris ! Le fait qu’il ait ressuscité une tranche horaire qui était laissée pour morte sur Canal ne m’impressionne pas plus que ça : si encore il avait pu le faire sans un certain Jean-Michel Apathie..

Denisot (Michel).

DELARUE (JEAN-LUC) : Qui aurait cru que ce jeune homme propre sur lui, très BCGB, allait devenir le magnat n°1 de la télé-poubelle, juste derrière Arthur ? Et pourtant, on aurait pu se douter de quelque chose, tant certains sujets développés avec des témoins dans La Grande Famille étaient parfois borderline : de là à dire que Delarue avait commencé à prendre de mauvaises habitudes avec la bénédiction des dirigeants historiques de Canal, il n’y a qu’un pas ; il n’empêche que mourir si jeune comme il l’a fait, ça reste assez moche.

Delarue (Jean-Luc)

DÉCODE PAS BUNNY : Un pur moment de bonheur, cette émission où les cartoons de la Warner étaient passés à la moulinette par les amuseurs de Canal+ ; ce n’était jamais débilitant, c’était une émission faite pour se fendre la gueule, on ne prenait pas les gosses pour des crétins et on ne leur donnait pas non plus de leçons de morale à la mors-moi-le-nœud : encore aujourd’hui, je ris de bon cœur les rares fois où j’ai le bonheur de tomber sur un épisode qu’une bonne âme avait enregistré ; des programmes destinés à faire rire les enfants sans gnangnatiser, ça manque aujourd’hui : sans doute parce que ce sont les parents, ces imbéciles qui choisissent les programmes !

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DE CAUNES (ANTOINE) : Le retour du fils prodigue de Canal après des années d’errance n’aura finalement pas changé grand’ chose à la ligne générale du Grand journal (il aurait pu en profiter pour tuer le veau gras de l’émission et en faire de la chair Apathie – humour !) ; mais il n’empêche que De Caunes est globalement meilleur animateur que Denisot et possède le surcroît de pep’s qui faisait cruellement défaut à son prédécesseur… De manière générale, ne comptez pas sur moi pour descendre en flammes, même pour rigoler, celui dont les sketches de Nulle Part Ailleurs ont bercé mon enfance : encore aujourd’hui, je le reconnais comme mon modèle pour les sketches que je joue L’inventaire du mois ; pour tout vous dire, dans l’édition de cette émission de radio que vous pourrez écouter à partir de jeudi prochain sur Graou’live, je joue…Kévin Lembrouille ! Le fils de Didier !

De Caunes (Antoine)

D8 : La petite sœur gratuite de Canal+ : je ne croyais pas en son avenir, les audiences calamiteuses de ce qui était censé être son émission phare (avec Laurence Ferrarri et, parmi les chroniqueuses, Roselyne Bachelot !) me donnaient la conviction qu’elle aurait l’avenir de la Cinq de Berlusconi. Finalement, il est arrivé bien pire : elle a été sauvée par les pitreries de Cyril Hanouna… De quoi faire passer Bachelot pour un génie incompris !

D8

CRYPTÉ : Vous vous souvenez du crypté d’autrefois, avec l’image et le son brouillés ? Je ne voudrais pas paraître nostalgique, mais ça avait quand même plus de gueule que l’écran noir froid et impersonnel qu’on se tape aujourd’hui : une image qui était illisible mais tout de même visible, c’était une invitation à chercher à lever le voile, donc à s’abonner, tandis que maintenant, on se heurte à un mur qui semble nous dire d’aller nous faire cuire un œuf ; je m’étonne que l’équipe marketing de Canal n’ait pas pensé à ça !

