L’été messin étant peu enclin à l’ensoleillement et peu propice aux expositions d’art contemporain intéressantes, entre une exposition « chefs-d’œuvre ? » mourante, une exposition de Buren vide de sens et pour finir une exposition sur « l’art contemporain raconté aux enfants » de Gianni Colosimo, qui a dû en faire cauchemarder plus d’un, il faut que je vous l’avoue, chers lecteurs du Graoully Déchainé, je suis allé me ressourcer à la capitale.
La possibilité que nous avons aujourd’hui, nous messins, de rallier Paris en 1h30 grâce à la ligne grande vitesse ainsi que l’ouverture récente du centre Pompidou Metz, m’a redonner envie de redécouvrir le centre Pompidou 1er du nom, le centre Beaubourg, ouvert au public en 1977. Il faut se le dire, nous les provinciaux, nous ne sommes rien face aux Parisiens, qui ont la chance de découvrir de multiples spectacles et expositions qui ne viendront jamais jusqu’à nous, si nous, nous ne ferions pas l’effort de venir à Paris. En effet, la ville de Paris est la ville où il faut être, qui symbolise la France à elle seule. Il faut croire que les autres bourgades qui composent notre beau pays sont insignifiantes face à la belle ville de Paris. Trêve de plaisanteries…
Ce qui m’a le plus choqué en entrant au centre Pompidou Paris, c’est le manque de communication concernant le centre de Metz alors qu’ils sont père et fils, mais dans toute relation filiale, il a des hauts et des bas, laissons donc grandir notre centre Pompidou et je suis sûr qu’il obtiendra la reconnaissance de ses pairs…
En plus d’être le musée national d’art moderne, le centre Beaubourg est également un espace d’expositions temporaires et c’est là que le bât blesse pour celui de Metz qui n’est qu’un espace d’expositions temporaires.
J’ai donc découvert en visitant Beaubourg une exposition fort intéressante ayant pour thème l’Inde. Cette exposition prend malheureusement fin aujourd’hui. L’article que vous êtes en train de lire n’a donc pas vocation à vous donner envie de vous y rendre, mais plutôt de vous faire découvrir ou redécouvrir, pour ceux qui ont eu la chance de la voir, l’exposition « Paris – Delhi – Bombay… » à travers les œuvres qui m’ont le plus interpellées. Cette exposition présente une autre réalité de l’Inde, son vrai visage, totalement différent des films guimauves made in Bollywood. A travers cet article, je veux que vous preniez part à l’intérêt que je porte à toutes les cultures d’Extrême-Orient ainsi qu’à ce magnifique pays qu’est l’Inde.
L’exposition « Paris – Delhi – Bombay … » propose de découvrir l’Inde d’aujourd’hui à travers les regards croisés de 50 artistes indiens et français. A travers six thématiques, les visiteurs en apprennent plus sur ce pays qui restent encore trop méconnu des Français. Ces thèmes (la politique, l’urbanisme/l’environnement, la religion, le foyer, l’identité et l’artisanat) sont explicités au sein d’un espace documentaire central avant de laisser place aux œuvres qui en sont liées.
L’exposition s’ouvre par l’œuvre d’ORLAN, qui s’intitule « draps-peaux hybridés » qui mêle les drapeaux français et indien pour une invitation au partage des cultures.
Au beau milieu de l’espace central qui définit les six thématiques, le visiteur est accueilli par la tête, un brin pop art, sculptée par Ravinder Reddy, qui glorifie la femme indienne contemporaine.
Thème 1 : la politique :
Les questions politiques sont au cœur des préoccupations de nombreux artistes indiens qui mettent en perspective les évènements contemporains ainsi que l’histoire de l’Inde et son passé colonial. Dans ce thème, on y traite également du système de castes et de l’émergence de la nouvelle classe sociale moyenne.
L’œuvre de Sunil Gawde, « Virtually Untouchable – III » présente trois guirlandes de fleurs rouge vif suspendues à un mur et posées sur une chaise. En s’approchant de l’œuvre, on remarque que les fleurs sont en fait des lames de rasoir peintes en rouge. Cette œuvre fait référence aux assassinats successifs de personnalités politiques indiennes.
L’artiste Nalini Malani évoque à travers « Remembering Mad Meg » le combat tragique des femmes qui luttent pour leur reconnaissance dans une société où leurs droits sont souvent bafoués. Au travers d’un système de vidéo et de théâtre d’ombres, l’artiste évoque les conflits religieux et politiques que subit la population indienne dont les femmes sont les cibles subissant sévices et viols.
Thème 2 : l’urbanisme et l’environnement :
L’urbanisation croissante de l’Inde transforme ses paysages pour le meilleur mais souvent pour le pire. Dans ce thème, on y traite de la forte densité de la population, du manque d’urbanisation, de la présence de nombreux bidonvilles (20 bidonvilles de plus de 200 000 habitants) ainsi que de l’activité première du monde rural, l’agriculture.
L’artiste Hema Upadhyay nous plonge dans l’atmosphère d’un bidonville, celui de Dharavi à Bombay (l’un des plus vastes du monde). L’artiste a reproduit ce bidonville à la verticale. On peut observer l’organisation des rues, du système électrique, … A travers son œuvre, l’artiste évoque la densité des quartiers surpeuplés de ce bidonville mais elle rend aussi hommage à ces habitants qui ont réussi à créer une véritable ville dans la ville.
