Le journal du professeur Blequin (87)

Lundi 4 mai

11h30 : Plus que sept fois dormir et le déconfinement devrait s’amorcer. Le ministre de la santé a annoncé que cette date pourrait être remise en question, mais bon, j’imagine que c’est surtout pour exhorter les gens à respecter les règles jusqu’au bout… Soit dit en passant, c’est malheureux qu’il faille faire peur à la population pour qu’elle suive des consignes aussi simples ! Les gros beaufs qui considèrent le confinement comme une brimade me font bouillir, ils me rappellent les petits branleurs du collège qui râlaient contre le règlement…

13h30 : Je descends voir si j’ai du courrier : depuis mon étage, j’ai les narines agressés par une odeur qui me fait regretter celle des chiottes des aires d’autoroute. Arrivé en bas, je constate que la porte du local à poubelles est grande ouverte : pas besoin de chercher plus loin, c’est encore le motard du dessus qui est en train de bricoler sa moto, prenant les parties communes de l’immeuble pour un garage… Je ne veux pas en faire un fromage, mais il y a des coups de canif dans les roues qui se perdent ! Si vous êtes agacé par le bruit que fait une moto dans la rue, dites-vous que ce n’est rien à ce que fait subir un motard à ses voisins !

14h30 : Je suis en train de remplir ma déclaration d’impôts préremplie… Paradoxal, n’est-ce pas ? Payer mes impôts, ça, je m’en fiche ! Mais je croyais qu’avec la déclaration préremplie et le prélèvement à la source, on n’aurait plus rien à faire ! Mais non, on s’est encore fait avoir ! L’administration met un point d’honneur à nous faire taper des codes inhumains, à nous faire rechercher des documents qu’on avait presque oubliés, à nous faire lire des textes qui donneraient de l’urticaire à un tyrannosaure… Mais bon sang, qu’ils s’arrangent donc pour tout savoir par eux-mêmes et qu’ils nous fichent la paix !

Mardi 5 mai

10h30 : Je vais faire quelques achats. Avec un peu de chance, ce sera ma dernière sortie avec attestation. Car oui, malgré mon aversion pour ce qu’était le monde « d’avant », j’avoue que justifier mes déplacements devant la loi, même si je n’ai jamais été contrôlé, me coûte sur le plan moral : c’est finalement le seul inconvénient et il n’est pas énorme ! Quand je sors de mon appartement, je découvre que mon portemanteau est enroulé : c’est un signe qui ne trompe pas, le ménage vient d’être fait dans les couloirs. C’est quand même incroyable : je ne suis pas riche, je vis dans un logement social, et pourtant, j’ai une bonne qui vient chaque semaine nettoyer la cage d’escalier de mon immeuble sans que je débourse un sou de plus que mon petit loyer ! Et elle continue à venir malgré le confinement ! De façon générale, c’est l’aspect le plus extraordinaire de la situation : malgré la pandémie et les mesures de sécurité, la machine a continué à tourner, et à moins d’avoir dû faire face directement à la maladie ou d’être déjà dans une misère noire avant le confinement, les Français n’ont manqué de rien ! C’est à se demander à quoi servaient vraiment les emplois assurés dans les bureaux par tous ces employés actuellement en chômage partiel… Arrivé à la supérette, je remarque la une d’Aujourd’hui en France qui fait part d’une enquête suivant laquelle beaucoup de gens envisagent de changer complètement leurs habitudes de transport : visiblement, rien ne sera comme avant, et c’est tant mieux ! Quand je ressors du magasin, un camion passe juste devant moi, soulevant un nuage de poussière qui aurait pu achever un asthmatique : c’est typiquement le genre de gène quotidienne qui était monnaie courante avant le confinement mais qui n’émeut personne…

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