L’éditorial de Jean-Edouard Salôt de Rych : l’affaire Naomi Musenga

Et bien, qu’apprends-je donc ? Une jeune femme est morte à cause de l’incompétence d’une opératrice du SAMU ? Quelle tristesse ! Il va de soi que tous mes souhaits accompagnent sa famille ! Puisse ce drame servir au moins de leçon à toutes et à tous : au lieu de grever l’argent du contribuable en dérangeant inutilement les services publics, cette jeune personne aurait mieux fait d’appeler son infirmière particulière, comme tout le monde, elle serait encore vivante ! Quoi ? Comment cela, la chose était impossible ? Enfin, ne plaisantez pas, il est à la portée du premier imbécile venu de faire retentir une clochette pour appeler un sien domestique, qu’il s’agisse de l’infirmière ou d’un autre ! Que dites-vous ? La jeune dame était issu d’un milieu où l’on n’a pas les moyens d’avoir des domestiques et surtout pas une infirmière particulière ? Mais enfin, pourquoi m’avoir dérangé pour que j’écrive un éditorial sur ce sujet sans importance ? Les pauvres ne sont pas en voie d’extinction, que je sache ! Une de plus ou de moins, qu’est-ce que cela peut faire ? Si nous n’avions pas besoin d’eux pour gagner de l’argent, il y a longtemps que nous les aurions tous exterminés, après tout !

Allons, je vous en prie, évitons la démagogie, ne prenez pas cet air indigné ! Vous, les pauvres, vous n’êtes décidément jamais contents : on vous donne des soins et vous voudriez EN PLUS qu’ils soient efficaces ? Quand on est trop fainéant pour se payer les meilleurs médecins, il faut en assumer les conséquences ! De toute façon, cette pauvresse est morte, on ne peut plus rien faire ! Quoi ? Sanctionner l’opératrice, voire la licencier ? Ah mais pas question ! Dois-je vous rappeler qu’une opératrice limogée, c’est aussi une chômeuse de plus ? Vous n’arrêtez pas de réclamer à grands cris que l’on lutte contre le chômage et vous voudriez aussi que chacun ait un emploi en accord avec ses compétences ? Vous êtes décidément bien gourmands ! Dans le milieu médical, les emplois intéressants sont réservés aux enfants de praticiens, quoi de plus normal : vous ne pensez pas que mon ami Charles-Henri De Soudetable paie des études de médecine à son fils pour qu’il soigne la canaille, tout de même ! Quand on est fils de pauvre, on se doit d’exécuter les tâches ingrates sans rechigner, c’est la moindre des politesses !

D’autant que garder une opératrice incompétente, c’est un double bénéfice pour la société : non seulement c’est un emploi sauvegardé mais, de surcroît, avec un peu de chance, c’est aussi un chômeur qui meurt à l’autre bout du fil, donc un chômeur de moins ! Avouez que c’est du bon sens élémentaire ! Oh, cessez donc de froncer le sourcil : je ne m’étonne pas que vous soyez encore au bas de l’échelle sociale, on n’arrive à rien tant qu’on s’obstine à considérer autrui comme une personne à part entière et non pas comme un numéro parmi des milliards d’autres ! Quand l’usine dont j’étais actionnaire a été fermée, la moitié des ouvriers se sont suicidés et mes actions ont triplé de valeur, alors si je devais m’appesantir sur la mort par négligence d’une pauvresse !

Jean-Edouard Salôt de Rych, P.C.C. Professeur Blequin

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