Chronique sous polonium

Les plus misanthropes des créateurs des clichés qui constituent l’essentiel du bagage culturel d’une bonne partie de nos concitoyens affirment qu’on a les hommes politiques qu’on mérite. C’est bien évidemment faux, et il faut avoir la cruauté chevillée au corps pour penser que quiconque mérite d’avoir des hommes politiques. Mais si l’on voulait suivre cette conjecture, on pourrait en déduire que les Russes doivent être les pires baltringues que porte la malheureuse planète Terre, affirmation vite contrecarrée par l’existence de Dostoievski et Kropotkine. Faisons tout de même semblant pour donner un semblant de continuité à cet article. Après s’être coltiné les tsars, les soviets suprêmes, et le plus gros ivrogne qui ait jamais dirigé un pays, les Russes ont aujourd’hui l’honneur d’être administrés par Vladimir Poutine.

Vlad n’est pas sorti ex nihilo de la plèbe russe pour devenir le riant dictateur que l’on connaît aujourd’hui. Quoiqu’issu d’une famille modeste de Saint Pétersbourg, il est un pur produit du KGB et en gardé une passion teintée de nostalgie pour l’empoisonnement, l’espionnage, et le muselage de l’opposition sous toutes ses formes. Et aussi pour le culte de la personnalité qui sied tant à l’autocrate sous toutes les latitudes. Pendant que nous, infortunés Français, peinont pour notre petit Président qui sue comme s’il sortait d’un sauna après cinq minutes de footing, Vladimir Vladimirovitch (littéralement maître du monde fils de maître du monde) expose son torse viril forgé par des années de pratique du judo, chasse la bête sauvage à mains nues, découvre des trésors de la Grèce antique en prenant un bain, et fait montre d’une autorité envers les dirigeants d’entreprises de son pays qui ferait passer Martine Aubry pour une dangereuse libertarienne à la solde du Medef. A l’occasion, il n’hésite pas à donner son avis sur la politique extérieure de ses voisins en assaisonnant leurs desserts au polonium, ou à montrer son attachement à l’hygière en donnant la chasse au Tchétchènes qui vivent dans les toilettes. Mais il ne faut pas se méprendre, ce n’est pas par méchanceté qu’il se comporte si brutalement, mais parce qu’il sait qu’il n’y a pas grand-chose à tirer de son peuple habitué à l’assistanat qui était la règle pendant les années communistes. D’ailleurs, le premier ministre russe se définit comme « le seul et le plus pur démocrate du monde » et déplore de n’avoir « plus personne à qui parler depuis la mort du mahatmah Gandhi ». Pauvre chaton.

Heureusement, Vlad fêtait hier son 59ème anniversaire et l’anniversaire de la disparition de la journaliste Anna Politovskaia (rayez la mention inutile). Il avait convié son grand ami Silvio Berlusconi et l’ex-chancelier allemand Gerhard Schroeder, aujourd’hui président d’un consortium gasier germano-russe, à une petite sauterie d’une grande simplicité. Nicolas Sarkozy n’était pas invité, car il a prouvé au monde entier lors d’un sommet du G8 qu’il ne tenait pas la vodka, et ça lui apprendra à faire le malin dans le Caucase au lieu de veiller son épouse en couches. Bien que le peuple russe soit méprisable, il produit des jeunes filles d’une beauté confondante qui n’ont pas manqué de clamer très spontanément leur admiration pour le grand Vladimir, en remarquant à quel point il est bel homme pour son âge, et que sa virilité se rapportant au volontarisme avec lequel il dirige son pays, il peut provoquer la pâmoison rien que d’un froncement de sourcil (c’est comme ça que Vladimir sourit). Les poses suggestives impliquant de la crème Chantilly et les strip-teases sauvages se succedèrent à Moscou, et Berlusconi doit regretter d’avoir dépensé tant d’argent pour s’attacher les services de jeunes mineures dans son « pays de merde » alors que la jeune Russe est si accorte et reconnaissante envers son dirigeant. Pendant ce temps, l’opposition se vit offrir des séjours gratuits en prison et était invitée à se faire brûler les bougies d’anniversaire de l’essence de l’âme slave à même la peau, ou à goûter au dessert favori du candidat à la présidentielle ukrainien. Le plus pur démocrate du monde est trop généreux.

Dans un prochain épisode, nous formulerons le souhait que dans l’hypothèse où Nicolas Sarkozy se succède à lui-même en 2012, tous les stocks de crème Chantilly soient dissimulés afin que ne viennent pas d’idées lubriques à Mireille Mathieu ou à Jeane Manson. Un malheur à la fois s’il vous plaît.

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