Le journal du professeur Blequin (108)

Jeudi 2 juillet

10h30 : Pour rendre visite à une amie très chère qui habite dans une commune périphérique, je prends le bus. J’ai sous mon bras le dernier Fluide Glacial, que je viens de recevoir, et je suis bien décidé à en débuter la lecture pendant ce court voyage : conscient que le port du masque va embuer mes lunettes (et, accessoirement, m’étouffer), j’ai l’intention de le baisser de temps en temps, au moins sous mon nez. Mais quand j’entre dans le véhicule, je constate qu’il est vide de tout passager, mis à part… Quatre contrôleurs ! Oui, quatre contrôleurs pour un bus dans lequel il n’y a aucun voyageur ! Comme ils sont courageux et travailleurs, ces gens-là ! Non seulement c’est une compagnie très désagréable mais, par-dessus le marché, il est bien sûr hors de question de tenter de baisser mon masque dans de telles conditions… Pour ne rien arranger, ces charognards ne descendent qu’au terminus : je dois supporter leur promiscuité pendant près d’une demi-heure, sans même pouvoir accorder une pause à mes poumons et mes lunettes, tous soumis à rude épreuve… Bref, quand je sors, je me dépêche de rejoindre le domicile de ma bonne hôtesse, dont l’amitié ne sera pas de trop pour m’aider à éponger mon ressentiment !

14h : Après avoir déjeuné chez mon amie, celle-ci se propose gentiment de me conduire au magasin où je dois retirer un colis ; cette marque de serviabilité me donne l’occasion de trouver la clé d’un petit mystère. En effet, avant de partir, ma bonne amie enfile de mauvaise grâce le tristement célèbre masque encore obligatoire dans de nombreux magasins et lieux publics : je me demande pourquoi elle prend cette peine, elle ne va quand même pas pousser le zèle prophylactique jusqu’à se masquer pour sortir de son logement alors qu’elle me faisait la bise sans aucun état d’âme ? Mais bien vite, je comprends : premièrement, elle n’a pas la chance de disposer d’un masque déjà prêt à l’emploi et est obligée d’en utiliser un qu’il faut nouer soi-même derrière la tête ; deuxièmement, comme ses cheveux sont encore plus longs que les miens, elle est aussi obligée de les attacher afin que le port du masque, déjà désagréable, ne se mue pas en une torture pure et simple… Vachement pratique, pas vrai ? Bref, si j’ai croisé tant de gens porter leur masque autour du cou dans la rue, c’est peut-être parce qu’ils sont dans une situation similaire à celle de cette jeune femme : mais honnêtement, si tel n’est pas le cas, ils me rappellent ces automobilistes qui, quand il était devenu obligatoire d’avoir un gilet jaune dans sa voiture (c’est-à-dire longtemps avant que cet accessoire vestimentaire disgracieux devienne un symbole de rébellion), le mettaient sur leur siège de conducteur comme s’ils avaient tenu à afficher leur zèle citoyen à tout prix… En tout cas, si mon amie souhaite que la pandémie prenne fin le plus vite possible, ce n’est pas tant par peur du virus que par lassitude face à tous ces protocoles pesants ! Comme la grande majorité de la population, en fait…

14h30 : Le magasin en question est situé dans une galerie grande marchande ; j’entends déjà les gros machos me dire qu’accompagné d’une femme, je risque d’y rester longtemps… Et bien non : elle a certes des achats à faire, mais elle sait ce qu’elle veut et, à la limite, c’est moi qui retarde le plus notre marche, d’abord en me ruant sur le dernier album de Léonard, disponible chez Cultura, puis en cherchant les rayons « charcuterie » et « fromages » à l’hypermarché Géant… Bref, pour le cliché de la femme consumériste, vous repasserez : mon amie ne s’attarde même pas au rayon « chaussures »…

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