Le journal du professeur Blequin (124)

Jeudi 10 septembre

11h : Alors que j’encre quelques dessins, j’entends sonner à la porte de mon appartement : je suis un peu étonné, je n’attends personne et, en théorie, seules les personnes munies d’un badge peuvent entrer. J’ouvre la porte et je vois un homme, visiblement âge et maigrelet, qui n’a pas dû fréquenter un coiffeur et une boutique de vêtements depuis un bon moment : il me dit qu’il cherche sa femme et me demande s’il y a dans mon immeuble une personne portant son nom… Bien entendu, je lui réponds que je ne peux pas le renseigner (je n’entretiens pour ainsi dire aucune relation avec mes voisins) et je ferme la porte avant qu’il se sente autorisé à pénétrer dans mon logis. Je sais que je ne devrais pas avoir de mépris pour ces personnes accidentées de la vie, mais je me passerais vraiment de ce genre de rencontre qui vient me rappeler brutalement que, du point de vue de mes revenus, je ne suis pas éloigné des individus mi-clochardisés qui zonent dans les quartiers populaires : mais si mes voisins n’oubliaient pas si souvent de fermer la porte de l’immeuble, ça n’arriverait pas ! Vous comprenez maintenant pourquoi je ne les fréquente pas davantage…

Vendredi 11 septembre

20h30 : Retour au Temple du pharaon pour assister et participer à une nouvelle scène ouverte organisée par le Collectif Synergie. Quand je ne passe pas sur scène, je fais des croquis des artistes : ce n’est pas si simple que ça en a l’air car les slameurs ne s’attardent pas tous sur scène et je n’ai pas forcément le temps de les prendre sur le vif ; et quand une jeune femme fait une démonstration de danse orientale, n’en parlons pas ! Pourtant, mes crobards font une forte impression : plus que les textes que je déclame, même, il me semble… Bref, je m’offre un moment de plaisir bienvenu dans cette période où une épée de Damoclès pèse sur à peu près toutes les manifestations culturelles ; quand je pense à la situation sanitaire, elle ne me fait pas peur : elle m’emmerde, c’est tout.

Samedi 12 septembre

17h45 : Je sors d’une visite chez un couple d’amis qui a eu un bébé récemment ; ça m’a remonté le moral et je décide de faire le chemin du retour à pied. C’est ainsi que je peux découvrir que la presse locale annonce deux nouvelles qui me touchent directement : la foire Saint-Michel est annulée et le salon de la BD de Brest est maintenu. Ces annonces me laissent perplexes : la foire Saint-Michel a pourtant lieu en plein air tandis que le salon de la BD, lui, se tient dans les ateliers des Capucins, donc dans un lieu fermé. J’ai peur de comprendre : dois-je comprendre que le premier événement ne rapporte rien alors que le second est rentable, ou alors qu’il est tout simplement plus facile de contrôler les gens quand ils se rendent dans un espace clos ? Bien entendu, l’un n’empêche pas l’autre, ce qui n’en rend que d’autant plus navrante la double nouvelle. Heureusement que j’ai le moral…

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