Le journal du professeur Blequin (103)

Jeudi 18 juin

10h : Nouvelle descente au bar-tabac, toujours pour récupérer un colis ; en chemin, je remarque la pub pour les viticulteurs alsaciens : elle me rappelle cette affiche parodique, que Greg avait dessinée dans Achille Talon, avec le slogan « Rendez-nous heureux, lisez Pilote, s’il vous plaît » et où l’on voyait un rédacteur de Pilote larmoyer pour émouvoir le passant… La caricature dépasse parfois la réalité. Plus sérieusement, quand on fait sa pub comme on demande la charité, c’est que ça va très mal, en général ! Mais je ne suis pas sûr que ça marche…

Vendredi 19 juin

10h30 : Je passe à la boulangerie : il y a six personnes dans le magasin, alors qu’il est toujours écrit blanc sur noir (ben oui, on utilise encore des ardoises) qu’il ne faut pas être à plus de trois clients à l’intérieur… Je fais du zèle, j’attends qu’il n’y ait plus que deux personnes avant d’entrer : j’ai ainsi le loisir de constater que ces braves gens qui font fi des recommandations sont TOUS d’âge mûr voire avancé ; ils auraient pu être mes parents ou mes grands-parents ! Et après ça, on dit que ce sont les jeunes qui n’ont plus aucun sens civique ! Oui, je sais, j’ai souvent râlé contre les réglementations kafkaïennes liées au déconfinement, mais respecter une certaine distance quand on fait la queue ne me dérange pas au contraire : c’est absurde de se coller les uns aux autres, ça ne fait pas avancer la file plus vite et c’est particulièrement crispant ! Mais bon, apparemment, les vieux aiment se faire du mal…

17h : Retour au bercail après une nouvelle sortie en centre-ville où je devais, une fois encore, récupérer un colis et, surtout, livrer un travail à un généreux mécène : une rentrée d’argent bienvenue au vu de la disette provoquée par le confinement ! Pour rentrer, je prends le bus, ce que je n’avais plus fait depuis trois mois : j’avoue, j’en avais marre de marcher, surtout avec ce temps variable, et si les affaires se décident à reprendre, je ne sais pas si je vais pas pouvoir continuer à faire tous mes déplacements à pied… Vivement qu’on en finisse avec ces masques à la con !

Samedi 20 mai

15h30 : Le soleil brille généreusement, j’en profite pour sortir : je m’installe à la lisière du bois de la Brasserie avec ma chaise pliante pour lire les vieux Fluide Glacial que j’ai acquis dernièrement pour compléter ma collection – à l’heure où j’écris ces lignes, il ne m’en manque déjà plus que 44. Le boulodrome a rouvert, ils sont au moins une vingtaine de retraités à jouer à la pétanque ! Ils s’arrêtent de temps en temps pour boire un coup : renseignement pris, ils arrosent l’anniversaire d’un des leurs ; tant que c’est en plein air et dans un cadre naturel, ça ne me choque pas. De toute façon, c’est toujours moins gênant que les deux jeunes glands qui se promènent en transportant une espèce de haut-parleur cylindrique qui crache du rap débile ! Ils poussent le vice jusqu’à s’asseoir juste à côté de moi, histoire de me casser un peu plus les oreilles : visiblement, l’un d’eux s’est déjà bourré la gueule au rhum… Je m’éloigne lâchement : j’avais envie de me saisir de leur machin et de le flanquer à l’eau, mais les cons sont méchants et je suis peureux. Pendant deux secondes, je suis presque nostalgique du confinement, je l’avoue…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *