Le journal du professeur Blequin (88)

Mercredi 6 mai

11h : Les poètes sont des cons. Où as-tu vu que la nature se sentait concernée par nos minables sentiments d’humains ? Je me lève une nouvelle fois sous le soleil, avec les oiseaux qui chantent à qui mieux mieux : où as-tu vu jouer que le soleil était de la partie dans les périodes d’euphorie et que les catastrophes étaient accompagnées de grandioses tempêtes wagnériennes ? C’est tout le contraire, Ducon ! J’ai le moral aux fond des bottes et je suis bien convaincu qu’à chaque fois que j’avais de bonnes raisons d’être malheureux, le soleil brillait de tous ses feux. Je crois que je n’aimerai plus jamais la « belle saison ».

Jeudi 7 mai

10h30 : Plus que quatre fois dormir… Je n’aurais jamais cru que j’attendrais le début du déconfinement comme d’autres attendraient le peloton d’exécution ! C’est la faute à tous ces oiseaux de mauvais augure… Il suffit qu’on me dise qu’un malheur est possible pour que j’imagine le pire ! Pourtant, à deux jours du 16 mars, je sortais encore en ville comme si de rien n’était ! D’ailleurs je n’ai rien eu, aucun de mes proches n’a été touché et le taux de contamination est resté bas à Brest, à tel point qu’on a pu y installer des malades en provenance de villes où les hôpitaux étaient saturés ! Ce qui a d’ailleurs permis de sauver quelques vies… Comme quoi l’épidémie aurait été efficacement jugulée si on n’avait pas bousillé notre système de santé ! Là, c’est la faute à tous nous gouvernements successifs, on se demande qui les a élus ! Ah oui, merde… Si voter comme un con était considéré comme un signe de mauvaise santé, l’état d’urgence sanitaire aurait été instauré il y a déjà longtemps !

Vendredi 8 mai

10h15 : Les gens qui réclament l’accès libre aux plages dès le 11 mai me font rigoler… Ils n’ont pas vu la météo ? Les températures vont baisser brutalement ce jour-là, précisément ! Le 11 mai ne marquera pas seulement le début du déconfinement mais aussi celui des saints de glace ! En d’autres termes, s’ils vont à la mer ce jour-là, ce n’est pas le covid-19 qui les attend : c’est la pneumonie ! C’est mieux, peut-être ? En tout cas, cette coïncidence est plutôt bienvenue : s’il fait froid le 11 mai, les gens y réfléchiront à deux fois avant de se ruer dehors comme des dingues… De toute façon, je vous l’ai dit : je n’aime plus les beaux jours, ils m’ont trop déçu. Mais je sais qu’on change d’avis…

Samedi 9 mai

10h50 : J’ai appris hier que la décision de rouvrir ou non l’accès aux plages sera laissé aux maires des communes concernées. Dans un sens, c’est bon signe et ça devrait faire taire ceux qui ont crié à la dérive totalitaire : de toute façon, qui peut croire que Macron a la carrure d’un dictateur ? Même avec un képi de trois mètres de haut sur le crâne, il serait toujours plus proche de Bart Simpson que de Mussolini…

Dimanche 10 mai

9h45 : Et voilà, plus qu’une fois dormir… Chaque fois que je me lève le matin, à la veille ou au lendemain d’un événement important, je suis effaré par la royale indifférence de la nature à l’égard de nos minables histoires d’humains : à l’heure où je vous écris, le ciel est couvert comme il est courant dans mon cher pays de Brest, les oiseaux pépient et les insectes volètent, l’air n’est ni plus ni plus moins lourd qu’il y a deux mois… Comment peut-on s’imaginer, à la vue d’un spectacle aussi banal, qu’un changement va se produire demain dans nos vies ? Cela dit, oserais-je avouer que je ne suis pas pressé d’assister au triste spectacle de badauds munis de masques et s’évitant les uns les autres ? Mais tant pis, j’ai juré de faire une grande sortie : j’ai dans les jambes la mauvaise fatigue accumulée par toutes ces semaines de semi-inactivité, il est temps que je me dépense à nouveau…

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