Mai 2018 n’aura pas lieu : comme la Guerre de Troie.

Brest, jeudi 19 avril, 12h30.

J’ai tous les défauts de la terre, mais si je ne devais n’en retenir qu’un, ce serait celui-là : j’aime me compliquer l’existence. Par exemple, à cette heure-ci, je devrais être tranquillement chez moi, les pieds sous la table, à savourer un bon petit plat mitonné avec amour ou alors être installé dans la chaleureuse ambiance de quelque bistrot brestois, me sustentant avec un sandwich tout en lisant la presse quotidienne pour y chercher de l’inspiration.

Au lieu de ça, et malgré la chaleur déjà accablante (et on dit qu’il pleut tout le temps à Brest…) je suis une nouvelle fois dans les transports en commun, essayant de naviguer d’une correspondance à une autre, n’ayant pas d’autre solution si je veux espérer arriver à l’heure à un énième rendez-vous. J’ai bien dit que j’essayais car le trafic du tramway brestois est perturbé : un moindre mal pour ceux qui se rendent sur la rive droite qui est très bien desservie par les bus, une catastrophe pour ceux qui ont un rendez-vous à Gouesnou, commune nettement moins bien desservie malgré la présence de la chambre des métiers et de l’artisanat du Finistère – car c’est là que je me rendais. Pourquoi ? Je vous le dirai une autre fois si vous êtes sages.

La raison de cette perturbation ? Des manifestations, me dit-on. Non, pas une grève des conducteurs : ceux-ci ne demanderaient pas mieux que pouvoir assurer normalement le service, mais ils se trouvent dans l’impossibilité de desservir deux stations du centre-ville parce qu’une manif de jeunes a bloqué la circulation… Ils ne sont plus là pourtant, mais la circulation continue à être bloquée par les responsables du réseau pour « raisons de sécurité », toujours la même antienne : ce n’est donc pas entièrement la faute des jeunes…

Cela dit, ça rate rarement : chaque fois qu’un vent de fronde souffle sur ce pays, on peut voir une partie de la jeunesse s’engouffrer dans la brèche, espérant vaguement pouvoir refaire mai 68. Qu’on s’entende bien : le gouvernement a, sur tous les plans, dépassé les bornes de l’infamie avec une telle arrogance que je ne reprocherai pas à ces jeunes de se rebeller au lieu de garder les yeux rivetés sur leurs smartphones. Mais, en toute franchise, bloquer les seuls moyens de transports dont disposent leurs amis et même certains de leurs parents, ce n’est pas ça qui va gêner les dirigeants : ceux-ci ne prennent les transports en commun que devant les caméras et voyagent la plupart du temps dans leur voiture de luxe climatisée avec chauffeur où ils doivent écouter en ricanant les nouvelles des pauvres qui ennuient d’autres pauvres…

J’ai lu qu’en mai 68, certains étudiants brestois avaient tenté de prendre d’assaut la permanence du parti au pouvoir, le centre Leclerc qui était resté ouvert par provocation et même la sous-préfecture ! Les services d’ordre syndicaux ont dû les retenir : on peut penser ce qu’on veut de l’action violente mais, au moins, ces jeunes-là ne se trompaient pas de cibles… Notez cependant que ces faits sont restés marginaux et que le mai 68 de Brest s’est distingué par son ambiance bon enfant et son absence quasi-totale de violence : pas de graffiti sur les murs de la fac, pas de barricades, même pas un affrontement avec les gaullistes quand ceux-ci sont descendus dans la rue à leur tour ! Qui a dit « dommage » ?

Cela dit, j’ai quand même réussi à arriver à l’heure à mon rencart, mais ce n’est pas le sujet.

8 mai 68 : Journée d’action régionale. Se sentant les délaissés du progrès, les Bretons manifestent, répondant au mot d’ordre « L’Ouest veut vivre » lancé par les syndicats ouvriers et paysans. Forte mobilisation à Brest où même le maire Georges Lombard bat le pavé avec ses administrés. Tous les commerçants ferment par solidarité, sauf Edouard Leclerc, adversaire déclaré de Lombard.

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