Depuis le discours de Dakar, on savait que selon Sarko l’Homme africain n’était pas assez entré dans l’Histoire. Il vient en revanche de s’inviter avec fracas dans la campagne présidentielle, avec les « révélations » de M. Bourgi, qui ne révèlent rien sinon l’hypocrisie de nombre de journalistes et de média sur un sujet qui remplit depuis des années les colonnes de confrères un peu moins obséquieux avec les différents pouvoirs en place. Mais puisqu’on parle valises, gros sous, et hypocrisie, penchons nous sur nos chères banques qui n’en mènent pas plus large sur les marchés que Dominique de Villepin dans les sondages d’opinion.
Vincent Auriol disait: « les banques je les ferme, les banquiers je les enferme ». Quelques décennies après cette enthousiasmante déclaration d’intention, les banques sont toujours ouvertes et M. Auriol a soldé ses comptes, mais on voit que la défiance à l’égard de ces institutions financières ne remonte pas à la crise des subprimes, et je vous fais grâce des affaires du Crédit Lyonnais, des avoirs de dictateurs, du blanchiment d’argent, et de la croissance aussi exponentielle qu’injustifiable des frais de gestion. Les principales banques françaises ont donc perdu entre un tiers et la moitié de leur valeur boursière et beaucoup de leur crédit en quelques heures sous l’effet de la crainte qu’inspire même à Christine Lagarde l’insolvabilité de l’Etat grec, prouvant que les stress tests n’étaient que poudre aux yeux. Car si en matière d’insécurité, il ne faut montrer aucun relâchement pour distiller la peur, dans les disciplines économiques il faut absolument laisser croire que l’on maîtrise son sujet: Eric Besson, Valérie Pécresse et François Baroin se succèdent ainsi pour jurer la main sur le coeur que les banques françaises sont solides. N’empêche qu’en privé, Sarkozy commence à douter de l’avenir de la zone euro et que l’Allemagne ne pourra pas éternellement faire des chèques en blanc. Même s’il est évident que les marchés financiers font pression sur les Etats pour comprimer leurs coûts (entendez privatiser ce qui peut encore l’être) pour accroître la rentabilité des dettes souveraines, les politiques ont beau jeu de faire les victimes d’une crise dont ils sont aussi responsables, en ayant permis aux banques de cumuler activité de crédit, c’est-à-dire financement de l’économie, et activité de spéculation, c’est à dire investissements douteux dans les fonds de pension et les rachats de dettes toxiques. Après la crise de 2008, Barack Obama avait d’ailleurs menacé les banques américaines de revenir à un dispositif similaire aux accords de Bretton Woods qui limitaient la spéculation contre la monnaie, qui est aujourd’hui à l’origine de la crise de la dette.
Aujourd’hui, beaucoup préconisent une nationalisation partielle ou totale des banques. Outre que cela semble plus qu’improbable au vu de la législation européenne, ce serait faire supporter le coût de la crise à des Etats déjà surendettés, et donc aux contribuables qui ont déjà allongé la monnaie en 2008 pour injecter cinq milliards dans nos banques si solides. Trichet, le patron de la Banque Centrale Européenne, assure qu’il est prêt à faire marcher la planche à billets, quitte à relancer une inflation qui occupait encore il y a peu la même place que la Corée du Nord dans l’Axe du Mal. L’Italie quant à elle a fait appel à des investisseurs chinois (qui avec le Japon possèdent déjà plus de la moitié de la dette américaine, et qui sont en train de bâtir une « Chinafrique » qui devrait assainir la vie politique française), et l’Islande a trouvé la solution la plus originale en envoyant promener ses créanciers par référendum et en négociant directement avec le FMI. Même Eric Cantona suggère de retirer toutes ses économies des banques, ce qui serait assez amusant pour le plaisir de la nuisance, mais ne changerait pas grand-chose en cas de chute de l’euro. Enfin, les plus enragés envisagent de sortir de l’euro, voire de mettre un terme à l’expérience de la monnaie unique, ce qui serait carrément suicidaire dans un pays aussi peu industrialisé et innovant et aussi dépendant en énergie que la France (désolé pour les pro-nucléaire, mais l’uranium ne pousse pas dans la Beauce, même si les centrales en laissent fuir partout). Bref, on le voit, c’est la panique totale, et le spectre de la crise de 1929 et de ses funestes conséquences plane sur l’Europe que même les largesses d’Omar Bongo ne sauraient renflouer. Bon sinon en passant, on peut peut-être aussi sortir du capitalisme financier et transformer les banques en coopératives avant que le nationalisme et son cortège de dictateurs en devenir ne re-transforment l’Europe en champ de bataille nucléaire, mais là je rêve un peu à voix haute.
Dans un prochain épisode, nous organiserons un référendum sur l’opportunité de pendre les patrons de Standard&Poor’s avec les tripes des curés de la Banque Centrale Européenne, ou pour les plus sensibles, à leur faire subir le célèbre high-kick d’Eric Cantona.