L’empire sarkozyste, bien qu’ayant crû d’une innocente tête de pipe hier soir, se délite de toute part. A commencer par son plus fidèle destrier, le Jolly Jumper qui a porté sur ses reins solides notre conquérant des steppes de Neuilly sur Seine aux cîmes esseulées du pouvoir, la police. Et aujourd’hui que les mises en examen tombent sur les casquettes des roussins plus vite que les sauterelles de Moïse sur l’Egypte, ils doivent regretter d’avoir tant maugréé quand l’Europe a imposé à la France de réformer les conditions de garde à vue qui n’avaient guère évolué depuis la création de la cellule.
Après que Michel Neyret, chef des condés lyonnais a été enchristé pour avoir entretenu des relations un peu trop cordiales avec le grand banditisme, c’est au tour de Jean-Christophe Lagarde, ci-devant chef de la Sûreté Départementale du Nord, de passer de l’autre côté du miroir sans tain. Ce proche de DSK est accusé d’avoir mouillé (si vous me passez l’expression) dans l’affaire de proxénétisme du Carlton de Lille, et d’avoir participé à un transit de prostituées au bénéfice d’un homme politique encore plus généreux du gland que Rocco Siffredi et Silvio Berlusconi réunis. A l’inverse de certains geôliers, respectons la présomption d’innocence et les droits civiques de ce citoyen, mais réjouissons-nous quand même de voir que l’impunité n’est plus obligatoirement de mise quand la justice trouve du bleu dans ses dossiers. Cette inflation de ressortissants de la Maison Poulaga dans les prétoires permet tout de même de s’interroger sur la validité du concept de police républicaine, et là je dis log10(lol). (J’en profite pour contribuer à l’élévation de la pensée des amateurs de raccourcis syntaxiques en précisant que le logarithme de lol en base 10 est la puissance à laquelle il faut élever lol pour obtenir mdr). Quand un service public est perturbé par des grêvistes, le bovin moyen dit qu’il est « pris en otage ». A l’inverse, le service public de la police est régulièrement pris en otage par le ministère de l’Intérieur. Depuis que l’insécurité est le maître-mot des campagnes électorales, la contravention et l’expulsion sont les variables d’ajustement qui permettent d’effrayer le votant et d’orienter son suffrage. Sarkozy a innové en instaurant la fameuse et fumeuse politique du chiffre, alors que 25000 reconduites à la frontière et 50 millions d’heures supplémentaires non payées aux fonctionnaires de police sont des nombres, mais il faudra plus qu’une grossière erreur de terminologie pour semer les graines de l’insurrection dans les rangs des gardiens de la paix.
Car les policiers, en dépit d’une réputation salie par les mauvais esprits qui voient la bavure partout et malgré les multiples convocations devant la cour européenne des droits de l’Homme, sont des hommes et des femmes doux et dociles qui souffrent des médisances et du désamour de la population à leur endroit. S’ils ne sont entré en résistance qu’en avril 1944, ce n’était que parce qu’ils avaient des ordres, et que l’allemand se prête si bien à l’injonction hiérarchique. S’ils sont enclins à sortir matraque et flashball avec la célérité d’une loi sécuritaire après un fait divers, ce n’est que parce que la crise leur interdit de laisser la poussière s’installer sur du matériel si chèrement acquis par l’Etat. S’ils surveillent les journalistes, ce n’est que parce que les organes de presses sont tenus en sous-main par des terroristes, comme l’ayatollah intégriste Edmond de Rothschild. S’ils cueillent les enfants sans-papiers à la sortie des maternelles, ce n’est que parce qu’ils savent la dégradation du système scolaire français, et que leurs coeurs saignent à l’idée déchirante de voir un futur petit génie gacher son talent sur les bancs de cette école qui ne forme que des chômeurs. Si le poulet pratique parfois le tutoiement et la blague raciste/misogyne/homophobe, choisis ta « minorité » camarade, ce n’est que dans le cadre de la dimension éducative de sa mission de prévention, et pour éveiller en chacun la verve rabelaisienne qui est l’essence de l’âme française. Et si l’on ne voit pratiquement que le syndicat Alliance proche de l’UMP sur les écrans de télévision (en plus des milliers de séries policières qui squattent quotidiennement l’antenne), quand la police nous fait l’honneur de partager sa syntaxe si particulière faite « d’individus » et d’ignorance complète de la concordance des temps, c’est sans doute pour faire accréditer l’hypothèse selon laquelle tous les flics sont des bourrins obtus portés sur la boisson et la répression. Hypothèse extrêmement hâtive et hasardeuse, puisqu’on en rencontre parfois des spécimens parfaitement polis et éduqués, qui avouent renâcler au tout-sécuritaire et confessent même des sympathies de gauche. On ne peut que les encourager à trouver un métier honnête.
Dans un prochain épisode, nous écluserons une bouteille de porto en l’honneur de la police portugaise qui s’est rangée du côté des manifestants dans les rassemblements contre l’austérité. Un cogne qui désobéit au lieu de se laisser instrumentaliser par le pouvoir, c’est presque aussi beau qu’une usine qui ferme.