C’est aux alentours de treize heures que j’ai rendez-vous avec le gros Lucien. Ce porc de la pire espèce est mon principal et meilleur indic en ville.
Je le retrouve donc, devant un rade cradingue du quartier gare, il s’apprête à attaquer un sandwich grand comme un bébé de cinq mois et dégoulinant de gras comme la friteuse d’un snack le samedi soir. Moi, je n’avais pas dormi de la nuit, cette affaire m’avait tenu en éveil et je ne parviendrai à dormir qu’une fois le mystère résolu.
La moustache jaunâtre et le bouc mal entretenu du gros Lulu étaient encore imbibés et poisseux. Nul doute qu’il y a moins d’une demi heure, ce tas de boue avait encore sa tête enfouit entre les cuisses charnues d’une fille légère.
Malgré son physique plus qu’ingrat, le gus n’avait aucun mal à culbuter bon nombre de souris. Faut dire que le gars se trimbale l’équivalent d’un filet mignon de 500gr entre les jambes. Tu cuisines ça avec des flageolets et tu fais manger une famille de huit personnes le dimanche midi. J’aime autant te dire que sa réputation attire les mangeuses de chibre. Toutes veulent voir le phénomène …
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Essuie toi la gueule avant de me parler, lui dis-je, en guise de bonjour.
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Mouais, toujours aussi aimable…
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Tu devrais faire attention avec tes aventures horizontales par ici … tu sais que dans ce quartier, les belles de nuit ont tendances à piquer un peu de la joue au petit matin.
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Celle là, c’était une vraie gonzesse, mon pôte, tu peux me faire confiance. Quatre vingt dix kilos de feu, avec les roberts qui tutoient les genoux et le valseur aussi large que la porte Serpenoise. Y a pas un travelo qui se trimbalerait comme ça.
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Faut au moins ça pour supporter ton appendice de mammouth !! Bon, j’suis pas venu jusqu’ici pour écouter tes prouesses de prince du radada. Tu sais pourquoi je suis là !? Alors accouche vite fait, j’ai pas que ça à faire.
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Ouais, on m’a dit ce que tu cherchais … tu permets que je mange mon casse croute ?
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Magne toi le train Lulu … j’ai pas dormi et quand j’ai pas dormi, tu sais que ma jauge de patience est basse … très basse.
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Oh, tu m’as l’air tout tendu, tu devrais te détendre mon pote. Tu veux que je t’appelle la belle Linda … je l’ai laissée en plan y a pas une heure … elle doit être encore toute chose à l’heure qu’il est.
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Ta gueule Lulu, balance moi ce que je veux savoir, qu’on en finisse
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Pfff, vous êtes tous pareils … aucune patience. Tu veux pas une bière avec moi ?
Cezigue ayant, à mes yeux, largement dépassé mon seuil de tolérance pour la journée, je sentis tu sais quoi ? … Ben oui, bien entendu que tu sais ! Je t’imagine bien plus intelligent que la moyenne, sinon tu ne serais pas là à lire ce petit texte minable … mais plutôt en train de mater je ne sais quelle émission minable sur ta télé de merde. Tu as donc compris que je sentais la moutarde me monter au pif.
Donc, ma seule réponse à la dernière question du gros Lulu fut de lui saisir le crâne dans ma main droite et d’aller lui mettre la tête contre le mur, que même le mur il a eu mal (Merci Renaud).
La fulgurance et la violence de ma réponse ont eu raison de, dans l’ordre : son sandwich qui tomba à terre. De trois dents, ce qui lui en laissa plus que six dans sa bouche et de son apparence bonne humeur qui légua sa place à une frayeur tout compréhensive.
– Gary Clark Jr, c’est Gary Clark Jr le nom que tu cherches …. putain mais c’était pas la peine de t’énerver comme ça …
J’avais enfin le nom que je voulais. Depuis que j’avais entendu ce type jouer dans un bar, j’étais comme obsédé. Je laissa le gros Lulu à ses ratiches perdues et m’envolai vers la Fnac afin de me procurer l’album de cet artiste magnifique.
Gary Clark Jr est ce qui est arrivé de mieux au blues depuis quelques années. Il apporte sa jeunesse, sa fraîcheur en même temps qu’une noirceur tout à fait bienvenue. Les guitares fuzzent comme aux plus grandes années d’Hendrix et sa voix chaude et bouleversante vous remue les tripes comme seuls les grands chanteurs de soul savent le faire.
Bref, écoute Gary Clark Jr et tu comprendras pourquoi j’ai retourné toute la ville pour retrouver son nom.
Voilà pis c’est tout.
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