Crypté

CORRIDA : Même pendant « l’âge d’or » de Canal+, il n’y avait pas que des bons trucs sur cette chaîne qui, par exemple, a diffusé cette abominable boucherie d’un autre temps, non sans provoquer quelques remous y compris au sein de l’équipe de Canal ! Les Nuls avaient dû compter parmi les plus remontés comme peuvent le laisser penser certains sketches s’employant à ridiculiser les débiles sanguinaires couverts de paillettes, par exemple dans ce numéro de Les Nuls, l’émission où il font jouer à François Cluzet un torero appelé El Perdido (ouah, le nom !) qui ne torée que des grenouilles ou des poulets morts et finit tué d’une balle dans le buffet tirée par une défenseuse des animaux ! Depuis, Canal semble avoir perdu l’habitude discutable de diffuser les corridas : comme quoi, non, tout n’était pas mieux avant.

Corrida

COLUCHE 1 FAUX : Le premier faux journal de Canal, longtemps avant ceux des Nuls, des Guignols, de Karl Zéro, de Moustic et de tous les autres ; ce fut aussi la première émission comique marquante de la chaîne : Coluche fut ainsi un pionnier de ce qu’on a appelé « l’humour Canal », comme il fut auparavant un précurseur sur les radios libres, c’est donc vous dire si la chaîne cryptée lui doit beaucoup. Je revois encore Denisot et les époux Gildas essayer de retenir leurs larmes sur le plateau de Zénith peu après sa mort : ils avaient de quoi être malheureux, ils n’avaient pas perdu seulement un ami ni même un compagnon de route mais bien un vrai père fondateur, dont l’influence, qui n’a jamais été niée, à été autrement plus déterminante que celle de Choron, n’en déplaise à un certain Pierre Carles.

Coluche 1 Faux

COFFE (JEAN-PIERRE) : Je l’aimais bien, moi, ce gros pépère un peu bourru qui défendait la bonne chère, la bouffe de qualité et pestait contre les empoisonneurs de l’agroalimentaire ; inutile de vous dire que j’ai été déçu de le voir vendre son image à Leader Price… Mais nom de Dieu, Jean-Pierre, où est-ce que tu vas, là alors, on te croyait sympa, honnête et désintéressé, qu’est-ce que tu es en train de devenir ? Mais cette pub, mais c’est d’la merde !

Coffe (Jean-Pierre)

CINÉMA : Je vais vous surprendre, mais je n’ai pas grand’ chose à dire à ce sujet : je n’ai jamais été cinéphile pour un sou, l’école m’a très tôt dégoûté du cinéma et Canal ne m’a pas réconcilié avec le 7ème art. Rester deux heures planté devant un écran pour suivre une histoire, c’est pas mon truc, et ce ne sont pas les films pour enfants quelque peu niais qui passaient parfois le dimanche à 18h00 et que mes parents me mettaient en espérant me faire plaisir (papa, maman, je ne vous en veux pas) qui allaient me faire changer de ce point de vue… Pour l’anecdote, mes parents s’étaient abonnés pour les films et ont rendu leur décodeur quand une avalanche de foot s’est abattue sur l’antenne : avec une ascendance pareille et l’éducation qui va avec, vous comprenez aisément pourquoi, sans être cinéphile, je ne détesterai cependant jamais le cinoche autant que je déteste le foot.

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CHIRAC (JACQUES) : C’était pendant la campagne des présidentielles de 2007 : Chirac était encore à l’Élysée mais battait tous les records d’impopularité (largement pulvérisés depuis par ses successeurs) pour un président de la Ve République ; c’est dans ce contexte qu’un soir, sur le plateau du Grand journal, Denisot a remis à Yves Lecoq le prix du personnage le plus populaire de Canal, les téléspectateurs ayant voté pour accorder ce titre… au guignol de Jacques Chirac. Une situation paradoxale qui illustre bien l’écart qui existe entre le vrai Chirac et la marionnette : un peu comme le Bébête Show avait contribué à bâtir le « mythe Mitterrand » en accordant le titre de « Dieu » au vieux queutard de Latché, les Guignols ont contribué à bâtir le « mythe Chirac » en présentant celui qui fut la pire crapule politique du XXe siècle comme une sorte de Bidochon, un personnage plutôt lourdaud mais sympathique car gaffeur et sans façons, très éloigné du vrai Chirac. J’écris tout ça mais je n’en crois pas un mot : quand j’étais petit, j’avais très peur de la grosse voix, des oreilles pointues et des réactions imprévisibles (j’étais même terrorisé quand il faisait des super-grimaces parodiant celles du loup de Tex Avery) de ce personnage, et quand j’ai lu que certains pensaient que les Guignols avaient rendu service au candidat Chirac en le rendant sympathique, j’étais un peu tombé des nues ! C’est vous dire si je ne crois absolument pas à cette théorie qui, à mon avis, doit surtout arranger certaines personnes qui ne veulent pas assumer la connerie d’avoir élu Chirac et préfèrent faire porter le chapeau à des chansonniers : le courage à la française dans toute sa splendeur… Il n’empêche que les Guignols ont caricaturé Chirac de façon tellement marquante qu’il est devenu difficile aujourd’hui de ne pas refaire à peu près la même chose : à part Maëster qui l’a représenté en vieux gaga, je ne vois pas qui a vraiment réussi à se détacher de cette influence dévorante.

