Le journal du professeur Blequin (28)

Mardi 23 janvier

20h : La Seine est en crue, on annonce pour Paris une crue au moins aussi forte qu’en 2016. C’est curieux, mais je n’arrive pas à trouver ça épouvantable. C’est sans doute parce que je sais que la capitale aura largement les moyens de faire face aux dégâts et que ceux-ci ne risquent pas d’avoir une quelconque commune mesure avec la catastrophe que la crue d’un cours d’eau peut représenter pour un village d’Afrique ou d’Asie. Le fait que je n’aie pas une excellente image de Paris y est aussi pour beaucoup : non que je veuille le malheur de cette ville et de ses habitants, mais Roland Barthes (Mythologies) avait raison : les photos de Paris inondé, quelle que soit l’année, n’ont rien de cauchemardesque. Le cauchemar, à Paris, c’est plutôt sa vérité quotidienne de ville grise, sale, polluée, encombrée, bétonnée : quand l’eau remplace dans les rues les poubelles à quatre roues bruyantes et puantes qui accaparent habituellement la voie publique, la capitale retrouve enfin un petit air de fête… Quand le quotidien est catastrophique en soi, la catastrophe devient une libération !

Mercredi 24 janvier

12h : J’apprends que l’exécutif veut faire en sorte (mais on ne sait pas comment) que les lunettes, ainsi que les prothèses auditives et dentaires, soient intégralement remboursées. Qu’on ne s’y trompe pas : si Macron s’engage là-dedans, c’est sans doute parce qu’il sait bien que sa politique ne fera qu’aggraver la paupérisation des citoyens ; il suffit de voir à quel point, grâce à ses mesures, les patrons s’en donnent déjà à cœur joie pour licencier à tour de bras ! Carrefour n’est qu’un début… Aussi, pour que les marchands de lunettes et de prothèses auditives et dentaires puissent conserver le marché français qui va devenir de plus en plus juteux du fait du vieillissement de la population, il faut bien que les pauvres puissent quand même se permettre de les acquérir ! Même si on peut se demander à quoi nous serviront nos prothèses dentaires quand nous n’aurons plus rien à manger ! Quant aux prothèses auditives, si s’en passer ne devait servir qu’à ne plus entendre les discours de notre président, ce serait déjà un sacré bénéfice…

Dessin réalisé sous le précédent quinquennat.

18h : Me voilà dans une célèbre librairie brestoise où j’écoute un historien présenter son livre sur Mai 68 en Bretagne. Une amie m’envoie un SMS : constatant que ma réponse ne peut pas attendre, je m’empresse de répondre, quitte à conforter les seniors, venus nombreux, dans l’idée que les jeunes sont incapables de décoller de leur téléphone. Circonstance aggravante, quand vient la séance des questions, je demande si Brest était encore en reconstruction en 1968, me voilà donc pris en flagrant délit, sinon d’ignorance, du moins de connaissance floue de l’histoire de ma ville, ce qui ne manque pas de provoquer un mini-tollé au sein de l’assistance. L’orateur, chercheur professionnel et homme sage, ne m’en tient pas rigueur et répond posément à ma question, mais il n’empêche que voilà encore une demi-douzaine de « vieux » qui se coucheront en restant persuadés que les moins de quarante ans n’ont rien dans le crâne…

One thought on “Le journal du professeur Blequin (28)

  1. Je ne connais pas Brest,mais je connais Metz(et alentours)visités en touriste. Je tiens la cathédrale saint Etienne pour aussi belle que d’autres beaucoup plus connues.Très belle ville!

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