Le journal du professeur Blequin (7)

Mercredi 18 septembre

11h : Dans un journal qui annonce en grande pompe l’exposition de mes dessins qui aura lieu à Saint-Renan à partir de vendredi, je tombe sur un sondage selon lequel « l’institution » en laquelle les Français ont le plus confiance sont… Les petites et moyennes entreprises. Poujade doit bander dans sa tombe ! Les PME nous enculent autant que les pouvoirs publics, mais avec le sourire, c’est ça ?

Jeudi 19 septembre

18h : Conférence de Gilles Grall aux Capucins sur un groupe de résistants de Saint-Pol-de-Léon, dont faisait partie son grand-père, arrêtés, torturés et fusillés par les Allemands en 1944. L’un des artisans de leur martyre fut… Une jeune femme belge qui était devenue la maîtresse du chasseur de « terroristes » de la région et qui, après la débâcle du Reich, bien que graciée par le roi des Belges (vive la monarchie !) disparut dans la nature, vraisemblablement en Amérique du Sud… Je veux bien croire que c’était plus marrant que passer ses soirées devant la télé jusqu’à la mort, mais il n’empêche que c’était une sacrée sal… Enfin, vous m’avez compris !

Photo de Florence Queau.

Vendredi 20 septembre

10h30 : Accrochage de mon exposition à L’arTpenteur. Grâce aux quatre femmes qui m’épaulent, le travail est terminé en une heure ! On ne dira jamais assez à quel point les femmes sont toutes formidables ! Bon, d’accord, presque toutes…

13h45 : Deuxième cours d’histoire de la bande dessinée francophone. Les étudiants sont peu réactifs, j’en vois même une qui pianote sur son téléphone. C’est le métier qui rentre…

15h : Ben Ali est mort. Les Tunisiens s’en foutent, ils avaient déjà tourné la page depuis longtemps. Il n’empêche que la mort d’un dictateur, même déchu, est une source de soulagement, comme si l’air était soudain moins chargé qu’hier… Par pure bonté d’âme, je dis « qu’Allah lui pardonne tous ses crimes », mais je n’y crois pas trop. Au pardon ou à Allah ? Aux deux, mon général !

18h30 : Vernissage de mon exposition à Saint-Renan. Je pensais que seuls les gens qui me connaissaient déjà auraient la curiosité de venir faire un tour par courtoisie mais, au final, une bonne quinzaine de curieux arrive pour découvrir mon travail. Je vends pas mal d’albums et je me prends presque à croire que j’ai du talent. C’est grave, docteur ?

Samedi 21 septembre

9h30 : J’arrive aux Capucins où je viens dédicacer mes albums à l’occasion des rencontres brestoises de la BD : un cerbère me force à le suivre jusqu’au stand de mon éditeur, comme si je n’étais pas capable de le trouver moi-même ! Non seulement je déteste les gens qui s’abaissent à faire un métier aussi méprisable que flic privé (comme si ceux de l’Etat n’étaient pas assez emmerdeurs) mais, par-dessus tout, je ne supporte pas d’être infantilisé ! Il y a des moment où on s’en veut presque d’être mou, pleutre et pas méchant…

Un client et sa caricature.

14h30 : Après quelques heures plutôt molles, ça décolle enfin ; je vends un album et quinze caricatures, je m’en tire mieux que certains voisins de table qui rentreront bredouilles. Mais aucune visite ne me fait plus plaisir que celle de ma vieille prof d’espagnol qui vient me dire qu’elle est fière du chemin que j’ai fait depuis le collège…

Dimanche 22 septembre

11h : Je retourne au salon de la BD en simple visiteur, ce qui me permet de me procurer le quatrième numéro de la revue annuelle Casier[s] qui a pour thème la West Coast et ses rapports avec notre Côte Ouest : l’histoire de Julien Solé où Brest est présentée comme aussi glamour que la Californie n’est pas si éloignée de la vérité, je me suis moi-même pris à penser, quand je me baignais à Sainte-Anne-du-Portzic en juillet dernier, que je n’avais aucune raison de vouloir aller au paradis après ma mort vu que j’y étais déjà mon vivant… Blague mise à part, j’avoue que c’est une des choses qui me font le plus rire au monde, les tentatives acharnées mais vouées à l’échec d’être à la hauteur d’un illustre modèle : c’est le rock français qui tente d’égaler les anglo-saxons, c’est Santa Anna qui s’inspire de Napoléon, c’est Sarkozy qui se prend pour De Gaulle. Mais il y a bien d’autres manières de dresser un pont entre les deux côtes occidentales, et je craque tout particulièrement pour l’histoire de l’excellent Gwendal Lemercier (sur un scénario de Nicolas Hervoches) qui réhabilite Jean-Marie Le Bris, ce pionnier breton de l’aviation. Merci, les gars !

Chasseur de dédicace faisant la queue.

13h30 : Je fais la queue pour avoir une dédicace de l’excellent Dominique Bertail. Faire la queue n’est jamais très agréable, à plus forte si on doit supporter le voisinage d’une troupe d’enfants surexcités qui attendent l’ouverture de la médiathèque ; avoir le ventre vide n’arrange évidemment rien… Bref, ça ne rate pas : un gosse laisse tomber sa trottinette et je me prends la branche métallique du guidon sur la jambe… C’est la goutte d’eau : je hurle au gamin « Tu peux pas faire attention, non ?! » C’est un coup à devenir un nouveau croquemitaine, comme Robert Bidochon dans son HLM… Oh, ça va, vous n’avez jamais perdu patience, vous ? Sinon, pour vous répondre, oui, j’ai eu ma dédicace.

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