Enfin, il a parlé. Le 20 heures de TF1, qui a l’habitude de remplir du vide avec du rien n’a pas dérogé à sa ligne de conduite et à sa déontologie, en invitant Dominique Strauss-Kahn, qu’on attendait plus au Journal du Hard, à revenir sur les évènements qui l’ont contraint au coïtus interruptus avec la primaire socialiste, et on ne peut que se réjouir qu’il ait pour une fois réussi à se retirer sans intervention de la justice. Mais après la contrition dont la mise en scène étriquée (c’est un lapsus) et la vacuité étouffaient la sincérité, l’animal politique n’a pas oublié que Priape était aussi le protecteur des troupeaux et a lancé deux idées qui méritent que la gauche s’y attarde et se défasse de sa ceinture de chasteté qui l’empêche de s’accoupler avec « l’autre gauche » après lui avoir fait du gringue à la Fête de l’Humanité.
Tout d’abord, revenant sur la crise de la dette et sur la quasi-faillite de la Grèce, DSK a préconisé à demi-mot l’effacement pur et simple de la dette héllénique, le pays de Socrate étant déjà exsangue et n’ayant plus rien à brader. Mieux qu’une séparation des banques de crédit et des banques d’affaires, mieux qu’une nationalisation totale ou partielle des vampires financiers, il reprend une vieille idée qui concernait à l’origine les pays du Tiers-Monde, qui ne s’est jamais concrétisé au prétexte qu’annuler la dette de dictatures ne profite qu’aux dictateurs, ce qui est un peu hypocrite quand on mange dans la main de ces autocrates. Par la suite, il a suggéré une idée qui a du faire faire deux infarctus et trois AVC à Claude Guéant, en insistant sur la nécessité pour l’Europe de s’ouvrir à l’immigration pour faire face au vieillissement de la population qui oblige Claire Chazal à présenter le 20 heures au lieu de s’occuper de ses géraniums. Voilà une proposition qu’on n’avait pas entendu depuis des lustres au Parti Socialiste qui tout occupé à prouver sa crédibilité sur les questions d’insécurité avait oublié qu’il s’agissait avant tout d’une question sociale à laquelle l’armée n’avait pas plus de réponse qu’un candidat de « Qui veut gagner des millions » à une question de finances publiques. Bizarrement, les commentateurs font peu écho à cette affirmation qui fut pourtant le seul intérêt de l’interview, préférant s’étonner de la « révélation » du pacte qui unissait DSK et Martine Aubry, qui risque de légèrement gêner la maire de Lille aux entournures en renforçant sa réputation de candidature de substitution. Si Sarkozy a prêté son organe central de propagande, c’est bien sûr pour venger TF1 de l’affront de la forte audience du débat de la primaire, mais aussi pour assurer un maximum de visibilité à ce genre de petite phrase.
Mais notre Président aime tant la télévision qu’il regarde des jeux où les candidats sont encore moins cultivés que lui, qu’il tient à nommer les directeurs de toutes les chaînes françaises (qui ne diffusent déjà presque toutes des séries policières), et qu’il tient absolument à y passer le plus souvent possible. Incitons-le à zapper sur une chaîne américaine, et il verra qu’une centaine de jeunes américains ont tenté d’occuper Wall Street, le temple mondial de la finance, inquiets du fait que les Etats-Unis comptent 50 millions de pauvres, ce qui en proportion est quand même moins qu’en France. Ils ont bien sûr été repoussés par la police, qu’on n’appelle pas pour rien les chiens de garde du capital. De même, Barack Obama envisage d’augmenter significativement les impôts des riches, alors qu’il n’est même pas en campagne électorale. Dirigeons ensuite le co-Prince d’Andorre vers une chaîne allemande, où il pourra s’apercevoir que la coalition de sa copine Angela Merkel s’est pris une trempe à Berlin, et que le voisin danois qu’on prend si souvent en exemple pour sa gestion de l’assurance chômage, vient de passer à gauche. Eteignons le poste présidentiel, et comptant sur l’intérêt de Sarkozy pour les journées du Patrimoine (où exceptionnellement cette année personne n’a visité Carla Bruni), emmenons-le visiter le Palazzo Strozzi de Florence, où se tient une exposition sur les banques florentines et lombardes du Moyen-Age et de la Renaissance qui atteste que les établissements financiers étaient déjà des sangsues à cette époque qui a vu naître l’usure et la thésaurisation. Rappelons aussi au chanoine de St Jean du Latran comment ont commencé les émeutes de la faim et le printemps arabe. En bref, l’argent qui n’avait encore pas d’odeur il y a peu, commence sérieusement à puer au nez de ceux qui en ont de moins en moins, et si même Strauss-Kahn, au milieu de ses tracas judiciaires, s’en est rendu compte avec acuité alors qu’on peut difficilement le taxer de gauchisme enragé, c’est que la situation pourrait vite s’envenimer si on persiste sur la voie de la rigueur et de la criminalisation de la pauvreté.
Dans un prochain épisode, nous plaiderons pour la métempsycose et nous espèrerons que Dominique Strauss-Kahn deviendra un grand leader bonobo, sympathique primate dont l’organisation matriarcale l’aiderait à concilier ses passions.