Le journal du professeur Blequin (207)

Dimanche 3 juillet

15h : Je n’en finis pas de découvrir, avec sept ans de retard, ce qui a été publié après le 7 janvier 2015 : cette fois, c’est Catharsis, l’album de Luz, que je peux lire sans être submergé par l’émotion. Malgré la gravité du thème, la dérision n’est jamais loin, l’auteur a même trouvé le moyen de rire des policiers qui le protégeaient ! Mais les planches qui me marquent le plus sont quand même celles où il exprime son amour pour sa femme, par exemple en la dessinant s’apprêter dans la salle de bain… Moi aussi, après les attentats, j’avais plus besoin de tendresse que d’humour. Et je ne sais même pas pourquoi j’en parle au passé…

Lundi 4 juillet

14h30 : Je prends le bus, destination la Plage de Sainte-Anne. Aux environs de Kerichen, une femme voilée demande au chauffeur de s’arrêter pour permettre à une femme âgée d’attraper le bus : n’en déplaise aux crétins qui diabolisent l’Islam de France et sans me sentir une seconde en phase avec cette religion débile (ce qui, je le rappelle est un pléonasme) je n’ai pas le souvenir d’avoir vu beaucoup de non-musulmans avoir un tel réflexe de solidarité…

Mardi 5 juillet

10h : Visite chez mon ancien professeur de philosophie de khâgne, aujourd’hui retraité et résidant au Faou. Je suis venu l’interroger sur sa carrière et son regard sur l’évolution du monde de l’éducation : j’ai l’impression de déranger un saint ermite avec des affaires bassement matérielles ! Pourtant, il m’accueille avec chaleur et gentillesse et ne se dérobe à aucune question. C’est peut-être ça, la sagesse…

12h45 : Profitant d’être dans le coin, je déjeune avec une amie qui réside dans les alentours. Elle me parle, entre autres, d’une arnaque dont elle a été victime de la part d’un installateur de panneaux photovoltaïques : on pouvait s’en douter, la rapacité n’est pas soluble dans la nouvelle donne énergétique. Malgré la déception que lui inspire cette escroquerie, elle reste souriante, optimiste : à quarante ans passés, elle reste une ancienne jeune fille.

Votre serviteur et une amie en Spirou et en marsupilamie.

14h30 : Avant de partir, j’accompagne mon amie qui doit envoyer un courrier recommandé ; elle doit le faire dans une maison de la presse qui fait point poste, déréliction des services publics oblige. Pendant qu’elle écrit, je jette un œil au dernier numéro du magazine Spirou : j’y remarque notamment Tamara, Kid Paddle, Le Petit Spirou… Les BD de ma jeunesse sont toujours au rendez-vous, en somme : si j’étais mauvais esprit, je dirais bien que la vénérable revue ne cherche plus à se renouveler, mais comme les jeunes ne lisent plus, je ne vois pas pourquoi ils s’ennuieraient à essayer de les conquérir !

18h30 : Après un bon bain de mer, je bois une bière en terrasse ; le vent n’est pas très chaud, surtout à l’ombre, et beaucoup d’autres consommateurs, en manches courtes, font des grimaces qui trahissent le désagrément que leur apporte la fraîcheur. Je ne comprendrai jamais pourquoi ils tiennent absolument à montrer leurs coudes et leurs genoux même quand les températures ne sont pas caniculaires : c’est à croire qu’ils aiment se torturer !

21h : Enfin rentré chez moi, j’ouvre la boîte aux lettres et je trouve un colis que j’avais commandé. Ce fait peut sembler anodin, mais il faut savoir que j’avais commandé trois choses : deux doivent m’être livrées par la poste, et la dernière par Mondial Relay. Je constate donc que c’est l’un des deux colis apportés par la poste qui arrive en premier ! Si l’autre colis postal arrive avant celui que la compagnie privée est censée me livrer, je ne penserai pas exagérer en disant que cette dernière sera totalement décrédibilisée…

Mercredi 6 juillet

16h50 : J’avais demandé à un ami de me rejoindre à Guilers pour m’aider à transporter un lourd chargement de livres récupérés chez mes parents. Malheureusement, je reçois un message de sa part m’annonçant qu’il est alité et positif au Covid… J’ai beau savoir que c’est lui le plus à plaindre, je ne peux m’empêcher de l’avoir mauvaise ! Combien de temps ce virus va-t-il encore me mettre des bâtons dans les roues ? J’en suis quitte pour rentrer par mes propres moyens, n’ayant aucune raison de m’attarder plus avant dans cette commune périphérique déprimante peuplée de beaufs que j’imagine armés jusqu’aux dents dans leurs pavillons mesquins… Ce mois de juillet commence décidément dans une ambiance mitigée !

21h : Dernière soirée Mic Mac de la saison au Café de la Plage : elle commence en retard, le grand ordonnateur de cette scène ouverte mensuelle ayant été retenu par du gardiennage d’enfant – le petit en question est tellement mignon qu’on lui pardonne aisément. Un duo féminin propose une reprise de « Femme libérée », le fameux titre des années 1980 : je ne résiste pas à la tentation, une fois la scène libérée, alors que j’ai déjà fait trois slams, je repasse pour interpréter ma parodie intitulée « Femme demeurée » ! Je vois beaucoup de gens froncer le sourcil : manifestement, on l’interprète encore une fois comme une chanson machiste alors que c’est une parodie antifasciste visant uniquement une grosse réac raciste… Sincèrement, ce malentendu m’étonne, je ne pensais pas qu’on pouvait la comprendre ainsi ! Alors, avant de partir, pour calmer le jeu, j’interprète mon slam « Girl Power » ! Je suis prêt à faire face à beaucoup d’accusations, mais pas à celle de misogynie ! Y a pas marqué « Tex » ou « Bigard », ici !

