Le journal du professeur Blequin (121)

Mardi 1er septembre

9h : Deuxième sortie depuis mon retour. Je suis frappé par le nombre de voitures que je vois circuler : je ne devrais pourtant pas m’étonner d’une telle ambiance un jour de rentrée des classes, mais il faut dire que dans le trou perdu où j’étais encore en vacances il y a à peine quatre jours, la circulation automobile est si peu dense qu’on y perd vite l’habitude du trafic urbain… Curieuse coïncidence, je parlais justement hier, à des amis de mes parents, des voitures qui devront progressivement déserter les centre-villes : puisse le cas bordelais servir d’exemple !

9h45 : Arrivée à la banque, à Bellevue, où je dois encaisser un chèque. Je pourrais déjà entrer dans l’agence, mais je vois que la personne chargée de l’accueil est déjà occupée avec deux personnes. Comme je préfère limiter autant que possible le temps que je passe à porter un masque et que je n’ai aucune envie de subir les propos des autres clients, je préfère attendre à l’extérieur. Bien m’en prend : je comprends assez vite qu’il doit s’agir d’un père de famille qui ouvre un compte pour son ado branleur, lequel laisse papa s’occuper des formalités rébarbatives (un pléonasme, excusez-moi) dont il semble se foutre royalement. Jadis, je suis passé par là moi aussi avec mon père, à ceci près que je ne pianotais pas sur un smartphone que je ne possède toujours pas aujourd’hui : mais je vous assure que je n’ai rien retenu du baratin que nous avait servi la banquière, je peux donc attester que je n’étais pas plus impliqué que ne l’est aujourd’hui ce jeune garçon. Je fais donc le pied de grue devant la porte de l’agence, mais j’aime encore mieux ça plutôt que revivre une page sans intérêt de mon adolescence. Surtout s’il faut porter un masque par-dessus le marché !

10h : Passage à la poste pour honorer une commande, à présent. Bien entendu, il y a la queue à l’entrée du bâtiment. Tout le monde est masqué dans la file, sauf moi : je mets un point d’honneur à ne pas obéir avant qu’on me donne un ordre et à ne m’affubler de ce satané masque que quand c’est vraiment obligatoire. Une employée vient au-devant des personnes qui attendent et leur demandent pourquoi elles viennent : quand elle est arrivée auprès de moi, je lui réponds que je viens vérifier si le paquet, sur lequel j’ai déjà mis six timbres, est suffisamment affranchi et, dans le cas contraire, compléter l’affranchissement. La dame me prend mon paquet et me dit qu’elle va le vérifier elle-même ; peu après, elle revient et me dit qu’il manque deux timbres, ce dont je me doutais ; elle me demande donc d’entrer et me prie d’aérer la carte bleue pour que je lui achète les deux timbres, que je dois humecter à l’éponge… Cette marche à suivre est franchement fastidieuse, on aurait gagné du temps en me laissant tout faire sur les automates comme j’en ai désormais l’habitude, sans compter que j’ai le sentiment d’être infantilisé ! Je prends le chemin du retour, tiraillé entre la satisfaction du devoir accompli et un agacement similaire à celui que j’éprouve quand ma mère se montre un peu trop attentionnée à mon égard – à ceci près que ce que je peux pardonner à une femme qui m’a porté neuf mois dans son ventre passe déjà moins bien venant d’une entreprise dont je n’attends rien d’autre qu’un service simple et efficace.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *