Le journal du professeur Blequin (142)

Lundi 18 janvier

19h : Jean-Pierre Bacri est mort. Macron a dû déboucher le champagne, vu qu’il a l’air de considérer que le seul bon artiste et un artiste mort ! En tout cas, s’il y a un paradis des comédiens, je souhaite bon courage à Bacri pour expliquer à ses illustres prédécesseurs que les théâtres et les cinémas sont fermés depuis trois mois au pays de Molière et de Méliès…

19h30 : Edouard Balladur va être jugé dans le cadre de l’affaire des attentats de Karachi, ainsi que son ancien ministre de la défense, François Léotard. Balladur, Léotard… C’est pas un procès, c’est une profanation de sépulture !

Mardi 19 janvier

9h30 : Je me lève avec l’angoisse au ventre et la larme à l’œil, comme presque tous les matins au moins depuis le deuxième confinement… J’en ai vraiment par-dessus la tête, de cette situation ! Ras le bol que l’Etat s’arroge le droit de me dire à quelle heure je dois être rentré chez moi voire m’interdise carrément de sortir, comme si j’avais encore douze ans ! Plein le dos de ces messages culpabilisants qui vous traitent presque d’assassin si vous avez le malheur d’embrasser quelqu’un que vous aimez, marre de voir les bars, les restaurants, les théâtres, les cinémas et tout ce qui rendait la vie agréable périr à petit feu, ras le cul de ne presque plus voir mes amis et de ne croiser dans les rues que des gens masqués comme des terroristes ! Alors si la vaccination est vraiment le seul moyen d’en finir avec ce cauchemar, allons-y sans réfléchir ! Des effets secondaires, des réactions allergiques ? Rien à foutre ! Tout vaut mieux que cette vie de merde ! Et ces imbéciles anti-vaccins, qu’ils ferment leurs gueules ! Comment peut-on être anti-vaccin, d’ailleurs ? Quand ils se cassent une jambe, ils refusent aussi qu’on leur fasse un pansement, peut-être ? Cons comme des témoins de Jéhovah…

Mercredi 20 janvier

14h40 : Je rends visite à un ami, un jeune docteur en psychologie qui a soutenu sa thèse dernièrement et je lui donne les cadeaux que je lui destinais pour l’obtention de son diplôme ; nous restons deux bonnes heures à papoter ensemble, trop heureux de nous retrouver en chair et en os dans un contexte aussi délétère… J’ignore si le couvre-feu et le confinement étaient vraiment les seuls moyens de contenir l’épidémie (quand on voit comment les Taïwanais s’y sont pris, on peut avoir des doutes), mais même si c’était le cas, je ne sortirais pas de là : pour avoir seulement eu l’idée d’interdire aux gens de se retrouver entre amis, il fallait vraiment tout ignorer de l’amitié et ses sentiments humains, il fallait être un technocrate sans cœur ni cervelle ! Je ne cite personne, vous mettre le nom que vous voudrez sur cette description…

18h : Ma mère et moi écoutons le discours d’investiture de Joe Biden… Il n’y a pas à dire, entendre un président américain inaugurer son mandat en parlant de démocratie, de réconciliation, de tolérance et de respect, ça détend. Trump est parti, les autres dirigeants populistes (Johnson, Bolsonaro, Erdogan et consorts) suivront de près… Mais c’est quand même navrant que les peuples aient besoin d’avoir la preuve de l’incompétence de guignols de ce genre, comme si elle n’était pas assez évidente sans qu’il faille leur donner le pouvoir ; voilà qui confirme malheureusement la leçon de politique désenchantée délivrée par Greg dans Le roi des Zôtres : le seul moyen efficace pour dégouter le peuple du fascisme, c’est de le lui en faire vraiment connaître le goût… Sur un air plus léger : ma mère est surprise de découvrir que le nouveau président s’appelle, à l’état-civil (ou ce qui en tient lieu aux Etats-Unis), Joseph Robinette Biden ; ça peut prêter à rire pour une oreille française, mais peut-être qu’en Amérique, c’est plus anodin. Mais même si ce n’est pas le cas, pour un homme dont le deuxième prénom aurait pu être un handicap, il aura fait une belle carrière !

Jeudi 21 janvier

19h45 : Jean Graton est mort. Sincèrement, ce décès m’affecte moins que celui d’Albert Uderzo l’année dernière, pour la bonne raison que je déteste les courses automobiles et que Michel Vaillant ne m’a donc jamais intéressé. Enfin, un créateur de BD qui disparait, c’est toujours un peu de fantaisie en moins ici-bas… Sale période !

Vendredi 22 janvier

19h : Tout en prenant l’apéritif, ma mère me raconte un fait divers révélateur de l’air du temps : une étudiante en médecine de 18 ans a été mise en garde à vue pour avoir organisé chez elle une fête avec une soixantaine de personnes ; elle avait été dénoncée par ses voisins, ce qui prouve que certaines traditions françaises héritées des années 1940 tiennent bien le coup face à la crise sanitaire… La jeune fille a été assez vite relâchée, ayant convaincu les forces de l’ordre qu’elle s’était laissée déborder, et que la trop grand nombre de convives était indépendant de sa volonté. Alors bien sûr, on va casser du sucre sur la jeunesse irresponsable qui persiste à s’amuser en temps de pandémie, mais mettez-vous cinq minutes à la place de ces jeunes, qui sont nés aux alentours de l’an 2000, qui viennent d’atteindre un âge censé être celui de toutes délivrance et qui se retrouvent face à une situation digne du moyen-âge où ils doivent renoncer à tout ce qui donne de la saveur à une vie estudiantine souvent difficile : vous vous imaginiez qu’ils n’allaient pas céder au moins une fois à la tentation de faire fi des consignes ? Moi-même, j’ai déjà presque 33 ans, mais si j’en avais l’occasion, je ne garantis pas que je refuserais de renouer, l’espace d’une soirée, avec cette vie grouillante qui me manque terriblement… C’est parce que nous désobéissons de temps en temps, c’est parce que nous assumons de prendre des risques rien que pour rendre la vie plus agréable, c’est parce que nous nous réservons le droit de ne pas nous sentir concernés en permanence par les catastrophes qui se produisent autour de nous que nous sommes des humains et non des rouages dociles. Tenez-le vous pour dit !

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