Le journal du professeur Blequin (58)

Dimanche 18 mars

16h : J’assiste à une projection d’images d’archives (très rares !) sur le Brest d’avant-guerre commentée par Alain Boulaire. C’est plein d’enseignements, je réalise notamment que, contrairement à ce que nous font croire certains nostalgiques, probablement vieux et amnésiques, ma ville, avant d’être bombardée puis rasée, n’était pas beaucoup plus belle qu’aujourd’hui : les rues étaient étroites et mal éclairées, sans doute à cause des remparts qui comprimaient littéralement la cité sur elle-même, et, de surcroît, humides à cause de la mauvaise isolation, comme si la pluie ne suffisait pas ! En fait, c’étaient des taudis insalubres dans lesquelles on entassait une population exploitée par les militaires pour un salaire de misère ! Seuls les bâtiments de l’arsenal dus à Choquet de Lindu avaient vraiment de la gueule, mais comme ils ne servaient qu’à fabriquer du matériel du guerre, il n’y a pas lieu de les regretter… Une seule chose m’a chagriné au cours de cette conférence : c’est que les seniors présents dans la salle ne pouvaient pas s’empêcher de papoter pendant que monsieur Boulaire parlait…. Je veux bien croire qu’ils commentaient l’exposé auquel ils assistaient, mais venant d’une génération qui n’a de cesse de fustiger l’incivilité des jeunes qui bavardent au lieu d’écouter de le prof, ça me fait un peu mal !

Lundi 19 mars

16h30 : Je sors de deux heures d’assemblée générale. A quel propos ? Peu importe, puisque ça s’est passé comme dans à peu près toute autre réunion dans n’importe quel contexte, c’est-à-dire deux heures passées à mariner sur un fauteuil dans une salle surchauffée et à écouter les autres qui bavardent et manquent de s’écharper pour des détails pour ainsi dire insignifiants… Il faut aimer se faire chier, j’vous jure !

Mardi 20 mars

15h30 : Quand on fait de la recherche historique, il y a des moments barbants : ainsi, j’ai compulsé un gros livre sur les chansons populaires bretonnes pour voir s’il recensait des pièces liées, indirectement, à Brest. Je n’ai pas trouvé grand’ chose, ce qui ne m’a pas étonné, mais le plus pénible pour moi aura été de m’infliger une mégachiée de cantiques ! Quel peuple de culs-bénits que les Bretons d’autrefois ! C’est à vous dégoûter d’être leurs descendants ! Remarquez qu’à côté de ces coassements de grenouilles de bénitier, les chansons à l’eau de rose ne valent guère mieux et je comprends mieux pourquoi la médiocrité intellectuelle continue à prévaloir dans la production musicale actuelle : en fin de compte, nous ne valons guère mieux que nos ancêtres.

17h30 : Il faudra qu’on m’explique un jour comment font les neurotypiques (personnes sans autisme) pour se sentir à l’aise en étant confinés dans une petite salle avec des gens qui papotent sans arrêt ! Je participe à un atelier d’art ouvert à tous les âges et je dois bien dire qu’au bout d’une heure avec des adolescentes qui bavardent sont discontinuer, j’ai la tête prête à exploser ! J’ai souvent du mal à rester diplomate dans de telles circonstances qui m’obligent à fournir un effort supplémentaire pour me concentrer sur mon ouvrage : ça m’a valu, dans mon adolescence, la fausse et peu flatteuse réputation de vouloir imposer ma loi au sein du groupe, mes « camarades » ne voulant pas croire que j’avais besoin du silence complet pour suivre le cours ! Et pourtant, en tant qu’aspi, j’avais deux bonnes raisons pour être gêné par les bavardages : d’abord parce que je n’y participais pas, le contact avec autrui m’étant difficile, et ensuite parce que ma cervelle était déjà sous pression en cas d’excès de stimuli sensoriels…

Ce dessin est le reflet très exact de ce que j’ai vécu pendant la coupe du monde de football de 2002… Je crois que c’est à ce moment-là que je suis devenu « footophobe »…

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