Les intégristes ne sont plus ce qu’ils étaient

« Si Jeanne d’Arc avait eu du diabète, tout Rouen aurait senti le caramel »

José Artur

Les curés intégristes parisiens, suivis par leurs troupeaux, soit un cheptel d’un millier de bêtes rassemblées au pied de la statue de Jeanne D’Arc, ont décidé hier de faire l’Eglise buissonière pour dénoncer la « christianophobie » dont ils sont l’objet. A titre personnel, je n’ai absolument pas peur de cette Christiane à l’identité floue, ni d’aucune autre Christiane de ma connaissance. Mais parle t-on bien de Sainte Christiane , ou sous sa forme hypocoristique Sainte Ninon, qui évangélisa la Russie au IVè siècle, ou le vocable « christianophobie » est-il l’un de ces brouets néologiques qui mélange sans conscience racines latines et grecques de cuisine et  qui viserait alors maladroitement à stigmatiser la détestation des chrétiens? A l’époque où le jeune chrétien intégriste n’échangeait avec ses semblables qu’en répandant des paraboles absconses, on ne comprenait pas franchement mieux son discours mais au moins on pouvait méditer sur ses images poétiques et les lions étaient bien nourris.

Quoiqu’il en soit, le fan-club du petit Jésus a ressorti les flambeaux et la cape de l’Inquisiteur pour protester contre la pièce de théatre de Romeo Castellucci intitulée « Sur le concept du visage du fils de Dieu », où le frais minois du rédempteur de l’humanité est souillé d’excréments. Et nos fiers défenseurs de la foi de hurler au blasphème, à la calomnie, à l’apostat, et à l’immolation par le feu (proposition non retenue qui émanait d’un professeur de maths qui passait par là).  Quelle susceptibilité! Comme si Jésus ne posait pas sa pêche de temps en temps! C’est l’excellent Institut Civitas qui a battu le rappel des manifestants, en rappelant que  » face aux provocations anti-chrétiennes, il n’y a pas de place pour les tièdes ». C’est déjà cette sympathique association qui avait perturbé l’exposition de « Piss Christ » à Avignon, et qui avait appelé au boycott de Kronembourg et découragé ses disciples de « trinquer avec le Diable » au HellFest où l’on pratique depuis toujours le sacrifice rituel de chrétiens sur scène quand tout le monde est ivre de mauvaise bière et de muscadet infâme. En gros, les fondamentalistes en ont ras la calotte qu’on se paie leur Sainte Ampoule et que Téléfoot les prive de la moitié de leur clientèle. Marre que les pêchés soient rachetés en euros plutôt qu’en pénitences. Et que l’impunité drape de sa toge républicaine le blasphème anti-chrétien pendant que les concurrents rétablissent la charia et piquent toutes les parts de marché.

Pendant ce temps, l’Eglise « officielle » traite ce petit monde de groupuscules d’extrême-droite et  accuse les importuns de n’avoir aucun mandat pour la représenter, avec la sincérité de Jean-François Copé  portant la controverse à la Droite Populaire. En effet, on imagine assez mal Benoît XVI tancer d’importance un Président qui abolirait la loi de 1905, en lui reprochant de ne pas avoir préalablement soumis la question au Parlement. En ce qui me concerne, j’ai fermement l’intention de présenter ma candidature aux élections papales qui ne sauraient tarder, et pas seulement pour la papamobile de fonction et les robes de toutes les couleurs. Ma première mesure sera d’excommunier à titre conservatoire ces protestataires parisiens mous de la foi et denvoyer Alain Escada, le secrétaire général de Civitas faire quarante jours de pélerinage dans le désert pour lui remettre les Evangiles en place. Parce que je ne voudrais pas vous apprendre votre métier, les copains, mais comme je bénéficie de l’infaillibilité papale je vous rappelle que c’est votre vocation d’être des martyrs et que douter des desseins du Patron est un acte d’apostasie et un péché mortel. Donc si vous n’aimez pas l’art contemporain, n’en dégoûtez pas les autres, sous peine de passer l’éternité à vous faire griller l’âme en brochette en compagnie de ces saltimbanques qui sentent dès la naissance l’odeur de soufre qu’exhale le souffle putride du Malin. Ma seconde mesure sera de canoniser Karl Lagerfeld de son vivant pour mettre ma garde-robe au goût du jour de Pâques, où brillant de mille feux, je rassemblerai tous les croyants sous ma bannière en reprenant les meilleures blagues de Torquemada en 122 langues. Par contre, j’abolirai la coutume de laver des pieds, ça énerve beaucoup Georges Tron.

Dans un prochain épisode, nous lancerons un grand mouvement de modernisation de l’Eglise et nous chasserons sur les terres d’Apple en lançant les « iTablettes de la Loi ». Think different, think Christian.

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