Jitish Kallat, avec son véhicule hybride évoquant une carcasse d’animal, témoigne de façon grinçante l’enfer de la circulation dans les grandes villes du pays. » Ignitaurus « est une sculpture hybride, rencontre entre une moto et un squelette de taureau. L’artiste s’est inspiré de photos de véhicules incendiés par des manifestants en colère lors de crises sociales pour réaliser son œuvre.
Thème 3 : la religion :
La religion est omniprésente en Inde. Dans ce thème, nous est présenté l’ensemble des religions présentes en Inde (hindouisme, islamisme, christianisme, sikhisme, bouddhisme, la communauté des jaïns et des parsis). L’Inde est un état dit séculariste c’est-à-dire qu’il reconnaît et protège toutes les religions mais n’en favorise aucune.
Les artistes Pierre et Gilles présentent à eux seuls une vingtaines d’œuvres, en lien avec ce thème, qui reflètent leur fascination pour l’esthétique de la culture populaire indienne, celle des affiches des films de Bollywood et celle des icônes religieuses.
Gilles Barbier a conçu pour cette exposition une grande installation qui évoque un archipel composé de plusieurs petites îles reliées entre elles par des ponts. Une structure en forme de damier vient se poser sur ces îlots. Les pions du damier sont des clones nains de l’artiste habillés de costumes extravagants.
Nikhil Chopra explore les questions liées à l’identité, à l’autoportrait, et à la pratique de la pose avec des références à l’Inde coloniale. L’artiste est venu habiter son espace dans l’exposition au moment de l’inauguration. Il a alors réalisé des actions de la vie quotidienne, et a dessiné aux murs la vue de Paris observée depuis une petite ouverture aménagée dans la paroi.
Riyas Komu a réalisé une œuvre qui comporte onze paires de jambes de footballeurs sculptées dans du bois. Au travers de cette œuvre, le football est comparé à la religion apportant joie et cohésion sociale.
Thème 4 : le foyer :
Il s’agit d’une notion centrale dans la société indienne, où la famille tient une place privilégiée. Au cœur de ce thème, on y traite des mariages arrangés et du rôle joué par la femme mariée au sein de sa belle-famille.
Atul Dodiya peint la déesse Mahalakshmi sur un store métallique comme le font les commerçants indiens dans l’espoir qu’elle leur apporte la prospérité. Une fois le store remonté, l’artiste laisse apparaître l’image d’un suicide collectif de trois sœurs dont la famille n’a pas pu payer la dot exigée pour le mariage.
Ce même artiste revisite Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman en réalisant un montage sur les différentes facettes de la féminité. On y reconnaît Liv Ullmann, Brigitte Bardot, Jeanne Moreau et Madhabi Mukherjee.
Les artistes Thukral et Tagra se penchent sur la question de l’éducation sexuelle, inexistante en Inde, à travers des installations qui invitent au plaisir tout en préconisant une attitude responsable. Dans leur peinture, les artistes se réfèrent aux célèbres temples de Khajuraho et leurs sculptures érotiques. Il faut savoir que la sexualité constitue un tabou en Inde alors que de plus en plus d’images suggestives sont présentes dans les médias. Les artistes tentent de faire passer un message à la jeunesse indienne : ne pas avoir honte des plaisirs du corps et d’agir de manière responsable face au risques liés au VIH.
Thème 5 : l’identité :
Etre indien, mais aussi être femme, vouloir le devenir lorsqu’on est né homme, être attiré par des personnes du même sexe : telles sont les questions qu’abordent les artistes dans un pays où celles-ci sont rarement débattues ouvertement. Je n’ai malheureusement aucunes photographies des œuvres présentes dans ce thème. Les œuvres, en lien avec ce thème, traitaient de l’émancipation féminine, des tabous de l’homosexualité masculine (à travers un roman-photo fort drôle), des hijras, créatures du 3ème sexe censées jouer un rôle de bon augure dans le fêtes et les cérémonies en Inde. On y parle aussi de la femme dans la société et le fait qu’il naît moins de filles que de garçons en Inde ; déséquilibre dû notamment aux avortements sélectifs. Cette préférence s’explique par des raisons économiques (dot et départ de la fille au sein de sa belle-famille une fois mariée).
Thème 6 : l’artisanat :
Loin d’être simplement décoratif, l’artisanat est le moyen par lequel les peuples expriment leur dévouement religieux, leur rapport à la nature. Ici, les artistes traitent, à travers l’artisanat, de sujets d’actualité.
Jean-Michel Othoniel a imaginé, grâce aux sons stridents entendus dans un village de verriers, sa première sculpture instrument, faite de verres colorés. En s’entrechoquant, ces éléments créent une musique cristalline. A travers son œuvre, l’artiste rend hommage aux formes et aux couleurs des éléments décoratifs indiens.
Pour terminer, j’espère, chers lecteurs, à travers cet article, vous avoir donné envie d’en savoir plus sur l’Inde mais, également, vous avoir donné envie d’aller à la rencontre des artistes contemporains et de leurs œuvres. Pour cela, je vous redonne rendez vous très prochainement, et cette fois-ci, au centre Pompidou Metz, pour découvrir deux expositions qui valent le coup : Erre, variations labyrinthiques, qui est donc la deuxième grand exposition du centre après « chefs-d’œuvres ? » qui est ouverte depuis le 12 septembre et Bivouac, la première rétrospective française des frères Bouroullec à partir du 07 octobre prochain.