Le moulin du Pape (suite et fin)

Sans le prompt renfort de quelques bouteilles de rosé et de la rafraîchissante nouvelle Reine de la Mirabelle, la ferveur des plus fidèles zélateurs de la bande à Jésus aurait pu être mise à mal par la canicule qui nous accable depuis quelques jours, et qui évoque plus les flammes de la géhenne que la brise tempérée d’un paradis terrestre auquel personne ne croit plus guère avec tous ces travaux au centre-ville. Les latinistes nous rappellent par ailleurs que le vocable « canicule » signifie petit chien, en référence à Sirius, le fidèle compagnon d’Orion et l’étoile la plus brillante de la constellation du Grand Chien, symbole d’une autre bande d’illuminés qui attendent que l’archange Gabriel ou les extra-terrestres les emmènent vers un monde meilleur, sans parcmètres, sans impôts et sans féministes qui se croient autorisées à disposer selon leur bon vouloir d’un utérus dont seul notre Seigneur a bien voulu leur confier la garde. Dans le système stellaire chinois, cette étoile appartient à la constellation du Loup, et l’on commence à s’inquiéter de l’omniprésence des canidés dans ces lignes.

Ainsi donc, le souverain pontife, qui a fort peu goûté le climat torride de la péninsule ibérique et l’amateurisme des organisateurs qui n’avaient pas prévu assez d’hosties pour tout le monde, a annoncé à une foule en liesse et en proie à l’extase mystique (à moins que ce ne fut le soleil et la bière sans alcool) que les prochaines journées mondiales de la jeunesse se tiendraient au Brésil en 2013. Si le service marketing de l’Episcopat m’avait consulté, ce qu’à Dieu ne plût, j’aurais plutôt suggéré 2015, à cheval entre les Jeux Olympiques et la coupe de monde de football: cela aurait permis de surfer sur la vague d’enthousiasme provoquée par ces rassemblements populaires, et eut assuré aux hosties, compte tenu de la forte population de sportifs présents, une saveur EPO/créatine à même de faire revenir dans le giron de l’Eglise le plus avili des mécréants. Au lieu de me créer nonce apostolique pour cette brillante idée, le Pape a utilisé un prétexte extrêment fallacieux qui voudrait que le Brésil soit un pays d’une grande tradition catholique.

Et bien Benoît mon ami, puisque tu le prends comme ça, la fille aînée de l’Eglise va se faire un devoir de te montrer qui c’est qu’a la plus grosse tradition. Primo, quand ton illustre prédécesseur Alexandre VI a partagé le monde à découvrir dans sa bulle Inter Caetera de 1493, le Brésil était scindé en deux entre le Portugal et l’Espagne d’où tu reviens à peine donc ce serait un peu redondant. Deuzio, les premiers missionnaires jésuites et franciscains du Brésil commençaient à peine à tester la résistance des ventres indiens aux lames de leurs épées que la France avait déjà fourni douze papes et mêmes des antipapes. Tertio, les Indiens à qui appartenaient les ventres en question ont une tradition animiste d’une époque où les scénaristes du Nouveau Testament ne savaient même pas que leurs histoires de zombies qui mangent un bout de prophète tous les dimanches deviendrait un blockbuster. Et toc.

Mais nous te voyons venir avec ta grosse mitre: tu veux fayoter auprès du Patron pour qu’il te prête vie jusqu’en 2013 pour empêcher la Théologie de la Libération de proliférer de la pampa argentine à la cordillère des Andes et de répandre le poison de l’idéologie marxiste qui fait croire aux gens de pauvre extraction que la soumission n’est pas bonne pour eux, alors que l’on peine à imaginer ce qu’ils feraient livrés à eux-mêmes. De ce point de vue, je te soutiens et j’approuve toute initiative qui nous mettra à l’abri de la prolifération des chrétiens et des gauchistes. Toutefois, avant d’organiser des Journées Mondiales pour tenir la jeunesse en muselière, il convient de se rappeler que le printemps de la vie n’est pas voué au conformisme et aux traditions surranées, et qu’il est toujours bon d’écouter les prières discordantes.

En guise d’épilogue à ce feuilleton haletant, je concluerai en disant que je veux bien renoncer à la prestigieuse charge de nonce apostolique, mais je garde la robe.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *