Un point, c’est tout. n°12, 19/04/2015

01-06-Un point, c'est tout.

Mise au point : Vous me connaissez, je ne suis pas du genre à vivre dans le passé, mais étant grand amateur des « cartoons » de la grande époque (mon enfance a été bercée par Tex Avery, Bob Clampett, Chuck Jones, Friz Freleng et jamais je ne renierai cet amour de jeunesse), force m’est d’avouer que je suis quelque peu nostalgique de ce temps où le dessin animé était encore un artisanat et permettait à des artistes tels que Paul Grimault, Picha, Jacques Rouxel ou Osvaldo Cavandoli de s’exprimer tout en touchant un large public : aujourd’hui, l’animation 3D écrase tout sur son passage. Bien sûr, ça ne vaudra jamais le côté chaleureux et vivant de l’animation traditionnelle, mais force est d’admettre que d’un point de vue spectaculaire, la 2D n’a objectivement pas les moyens de rivaliser avec ce qu’on appelait jadis les « images de synthèse » et n’a donc pas le même pouvoir de séduction auprès du public que je qualifierai pudiquement de « populaire » par simple politesse… Bref, aujourd’hui, l’animation est de moins en moins une affaire d’artistes de talent et de plus en plus un domaine réservé (un de plus) aux techniciens qui savent maîtriser les machines : les héros animés ne sont plus les créations d’artistes bouillonnants mais des acteurs virtuels que n’importe quel réalisateur, même s’il n’a jamais su tenir un crayon, peut manipuler à sa guise ; résultat, on voit sur les écrans des films d’animation réalisés par des cinéastes certes talentueux mais qui, peut-être sans même avoir bien conscience (je veux bien le croire), restreignent le champ des débouchés auxquels pourraient avoir accès les dessinateurs sur le marché du travail : j’aime bien Alexandre Astier et Jamel Debbouze, mais j’avoue que je digère un peu mal de les voir faire du dessin animé ! Même en Espagne, la dernière adaptation cinématographique des aventures de Mortadelo y Filemon, qui était un film d’animation, a été réalisée par Javier Fesser, à qui l’on devait déjà la première adaptation, qui était un film « live » ! Je ne remets pas en cause la qualité intrinsèque de ces films : c’est même justement ce qui m’emmerde, je ne peux les attaquer que sur le principe et non pas sur leur facture ! N’empêche, qu’est-ce qu’ils diraient, tous ces cinéastes, si je me mettais à faire du one-man-show ou à tourner un film ? Ils diraient probablement « ouh, remboursez ! » et vous aussi ! Non, s’ils sont aussi polis qu’on le dit, ils se contenteraient de me dire « laisse faire les pros », ce à quoi je répondrais « Et bien pareil pour vous, les gars : laissez le dessin animé aux dessinateurs ! Parce que là, peut-être sans même vous en rendre compte, vous êtes en train de donner corps au fantasme des producteurs les plus rapaces, à savoir un cinéma sans acteurs et un dessin animé sans dessinateurs ! Ne vous étonnez pas après ça si la production cinématographique est de plus en plus fade et de plus en plus standardisée, et encore moins si les nouveaux talents ont de plus en plus de mal à émerger ! Vous aussi, vous avez connu la galère à vos débuts, puis votre travail acharné vous a ouvert les portes du succès : ne fermez pas les portes derrière vous ! »

Alexandre Astier vu par votre serviteur.
Alexandre Astier vu par votre serviteur.

Point isolé : Une amie m’a signalé récemment un blog où une doctorante raconte sa vie en BD ; étant doctorant moi-même (plus pour très longtemps, il est vrai), je ne me sens pas tellement solidaire de cette vision de la vie de thésard. Les proches ne comprennent rien à ce qu’on fait ? Et alors ? Ce ne sont pas eux qui la font, la thèse ! Ce ne sont pas eux non plus qui vont la noter ! L’important, c’est que le doctorant comprenne ce qu’il fait ! Le travail de rédaction n’est pas gratifiant ? Alors ça, c’est la meilleure ! Je trouve au contraire que c’est la meilleure partie du travail, c’est justement là que notre créativité peut intervenir ! Maintenant, si on n’aime pas écrire et si on n’a pas deux sous d’imagination, ce n’est pas la peine de faire une thèse ! C’est une activité solitaire ? Mais c’est justement ça qui me plait ! J’ai peut-être une mauvaise nature, mais c’est un fait, j’aime travailler seul, tous les sens mobilisés vers un seul et unique objectif, celui que je me suis fixé pour la journée, envoyant littéralement chier le monde entier, je n’aime pas être dérangé, même par mes meilleurs amis, je ne suis pas du genre à m’arrêter toutes les demi-heures pour aller tailler une bavette à la machine à café ; si on n’aime pas travailler dans la solitude, on ne fait pas un doctorat, on trouve un boulot à la con dans une boîte de merde et on se plie à la comédie de « l’open space » (mon pire cauchemar !). Il y a quand même un point sur lequel je rejoins cette bloggeuse : c’est pénible d’avoir un directeur de thèse inscrit aux abonnés absents…et je me réjouis d’y avoir échappé ! Je dois dire que je n’ai pas à me plaindre du mien – je sais que j’ai de la chance.

11-28-Doctorants

Point d’orgue : Voilà des semaines que j’en parlais : hier soir, la troupe de « Putain de Renaud » s’est produite à l’Alizé (Guipavas) à la suite du groupe « Guitare et chansons » au profit de l’association « Secours de hommes » devant un public familial et, quantitativement, non négligeable : ce fut un réel plaisir d’entendre la voix ensorcelante de la non moins ensorcelante Audrey qui nous livrait sa dernière prestation avant de partir en congé maternité ; plaisir immense aussi grâce à Yann, chanteur très énergique et très charismatique s’il en est, et grâce à Nicolas, guitariste décidément remarquable, sans oublier les autres membres de la troupe, Emmanuel, Fabien, Pascal et, bien sûr, Mikaël, mon vieux complice. Pour la petite histoire, « Guitare et chansons » a interprété « Qui donc était cet homme », la chanson de Pierre Chêne en hommage à Victor Jara, non sans faire un rapprochement avec d’autres artistes victimes de la haine en janvier dernier… « Putain de Renaud », outre les reprises du chanteur énervant (je vous prie de croire que le public a été scotché par « dès que le vent soufflera », « la ballade nord-irlandaise » et « mon bistrot préféré)), a aussi proposé deux compos, « Putain de société » et « Il a plu sur Paris », cette dernière rendant elle aussi hommage à Charlie Hebdo : je n’ai pas pu m’empêcher, moi qui étais dans le public, de crier « Je suis Charlie » tant cela me vengeait joliment de la soirée où j’ai maladroitement défendu l’honneur du journal satirique face à des rappeurs chantant « Charlie Hebdo attise la haine » ! Tu en veux, des journaux islamophobes, petit con ? Et bien lis L’Express, Le Vif, Le Figaro ou Le Point, tu seras servi ! Mais suis-je bête, tu n’auras jamais les tripes pour t’en prendre à des journaux soutenus par des grands groupes ! C’est tellement plus simple d’attaquer un journal qui n’a pas cette protection, même s’il s’agit d’un hebdo qui, lui, défend les victimes du capitalisme dont tu fais partie ! Mais suis-je décidément bête derechef, tu es une victime CONSENTANTE du capitalisme : l’argent facile, la prédation et l’agressivité, tu adhères complètement à ces valeurs frelatées ! Et bien voilà : j’étais partie pour faire l’éloge d’artistes que j’aime sincèrement et j’en arrive à pester contre des gens qui n’en valent pas la peine ! Qu’est-ce que vous voulez, j’ai une mauvaise nature, on ne se refait pas. Un point, c’est tout.

04-18-Je suis Charlie

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