Le journal du professeur Blequin (132) Désespoir

Lundi 12 octobre

10h : Passage à la fac pour mener quelques recherches historiques et faire imprimer des polycopiés en vue de mon cours de vendredi ; pour la première activité, pas de problème, mais pour la seconde, je tombe sur un os : l’accueil du service reprographie est fermé, il est écrit sur la porte que tout doit se faire par le biais du serveur en ligne auquel je n’ai évidemment pas accès…  Je râle quelques instants mais je fais encore, pour l’instant, contre mauvaise fortune bon cœur, partant du principe que j’en serai quitte pour aller faire mes tirages dans une boutique une fois que j’aurai fini mes recherches.

14h30 : Je sors de la boutique, quelque peu furieux. En effet, non seulement on m’a dit d’aller faire moi-même mes tirages sur une machine dont je ne savais pas me servir mais, par-dessus le marché, cette fichue photocopieuse a fait bourrage sur bourrage ! Ma patience ayant des limites, je préfère renoncer : je pars avec d’autant moins de regrets que le personnel semble plus soucieux de la bonne santé des machines que du bien-être de la clientèle. Ce monde devient invivable pour les gens peu à l’aise avec la technique…

Mardi 13 octobre

14h : Je rends visite à un commanditaire qui se trouve être lui-même artiste, plus précisément sculpteur, et qui est en train de retaper un vieil hangar pour en faire son atelier ; je l’envie d’être encore motivé pour avoir des projets sur le long terme…

Mercredi 14 octobre

18h : Cours du soir. J’annonce à ma prof que j’ai remporté un prix artistique. Je suis tellement déprimé que je lui dis que je ne le méritais pas ; je sais, c’est très con, mais m’auto-dévaluer est la seule façon pour moi de supporter la situation actuelle : on accepte mieux la misère quand on se dit qu’on l’a méritée…

Jeudi 15 octobre

10h : A partir de ce jour, le port du masque est obligatoire dans toutes les rues de Brest : j’ai donc décidé de limiter les sorties, quitte à rater des choses intéressantes. J’ai même renoncé à assister à l’AG de mon laboratoire, qui devait avoir lieu aujourd’hui à Quimper ; je ne suis pas fier de moi, mais porter le masque me met de si mauvaise humeur que je préfère encore m’auto-reconfiner partiellement.

Vendredi 16 octobre

9h30 : Je suis au programme d’une journée d’étude, je n’ai pas pu me dérober à mon devoir. Bien que je n’aie pas trop le cœur à ça, j’arrive quand même à faire mon speech sur Socrate et l’assistance semble satisfaite : tant mieux si ma détresse morale ne transparaît pas trop dans mon éloquence.

14h : Je donne mon cours sur la bande dessinée : comme j’ai déjà fait le tour de ce que j’avais à raconter sur l’histoire de la BD francophone, je propose aux étudiants une initiation à l’analyse d’une planche. Bien sûr, il n’y en a que cinq ou six qui participent vraiment ; à leur décharge, comme j’ai échoué à faire mes polycopiés, ils sont obligés de regarder les planches sur l’écran où sont projetées les planches, ce qui est moins pratique…

20h : Sortie à Bohars pour assister à la répétition d’une pièce de théâtre ; quand ils discutent entre eux, les comédiens ne peuvent s’empêcher de plaisanter sur le fait que nous sommes six et que donc nous sommes dans les clous : ce genre de blague me met un couteau au cœur

Samedi 17 octobre

10h30 : Ne pouvant faire autrement, je passe à la poste puis à la boulangerie ; croisant deux fois une nonne, je croasse sur son passage histoire de me défouler. Quand je fais la queue, les blagues sur le masque et le couvre-feu me font fulminer et j’en veux au soleil de briller dans les circonstances que nous vivons : je décide de me recroqueviller chez moi jusqu’à lundi.

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