Chirac (Jacques)

CANTONA (ÉRIC) : Je m’étais longtemps demandé pourquoi les Guignols étaient si fiers de cette marionnette qui ne m’a jamais vraiment fait rire : je trouvais plus désagréable qu’autre chose cette brute épaisse lunatique et dépourvue de regard qui se prenait pour un intellectuel mais qui prenait toujours la mouche pour un oui ou pour un non, n’était jamais satisfaite de rien, traitait tout le monde « d’enculé » et ne répondait que par l’agressivité quand on critiquait ses discours creux. D’accord, la marionnette ressemble beaucoup au vrai, mais ça ne suffit pas à faire rire, et autant son duo avec le guignol de JPP était plaisant, autant elle était soit barbante soit agaçante en solo ; alors pourquoi la mettre en avant ? J’ai su bien après que « Canto » était la centième marionnette des Guignols (qui sont plus de 300 aujourd’hui) et était donc un symbole fort pour l’émission : ça explique bien des choses, mais ça ne la rend pas plus drôle pour autant.

Cantona (Eric)

CANNES (FESTIVAL DE) : Le festival de Cannes, en soit, je m’en suis toujours foutu, mais ça me plaisait de voir le plateau de Nulle Part Ailleurs délocalisé sur la plage du Martinez : voir l’émission tournée en plein air, au bord de la mer, sous le soleil du Midi lui donnait un petit air de vacances, une notre de légèreté supplémentaire qui me rappelait que le printemps était bien arrivé ; ce côté festif, cette ambiance « barnum » me rappelait les week-ends et les vacances à la campagne avec mes parents et leurs amis… C’est vous dire si j’étais en phase avec la chaîne ! Quand Canal a perdu l’habitude de délocaliser des émissions sur la Croisette, j’ai éprouvé comme un déchirement, et quand ils ont renoué avec cette tradition, ça m’a réchauffé le cœur…

Cannes (Festival de)

CANAL GAINSBARRE : Sur Canal comme presque partout ailleurs, il y a eu Gainsbourg et Gainsbarre : Gainsbourg déconne avec son propre Guignol, allant jusqu’à jouer avec lui une séquence des Arènes de l’info à l’occasion du bicentenaire de la Révolution et Gainsbarre traite Catherine Ringer de pute sur le plateau de 4C+. Un génie ou un gros dégueulasse ? Les deux, mon général, et ça valait bien la nuit que Canal lui a consacré un an après sa mort, même s’il s’en foutait royalement – même s’il avait été encore vivant, il s’en serait foutu, de toute façon.

