Oh, ça va, ce n’est que du foot !

Dessin réalisé quand Cohn-Bendit a pris se retraite de parlementaire européen.

Le jour s’est levé  sur le premier jour du mois de juin 2018. Cohn-Bendit va enfin respirer, on va lui lâcher la grappe avec le cinquantenaire de Mai 68 et on va enfin parler de sa seule vraie passion : le foot…

Car aux commémorations du joyeux bazar qui a poussé De Gaulle vers la sortie avant qu’il ne commence à agoniser vont succéder celles du 12 juillet 1998, jour où des milliers de blaireaux bouffis de chauvinisme sont descendus gueuler de joie dans la rue parce qu’ils croyaient avoir gagné quelque chose… « Tu ne vas pas encore mépriser le peuple, sale bobo bien-pensant » doivent déjà s’écrier les démagogues de service : puissent-ils se mettre une bonne fois pour toutes dans la tête que la folie du ballon rond n’est pas l’apanage du « peuple » (on la retrouve aussi dans des milieux très huppés) et qu’on peut très bien être issu des milieux populaires sans nécessairement éprouver une passion sans réserve pour le sport préféré de Bernard Pivot.

Je ne suis pas sectaire, j’ai de très bons amis passionnés de foot (d’ailleurs, ils évitent généralement d’aborder avec moi ce sujet, sachant que je n’aurais rien à leur répondre) : seulement, face à l’omniprésence médiatique dont chaque grande compétition de football fait systématiquement l’objet, face à la quasi-obligation de s’enthousiasmer pour tout ce qui touche de près ou de loin à ce jeu, je ne vois pas pourquoi ceux que ça n’intéresse pas ou, pire, que ça emmerde, n’auraient pas le droit de le dire ! Je sais bien que tous les amateurs de football ne sont pas forcément des abrutis (même si la plupart des journalistes sportifs dont on entend la voix dans les médias ne plaident pas en faveur de leur milieu), mais je suis exaspéré par tous les opportunistes qui se sont découverts du jour au lendemain une passion pour ce sport sous prétexte que l’équipe de France avait gagné la coupe du monde et qui vont se sentir obligés, pour ce vingtième anniversaire, de nous resservir une tartine de patriotisme à la mord-moi-le-crampon.

Ce dessin est le reflet très exact de ce que j’ai dû supporter au collège au moment de la coupe du monde de 2002.

De toute façon, en passant des commémorations de Mai 68 à celles de la coupe du monde 98, j’ai le sentiment de zapper d’Arte à NRJ 12 voire d’être renvoyé à la maternelle, et ce pour une raison bien simple : on n’est pas obligé d’idéaliser Mai 68 qui, comme tous les mouvements contestataires, nous a servi son lot de couillonnades, mais on ne peut pas ne pas reconnaître ses effets bénéfiques sur la société. Pour ne prendre que quelques exemples, sans Mai 68, les femmes seraient peut-être encore obligées de demander l’accord de leur mari ou d’un « tuteur » pour avoir un compte bancaire, elles devraient encore avorter dans la clandestinité à leurs risques et périls, les étudiants seraient encore traités comme des gamins et les divorcés comme des pestiférés ; en revanche, qu’est-ce que la victoire de l’équipe de France en 1998 a vraiment apporté de positif à la société A LONG TERME ? Moins de racisme ? Le Pen est arrivé au second tour de la présidentielle quatre ans après. Plus de prospérité ? Il n’y a jamais eu autant de travailleurs précaires. De bons exemples pour la jeunesse ? Repensez au « coup de boule » de Zidane.

Bien sûr, il n’y a pas de lien de cause à effet entre la victoire de l’équipe de France en 1998 et les problèmes actuels de notre pays : mais cette victoire ne nous a pas non plus permis d’éviter ces difficultés et elle n’a même pas eu à long terme des conséquences positives qui justifieraient qu’on lui donne une importance excessive. Bref, si les commémorations du 12 juillet 1998 font l’objet d’une couverture médiatique aussi (voire plus) importante que celles de Mai 68, ce sera immanquablement disproportionné compte tenu des apports réels de ces dates à la société française : si les amateurs de football ne sont pas bêtes, ils sont capables de comprendre ça, il me semble !

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