Jeudi 7 juillet 

9h : Bref passage chez le médecin. Je ne suis pas malade, je viens seulement lui demander comment je dois faire pour le déclarer comme médecin traitant (et ne plus être majoré quand je suis remboursé) et signaler à la CPAM que j’ai changé d’adresse depuis trois ans (pour que mes parents ne reçoivent plus le courrier qui m’est destiné) : pour la première opération, pas de problème, mais pour la seconde, il faut que je fasse moi-même la démarche… J’ai tellement horreur de l’administration que je suis presque aussi démoralisé que s’il m’avait diagnostiqué une maladie incurable ! En attendant, on peut déjà en diagnostiquer une à notre foutu pays : le légicentrisme…

9h40 : J’arrive devant le bureau de poste du centre-ville : il n’ouvre que dans vingt minutes ! Je prends encore mon mal en patience même si je ne vois toujours aucune raison valable pour que chaque bureau de poste retarde son ouverture d’une heure une fois par semaine… Autant le service qu’apporte la poste pour acheminer lettres et colis est impeccable, autant pour l’accueil des usagers, c’est zéro !

10h15 : Après les avanies de ce matin, je comptais sur une nouvelle sortie à la mer pour me changer les idées ; mais à l’endroit où le bus est censé tourner pour atteindre la plage, il ne tourne pas ! Renseignement pris, il y a une déviation et l’arrêt n’est desservi que dans le sens du retour ! Un trajet rallongé d’une demi-heure parce que les responsables sont incapables d’imaginer qu’on puisse avoir besoin d’accéder à la plage au mois de juillet… Une fois arrivé, je respire enfin : comme le temps est plutôt nuageux, je me dis que la plage sera calme ; de fait, elle l’est… Jusqu’à ce qu’arrivent les gamins du centre aéré ! Il y a des jours…

15h : Ce que je dis de la poste se confirme : deux jours après ma visite chez mon ancien prof de philo, j’ai réceptionné une lettre qu’il m’a écrite hier. Décidément, la poste a deux faces : l’une qu’elle présente au public, celle des ronds-de-cuir fainéants et mesquins, et l’autre qu’on ne voit pas, celle des facteurs qui font un boulot formidable. Décidément, la vie ne devait être imprimée que d’un seul côté.

18h30 : Pour se perdre au port de commerce, il faut le faire exprès : il faut donc croire que je le fais exprès car je trouve le moyen de me tromper de chemin pour aller à La Raskette ! Même au port, les rues ont été tracées en dépit du bon sens et je me demande comment je fais mon compte pour me fourrer dans des situations pareilles…

Cette chanteuse de talent n’est pas le branleur en question, heureusement pour elle.

19h30 : La soirée Open Mik commence ; malheureusement, l’animatrice habituelle est absente et remplacée par un branleur qui se prend pour David Guetta à Ibiza ! L’ambiance est d’autant plus détestable que cet individu, très imbu de lui-même, se fiche éperdument des autres artistes : quand je lui demande de pouvoir passer en tant que slameur, sa première réponse est de me proposer de m’accompagner au piano ! Il ne me demande même pas comment je m’appelle ! Je finis par partir une heure plus tôt que d’habitude, voituré par un clarinettiste qui partage mon sentiment…

Vendredi 8 juillet

15h : Je rentre de la plage où je m’obstine à aller en dépit de la déviation qui rend la route laborieuse ; les touristes sont déjà nombreux en ville et, bien sûr, ils ont tendance à se croire en pays conquis ! Après deux années où la peur du virus les avaient maintenus dans leurs clapiers, j’avais oublié à quel point ils étaient désagréables… Refugees welcome, tourists go home ! Dans ma boîte aux lettres, je retrouve le second colis livré par la poste : celui que doit m’apporter Mondial Relay, je l’attends toujours…

18h : Vernissage de l’exposition des cours publics des Beaux-arts de Brest : de notre atelier, notre professeur n’a retenu que les petits dessins au format carré que nous rapportions à chaque début de cours ; des miens, elle en a gardé huit sur une bonne quarantaine… Certains seraient vexés, mais je suis déjà bien content d’être exposé, d’autant que je suis retrouve des gens éclairés et sincèrement intéressés par l’art, ce qui me change des cas sociaux que je croise dans les rues et les transports en commun !

C’est quand même beau, le Finistère…

Samedi 9 juillet

16h : J’écris de Porspoder où j’avais promis de venir pour la dernière édition du salon Arts Pluriels. Ça se passe moyennement bien : soleil oblige, le public ne se bouscule pas pour un événement en intérieur, l’association organisatrice ne rentre même pas dans ses frais, la municipalité n’a pas tenu ses promesses… J’ai de la peine pour la présidente de l’asso et je comprends mieux pourquoi elle jette l’éponge ! Décidément, il y a des efforts qui sont bien mal récompensés…

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