Canal Gainsbarre

ÇA CARTOON : Pendant des années, ce fut le rendez-vous dominical incontournable, l’une des rares émissions à avoir survécu à la crise qu’a subie Canal au début des années 2000, la séance qui me rendait plus supportable la nécessité de retourner à l’école le lendemain : après une semaine passée à patienter avec les petites doses servies par la plus-que-canon Valérie Payet, le dimanche soir venu, Philippe Dana nous offrait notre goulée de cartoons de la grande époque, ce grâce à quoi mon frère et moi-même, pourtant si différents l’un de l’autre, communiions autour d’une grosse pinte de rire, comptant ainsi parmi les rares enfants à échapper au rouleau compresseur de Disney et aux « anime » japonais débiles dont les autres chaînes abreuvaient les gosses. Éternel grand enfant et téléspectateur fidèle, je me souviens des numéros spéciaux co-présentés par Jamel Debbouze ou Cléo Cyber et j’avais toujours suivi d’un œil bienveillant toutes les évolutions de ce programme culte, depuis l’arrivée des cartoons de Tex Avery (période MGM) jusqu’au feu d’artifice des quinze ans de l’émission (un numéro exceptionnel avec notamment Pascal Légitimus et Omar et Fred) en passant par l’entrée en scène de la ravissante Ludivine. Et puis, un triste jour, Canal a perdu les droits sur les cartoons de la Warner : Philippe Dana n’eut plus pour interlocuteurs, en lieu et place de Bugs Bunny, Daffy Duck, Sylvestre et les autres, qu’un âne et un oiseau débiles et les dessins animés de chez Warner laissèrent la place à ceux, nettement moins savoureux, de chez Universal ; pendant les fêtes, il y eut même des émissions spéciales diffusant des cartoons… de chez Disney ! Trahison ! J’ai décroché et laissé l’émission mourir de sa belle mort, mais je reste accro aux cartoons de ces génies que furent Tex Avery, Chuck Jones, Friz Freleng et les autres.

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BURGER QUIZ : L’émission qui combla temporairement le vide laissé par l’arrêt définitif de Nulle Part Ailleurs, marqua le retour de Chabat (et même des Nuls en général puisque Lauby et Farrugia y firent des apparitions fréquentes) à la télé et celui des jeux sur Canal+ qui traversait alors une période troublée (De Greff avait déjà été viré, Lescure allait bientôt le suivre), ce qui permet d’envisager Burger Quiz comme une tentative de retour aux sources de ce qu’on a appelé « l’esprit Canal » ; que cette hypothèse soit vraie ou non, cela n’a pas empêché l’émission de constituer un divertissement vespéral tout à fait plaisant.

Burger Quiz

BABAR : Toujours dans la logique de s’adresser aux enfants sans être débilitants, Canal a diffusé l’adaptation animée des aventures de l’éléphant créé par Jean de Brunhoff, produite par Ellipse, une maison dirigée par…Philippe Gildas. Comme quoi, l’animateur historique de NPA n’a vraiment fait que du bien, à part produire Christine Bravo : ce dessin animé avait l’intérêt de rappeler combien le patrimoine culturel populaire est riche en France et mérite d’être mis en valeur par des gens de talents. On ferait bien de s’en souvenir…

Babar

B.-H.S. (BERNARD-HENRI SINÉ, dit) : Peu après la fameuse affaire Siné-Val et un peu avant la sortie de Siné hebdo dans les kiosques, le Groland avait ouvert son antenne au grand-père indigne du dessin d’humour en lui faisant jouer ce rôle de philosophe grolandais plus vrai que nature : à la pseudo-philosophie de salon incarnée par l’abominable Philippe Val, la bande à Moustic opposait la philosophie de comptoir assumée comme telle incarnée par cette grande gueule sympathique que le Groland ne peut pas ne pas reconnaître comme un père spirituel à part entière : Siné picole, il rit de tout, il pousse des coups de gueule salutaires, rien n’est sacré pour lui, il veut vivre peinard et ne supporte pas les emmerdeurs… L’esprit du Groland incarné, en somme !

