Frida et le peuple de la forêt, par Nicolas Schweitzer

Une jeune fille est élevée, avec son frère, par son père veuf, menuisier « aimable et taciturne » doté de talents de conteur hors du commun ; elle va ensuite avoir accès à la connaissance d’un petit peuple inconnu, grâce à une vieille « dame du lac » vivant dans la forêt, en marge de la société, et va initier à son tour l’homme qui l’aime à ce secret ; ainsi pourrait-on résumer à gros traits l’intrigue, basée dans les alentours de notre bonne ville de Metz, d’un roman subtil et délicat, destiné à la jeunesse : Frida et le peuple de la forêt, dû à Nicolas Schweitzer.

Toutes les régions de France, et même ailleurs, ont leurs mythes et légendes, à grands renforts de petits lutins mystérieux et de sorcières plus ou moins bienveillantes. Le pays de Metz n’échappe évidemment pas à la règle et c’est dans ce vivier séculaire qu’a puisé Nicolas Schweitzer pour écrire Frida et le peuple de la forêt. Toutefois, l’auteur ne se borne pas à mobiliser une tradition païenne : il la réhabilite, la réactive, lui rendant sa dignité bafouée par le « pieux vandalisme chrétien » (pour reprendre une expression bienvenue de Cavanna).

Un passage révélateur est celui où il est question de la créature légendaire qui donne son nom à notre webzine : « L’homme expliquait qu’il était faux de dépeindre le dragon en bête terrible car il était paisible et protégeait la ville et ses habitants. » Ce bref extrait consacré au Graoully indique ce qui est au cœur, consciemment ou inconsciemment, de ce petit livre : la réhabilitation des puissances chtoniennes que l’homme croit pouvoir étouffer sous un vernis de civilisation. Nicolas Schweitzer montre au jeune public auquel son roman est destiné qu’il ne faut pas avoir peur de ces puissances mais au contraire les respecter pour la bonne raison qu’elles nous protègent contre les dangers auxquels nous nous exposons en croyant que le monde nous appartient.

Le père de Frida répugne à massacrer les loups que ses concitoyens assassinent sans remords, la dame du lac protège carrément ces canidés, ce qui lui vaut le rejet des hommes mais les remerciements de la nature et, enfin, Frida elle-même convertira son amoureux, issu d’un milieu privilégié, à la vie rurale : autant d’aspects du récit qui concourent à faire du roman un merveilleux hymne païen plaidant pour le respect de la nature dans toutes ses manifestations. Le fameux « peuple de la forêt » que Frida ne fait qu’effleurer sans vraiment le rencontrer n’est finalement que l’incarnation de cette puissance bienveillante que l’homme bafoue, réduisant ainsi sa propre puissance en croyant l’augmenter.

l serait simplement injuste de réduire ce roman à un manifeste écologiste destiné aux enfants : Frida et le peuple de la forêt est avant tout une belle histoire d’amour. Amour entre deux jeunes gens, certes, mais amour aussi d’une fille pour son père, amour également des beautés du monde, amour tout simplement de la vie. Allez, les enfants, décollez un instant les yeux de vos écrans. Je vous assure, ça en vaut la peine.

Nicolas Schweitzer, Frida et le peuple de la forêt, éditions Maïa, 14 euros

P.S. : Pour en donner un peu plus au public, Nicolas Schweitzer publie épisode par épisode un petit supplément inédit et gratuit qui raconte la jeunesse des parents de Frida et de la Dame du Lac sur la page Facebook Contes du pays messin.

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