Cavanna réédité ou : Roman national, mon c** !

C’est l’événement littéraire de l’année 2018 : L’Histoire de France redécouverte par Cavanna, qui restait inaccessible au public depuis trop longtemps, a été rééditée par Vuibert.

On ne réédite pas assez Cavanna. Des pans entiers de son œuvre restent encore trop difficiles d’accès : la publication d’une intégrale dans la bibliothèque de la Pléiade serait encore insuffisante pour lui rendre l’hommage qui lui est dû, le mot « scandale » est encore trop doux pour qualifier cette situation qui perdure quatre ans après sa mort. Depuis la terrible année 2015, nombreux sont ceux qui, à chaque 7 janvier, affirment « être Charlie » mais rares sont ceux qui se rappellent qu’à l’origine de cet esprit sauvage et irrévérencieux dont Cabu, Wolinski et les autres ont été les martyrs involontaires, il y avait d’abord eu ce fils de « rital » devenu une référence pour tous les satiristes de France et même d’ailleurs ! On n’honorera jamais trop sa mémoire et je suis prêt à parier que son nom restera dans les mémoires quand ceux des « néo-réacs » qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé médiatique seront tombés dans un oubli mille fois mérité.

La différence ne s’arrête d’ailleurs pas là car, à l’encontre de ces fossiles à peine vivants qui nous rebattent les oreilles avec le « roman national », Cavanna, ce macchabée plus alerte que jamais, remet les pendules à l’heure et nous rappelle que Vercingétorix, Sainte Geneviève, Clovis, Charlemagne, Louis Le Gros, Aliénor d’Aquitaine, Philippe Auguste, Saint Louis, Philippe le Bel et les autres « grands noms » de l’Histoire de France étaient tous, peu ou prou, des crapules sanguinaires, avides d’argent et de pouvoir, pour lesquelles seule comptait la loi du plus fort. Ils pouvaient éventuellement s’emparer de motifs religieux ou idéologiques pour justifier leur sales boucheries et leurs calculs venimeux mais ils ne s’embarrassaient pas toujours de prétextes pour assouvir leurs appétits de butins, de terres et de vassaux, le tout avec un mépris absolu des conséquences pour les « petites gens » réduites à l’état de serviteurs en temps de paix et de proies en temps de guerre. En fin de compte, nos politiciens actuels font presque figure de gentlemen par rapport à leurs lointains prédécesseurs dont l’attitude est toute entière résumée dans cette phrase concluant le récit la capture de Jeanne d’Arc par l’armée anglaise et son abandon par Charles VII : « Le peuple pleura. Mais qui se soucie du peuple ? »

Il est à noter qu’on sent cependant chez Cavanna une tendresse inattendue pour Jeanne d’Arc. Pas par solidarité envers une fille d’origine modeste, non, car l’auteur rappelle que la « pucelle » était fille de « laboureurs aisés », mais parce qu’elle a payé comptant l’hypocrisie d’une époque qui ne s’accommodait du pouvoir des femmes qu’à la condition expresse que celui-ci s’exerçât de manière officieuse : en dernière analyse, la pauvre Jeanne a payé de sa vie d’avoir osé assumer publiquement ce que Blanche de Castille et Isabeau de Bavière avaient fait de manière dissimulée… Pour résumer, si vous doutez encore qu’on puisse faire rire tout en relatant des faits parfaitement authentiques, reportez-vous à ce livre ; et si vous n’êtes pas convaincu, après l’avoir lu, que Cavanna était un auteur majeur, alors on ne peut rien pour vous.

L’histoire de France redécouverte par Cavanna, La librairie Vuibert, 14,90 €

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