B.-H.S. (Bernard-Henri Siné, dit)

ARDISSON (THIERRY) : Cet individu m’horripile. 50% bigot à foi de charbonnier, 50% provocateur d’opérette, 100% parigot fêtard et décadent qui se croit supérieur à tout le monde et se prend pour un inventeur de génie sous prétexte qu’il sait exploiter les filons qui rapportent du blé – il se lance dans la création de séries pile au moment où c’est très lucratif, comme par hasard ! Avec sa face de vieux macaque et ses grimaces qu’il essaie de faire passer pour des sourires, il est plus vulgaire en disant « bonsoir » que Moustic en disant « couille » : à ce propos, je crois me souvenir qu’à la fin de son émission, il a coutume de lancer « je vous laisse avec mes amis du Groland », et j’ai longtemps espéré, en vain, que les Grolandais lui répondent à l’antenne qu’il n’était pas leur ami. Mais peut-être a-t-il effectivement réussi à les conquérir en leur disant combien il les admirait ?

Ardisson (Thierry)

APATHIE (JEAN-MICHEL) : D’où est venue à ce personnage sa fausse et flatteuse réputation de journaliste impertinent ? Est-ce dû à son accent du sud-ouest ? À son physique assez ingrat, à mi-chemin entre Henri Krasucki et Jean-Claude Gaudin ? À sa jeunesse difficile ? Ou, plus simplement, sont-ce ces employeurs qui ont développé cette réputation à des fins promotionnelles ? Une chose est sûre : Jean-Michel Apathie est à des lieues de mériter d’être classé ailleurs que parmi tous les autres chiens de garde de l’establishment politico-médiatique : il a déjà été pris en flagrant délit de connivence en recevant un SMS de François Fillon, alors premier ministre, sur le plateau du Grand journal, et je me souviendrai longtemps de son « analyse » d’une interview de Valéry Giscard d’Estaing au cours de laquelle celui-ci a avoué qu’il n’aurait pas aboli la peine de mort s’il avait été réélu en 1981 ; malgré l’importance de cet aveu du point de vue de l’Histoire (que l’équipe du Zapping n’avait pas raté, elle !), Apathie n’avait retenu de cette interview de l’ancien président que l’évocation de ses aventures sexuelles clandestines, trahissant du même coup un état d’esprit qui s’intéresse davantage aux cancans de cour qu’aux vrais problèmes de société, soit par incompétence soit par souci de protéger les puissants. Inutile de vous dire qu’il figure en bonne place parmi mes têtes de turcs…

Apathie (Jean-Michel)

ANNIVERSAIRE : Nous voilà au terme de cet abécédaire, et vous comprenez mieux pourquoi j’ai pris la peine de commencer par la fin : ce n’était que pour mieux terminer sur l’essentiel, c’est-à-dire souhaiter un bon anniversaire à Canal+ au nom de tous les moments de bonheur qu’elle nous a apportés et en espérant qu’elle se saura faire face aux difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui, ce qui ne m’inquiète pas outre mesure étant donnée qu’elle a survécu à bien pire que ça. En trente années d’existence, la chaîne à péage nous a parfois agacés, parfois enthousiasmés, parfois désespérés, mais n’a jamais laissé personne indifférent ; elle a permis à des talents d’éclore et de devenir des vedettes et rien que pour ça, heureux anniversaire, la chaîne du foot et du porno !

Anniversaires

  • Heu, dis donc, Blequin…
  • Ouais ?
  • Tu as oublié une chose importante dans ton énumération…
  • Ah oui, et quoi ?
  • Ben les séries ! C’est quand même un aspect important de Canal, les séries avec des intrigues un peu sombres et des personnages tortueux, genre Dexter ou Borgia
  • Ben Blequin ? Qu’est-ce que t’as ? Pourquoi tu deviens tous rouge ?
  • RAAAAH ! MAIS VOUS M’EMMERDEZ AVEC VOS SÉRIES A LA FIN ! J’EN AI PLEIN LES BALOCHES D’ENTENDRE PARLER DE ÇA À LONGUEUR DE JOURNÉE ! CHANGEZ DE DISQUE, BORDEL DE MERDE ! EN QUELLE LANGUE IL FAUT VOUS LE DIRE, LES SÉRIES TÉLÉ, JE M’EN FOUS, JE M’EN CONTREFOUS, JE M’EN BROSSE LE NOMBRIL, JE M’EN BATS LES…

Voilà, maintenant, vous pouvez éteindre votre ordinateur et reprendre une activité normale !

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