Eloge de la fugue jospinienne

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Dimanche dernier, après les résultats des municipales, j’ai pensé à Jospin. Pas pour le 21 avril et le piège à bourgeois, le front républicain ou la mort. Attends avant de gueuler, on en reparle après du front, le républicain et le vilain pas beau national caca pas de l’oie. J’ai pensé à Jospin disais-je, parce que malgré l’immense estime que je me porte à moi-même en temps normal, je dois avouer que je me suis trompé sur son compte.

D’abord l’austère qui se marre est le dernier à avoir porté une mesure sur la réduction du temps de travail. Elle est peut-être bâclée, un peu moche, un peu trop fourrée à la guimauve pour faire plaisir au MEDEF, mais bon quand tu vois la gueule d’un(e) ministre du travail, il ne faut pas s’attendre au grand soir. Reste que c’est la dernière vraie mesure de gauche qui a été prise dans ce pays. Maintenant, la réduction du temps de travail passe par le temps partiel imposé, l’intérim, le plan « social », et est largement financée par L’Unedic et le RSA. Ce qui prouve bien que les employeurs français sont les premiers assistés de ce pays. Gloire t’en soit rendue à travers toute l’Ile de Ré, Lionel, les lambeaux de la gauche n’oublient pas.

D’un autre côté, il y a eu le 21 avril et la désertion en rase campagne. A l’époque, je lui en ai voulu au frisé, de partir se dorer la pilule en nous laissant à choisir entre l’escroc et l’escroc-facho. Maintenant que les années et les litrons de rouge m’ont apporté la maturité nécessaire pour bien voir que la différence entre l’UMP et le FN est aussi sensible que celle entre le jambon de Bayonne et le jambon de Parme, je me dis que c’est lui qui avait raison. Démerdez-vous, bandes de cons. Ok, j’ai échoué à remporter un scrutin imperdable, et j’en tire les conclusions qui s’imposent: on ne changera pas ce pays de merde avec toute la bonne volonté du monde. Si tout le personnel politique voulait bien partir en exil à chaque fois qu’il se plante aussi lamentablement qu’un de nos représentants à l’Eurovision, on serait bien tranquille et on pourrait vraiment échanger des idées.

Le titre de la dernière chronique de Blequin m’interpelle également. « Non à la résignation », titre avec raison mon illustre camarade de colonne. Très bien, mais en fait, qui sont les résignés? Les gens qui nous expliquent qu’il n’y a pas d’autre voie que la rigueur, que la crise, ou que la fermeture des frontières, les électeurs qui votent pour la haine et la connerie à l’état pur et qui cherchent des boucs-émissaires parce qu’ils n’ont aucun recours contre les mêmes qui s’échangent le pouvoir depuis la naissance de la République (en même temps, c’est bien eux qui les élisent depuis des lustres), comme quand les charges étaient héréditaires? On ne dirait pas, mais c’est assez précisément ça, la lutte des classes. La gauche n’en profite pas, parce qu’au lieu de vouloir en sortir par le haut, elle se bat avec les armes des bourgeois: des meilleurs salaires, un peu de gratuité mais pas trop quand même sinon plus personne ne voudra produire, du développement « durable »….et une immuable tendance suicidaire à cogner sur son copain plutôt que sur son adversaire. Quand Basta et le Front de Gauche ont commencé à quasiment se traiter mutuellement de fascistes, j’ai pensé que la droite, PS inclus, était là pour des millénaires. Comme les 35h furent la dernière mesure de gauche prise en France, j’ajouterai que la dernière grande pensée politique émise en cette malheureuse contrée fut l’oeuvre de Coluche, qui consiste en gros à dire que le « peuple », les « électeurs », les « prolétaires », les « citoyens », appelez-les comme vous voulez, n’en ont pas grand-chose à foutre du travail pourvu qu’ils puissent se procurer leur pitance et mener une existence digne de ce nom.

J’ai bien peur que Steeve Briois, le nouveau bourgmestre d’Hénin-Beaumont, n’ait pas tort quand il affirme que cette fois le vote Front National n’est pas un vote de contestation mais bien un vote d’adhésion. Dans mon boulot comme au quotidien, j’ai trop souvent l’occasion d’entendre la droite « décomplexée », celle qui trouve qu’on devrait renvoyer les Roms chez eux alors qu’elle ne rechigne pas à toucher des salaires et des prestations au Luxembourg, celle qui médit des assistés, des pédés et des bonnes femmes, celle qui est prête à tuer pour une rayure sur sa bagnole de merde, celle qui aimerait bien monter sa boîte pour être son propre esclave au lieu d’être celui d’un patron ou de la nécessité, et qui même pas encore inscrit à la Chambre du Commerce trouve déjà que la France est à la solde d’une secte socialo-maçonnique qui opprime le pauvre petit patron à coups de charges et du coup le patron est triste et il se venge sur ses salariés, celle qui passe son temps à geindre mais qui préfèrerait crever et faire crever la moitié du monde plutôt que de bouger son cul, bref cette frange désespérement moyenne de la population qui broute, qui rumine, qui chie sans regimber pendant des années et qui veut tout casser quand il n’y a plus d’herbe.

Dans ma bonne ville de Metz, où il arrive parfois qu’on ait un temps d’avance, il n’y aura pas d’alliance entre le FN de Mme Grolet et l’UMP de Mme Zimmermann. La candidate de l’UMP avait pris les devants et fait alliance avec M. Masson qui a un pied dans les deux partis dès avant les élections. Mais les deux candidates, dans leurs programmes, semblent être décidées à faire de mon patelin un enfer sur terre, avec des parkings partout pour ne jamais être loin des centaines d’entreprises qui vont fleurir juste sur la bonne mine de ces dames qui vont réussir là où tout le monde a échoué avant. Mention spéciale à Mme Grolet qui fait des procès au Fonds Régional d’Art Contemporain quand on dit que Jésus est un baltringue masochiste et démagogue, dans la plus pure tradition fasciste chrétienne, et qui considère la femme comme un accessoire commode du mâle dominant (sans comparaison aucune entre les deux partis mais dans le même ordre d’idées, le Front de Gauche a bien proposé de rendre le Centre Pompidou « moins élitiste ». Vous ne voulez pas rendre la physique moins quantique aussi?). Et je me vois contraint de souhaiter une victoire de Dominique Gros pour ne pas demander l’asile politique à Nancy. Putain de vie de merde.

Bref, la politique et les mandats représentatifs, mes bon(ne)s ami(e)s, ça eut payé. Pas question de dire « tous pourris », mais par contre tous odieusement déprimants, ça pas de problème. Je continuerai à faire plus confiance aux associations et aux services collectifs pour faire de la vraie politique. En ce moment, j’ai plutôt le sentiment que dans la République des aveugles, c’est la fille du borgne qui gagne à la fin.

Alors vois-tu, cher professeur Blequin, je suis d’accord avec toi pour ne pas prêter le flanc à la résignation et aux passions tristes, et pour continuer à donner dans la gaya scienza éthylique et hédoniste. Mais attendre quelque chose d’un candidat quelconque, c’est déjà de la résignation.

One thought on “Eloge de la fugue jospinienne

  1. J’aime quand on me parle comme ça ! Ca change du train train quotidien des grands merdias !

    Parler vrai qu’ils disent…..mon cul je réponds !

    Merci Jonathan !

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